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L'aliénation selon les Manuscrits de 1844. Commentaire

Publié le 23/03/2015

Extrait du document

« Il faut surtout éviter de fixer de nouveau la « société « comme une abstraction en face de l'individu. L'individu est l'être social. La manifestation de sa vie — même si elle n'apparaît pas sous la forme immédiate d'une manifestation collective de la vie, accomplie avec d'autres et en même temps qu'eux — est donc une manifestation et une affirmation de la vie sociale. La vie individuelle et la vie générique de l'homme ne sont pas différentes, bien que — et ceci nécessairement — le mode d'existence de la vie individuelle soit un mode plus particulier ou plus général de la vie générique ou que la vie du genre soit une vie individuelle plus particulière ou plus générale.

En tant que conscience générique l'homme affirme sa vie sociale réelle et ne fait que répéter dans la pensée son existence réelle ; de même qu'inversement l'être générique s'affirme dans la conscience générique et qu'il est pour soi, dans son universalité, en tant qu'être pensant. [...]

De même que la propriété privée n'est que l'expression sensible du fait que l'homme devient à la fois objectif pour lui-même et en même temps au contraire un objet étranger pour lui-même et non-humain, que la manifestation de sa vie est l'alié­nation de sa vie, que sa réalisation est sa privation de réalité, une réalité étrangère, de même l'abolition positive de la propriété privée, c'est-à-dire l'appropriation sensible pour les hommes et par les hommes de la vie et de l'être humains, des hommes objectifs, des oeuvres humaines, ne doit pas être saisie seulement dans le sens de la jouissance immédiate, exclusive, dans le sens de la possession, de l'avoir. [...]

La propriété privée nous a rendus si sots et si bornés qu'un objet n'est nôtre que lorsque nous l'avons, qu'il existe donc pour nous comme capital ou qu'il est immédiatement possédé, mangé, bu, porté sur notre corps, habité par nous, etc., bref qu'il est utilisé par nous, bien que la propriété privée ne saisisse à son tour toutes ces réalisations directes de la possession elle-même que comme des moyens de subsistance, et la vie, à laquelle elles servent de moyens, est la vie de la propriété privée, le travail et la capitalisation. A la place de tous les sens physiques et intellectuels est donc apparue la simple aliénation de tous ces sens, le sens de l'avoir. L'être humain devait être réduit à cette pauvreté absolue, afin d'engendrer sa richesse intérieure en partant de lui-même. [...]

L'abolition de la propriété privée est donc l'émancipation totale de tous les sens et de toutes les qualités humaines ; mais elle est cette émancipation précisément parce que ces sens et ces qualités sont devenus humains, tant subjectivement qu'objecti­vement. L'oeil est devenu l'oeil humain, de la même façon que son objet est devenu un objet social, humain, venant de l'homme et destiné à l'homme. Les sens sont donc devenus directement dans leur praxis des théoriciens. Ils se rapportent à la chose pour la chose, mais la chose elle-même est un rapport humain objectif à elle-même et à l'homme et inversement. Le besoin ou la jouissance ont perdu de ce fait leur nature égoïste et la nature a perdu sa simple utilité, car l'utilité est devenue l'utilité humaine.

De même les sens et la jouissance des autres hommes sont devenus mon appropriation à moi. En dehors de ces organes immédiats se constituent donc des organes sociaux sous la forme de la société ; ainsi, par exemple, l'activité directement en société avec d'autres, etc. est devenue un organe de la manifestation de ma vie et un mode d'appropriation de la vie humaine. [...]

Ainsi que nous l'avons vu, l'homme ne se perd pas dans son objet à la seule condition que celui-ci devienne pour lui objet humain ou homme objectif. Cela n'est possible que lorsque l'objet devient pour lui un objet social, que s'il devient lui-même pour soi un être social, comme la société devient pour lui être dans cet objet.

Donc, d'une part, à mesure que partout dans la société la réalité objective devient pour l'homme la réalité des forces humaines essentielles, la réalité humaine et par conséquent la réalité de ses propres forces essentielles, tous les objets deviennent pour lui l'objectivation de lui-même, les objets qui confirment et réalisent son individualité, ses objets, c'est-à-dire qu'il devient lui-même objet [...] Avec tous les sens l'homme s'affirme dans le monde objectif «.

Manuscrits de 1844, Troisième manuscrit,

 

trad. fr.,  Éditions Sociales, 1972, pp. 90-93.

« 42 MARX De même les sens et la jouissance des autres hommes sont devenus mon appropriation à moi.

En dehors de ces organes immédiats se constituent donc des organes sociaux sous la forme de la société : ainsi, par exemple, l'activité directement en société avec d'autres, etc.

est devenue un organe de la manifestation de ma vie et un mode d'appropriation de la vie humaine.[ ...

] Ainsi que nous l'avons vu, l'homme ne se perd pas dans son objet à la seule condition que celui-ci devienne pour lui objet humain ou homme objectif.

Cela n'est possible que lorsque l'objet devient pour lui un objet social, que s'il devient lui-même pour soi un être social, comme la société devient pour lui être dans cet objet.

Donc, d'une part, à mesure que partout dans la société la réalité objective devient pour l'homme la réalité des forces humaines essentielles, la réalité humaine et par conséquent la réalité de ses propres forces essentielles, tous les objets deviennent pour lui /'objectivation de lui-même, les objets qui confirment et réalisent son individualité, ses objets, c'est-à-dire qu'il devient lui-même objet [ ...

] Avec tous les sens l'homme s'affirme dans le monde objectif».

Manuscrits de 1844, Troisième manuscrit, trad.

fr.,© Éditions Sociales, 1972, pp.

90-93.

Dans les Manuscrits parisiens Marx est incontestablement encore feuerbachien : la satisfaction des besoins humains, l'épanouissement des sens humains, l'accomplissement de l'espèce dans l'homme et la femme, dont la dégradation est l'expression de l'aliénation de l'homme, esquissent une anthropologie qui 1 prolonge celle de Feuerbach.

L'élément nouveau est sa tentative de mettre en relation cette anthropologie avec la catégorie qui est au cœur des deux premiers , manuscrits : la propriété privée.

On peut donc prendre la mesure de l'étape que représentent les Manuscrits dans l'évolution de Marx en se demandant dans quelle mesure ils font de la vie générique de l'homme sa vie sociale et déterminent cette dernière en termes économiques.

Quant au premier point, 1 Marx énonce d'emblée que la vie sociale de l'homme est l'unité de son existence individuelle et de son appartenance au genre humain.

La société ne doit donc être opposée ni à l'individu, ni au genre : elle est la réalisation particulière du genre humain universel et la réalisation générale de l'individualité.

La société - et ce point est important -apparaît non seulement comme la médiation entre l'individu et le genre mais comme la catégorie englobante, qui était en revanche chez Feuerbach le genre humain.

Feuerbach est « renversé », Hegel aussi puisque Feuerbach avait remplacé !'Esprit par le genre humain.

Quant au deuxième point cependant, le résultat est plus décevant.

La façon de raisonner de Marx dans ce passage est caractéristique de la façon dont les Manuscrits « triturent» la dialectique hégélienne pour, tout à la fois, lui arracher d'autres effets de connaissance que ceux qu'elle a produits et aller au­ delà de la façon « immédiate » dont Feuerbach l'a « réalisée » dans le xenre 1. »

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