l'activité technique nous impose-t-elle une représentation du monde ?
Publié le 25/05/2005
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Tout groupe social, voire toute société globale, admet pour vivre un certain nombre de représentations de la nature, de la vie et des rapports humains, de Dieu (ou des dieux). C’est ce qu’on appelle une vision du monde, elle désigne les notions et représentations communes, les modèles éducatifs, et les comportements. Dans cette optique Lucien Febvre dans Problème de l’incroyance ; pense que le cadre de vie quotidien, les gestes et les travaux chaque jour répétés au long de l'existence définissent une façon de voir les êtres et le milieu naturel. « À chaque civilisation, son outillage mental ; bien plus, à chaque époque d'une même civilisation, à chaque progrès, soit des techniques, soit des sciences, qui la caractérise, un outillage renouvelé, un peu plus développé pour certains emplois, un peu moins pour d'autres. «. Est-ce la technique qui inspire une vision particulière du monde, ou est-ce au contraire une certaine vision du monde qui conditionne un certain type de technique ?
«
l'industrie, une menace pour la pérennité de l'art et des valeurs qui avaient permis de souder l'ensemble de la sociétéjusqu'au XIX e siècle.
En somme, la noblesse se voyait menacée dans sa position par la montée de la classe bourgeoise naissante à l'époque de l'industrialisation.
Cette même bourgeoisie, plutôt que d'éliminer la noblesse, avoulu l'imiter dans ses attitudes et ses goûts pour diminuer la différence qu'il pouvait exister entre eux.
La noblesseimita l'art du Moyen Âge pour asseoir et perpétuer sa légitimité, et la bourgeoisie montante reprit les canons édictéspar la noblesse pour la construction de ses demeures privées, dans les édifices publics, et les arts décoratifs.
3) Activité technique et paradigme scientifique.
Il semble qu'on puisse reconnaître deux grandes orientations de cette définition d'un cadre pour la description d'unétat de la science.
L'une d'elles insiste sur l'importance d'idées très générales, de nature métaphysique, c'est-à-direinaccessibles comme telles à l'expérience, qui serviraient de trame à l'organisation de la pensée scientifique à uneépoque donnée, et lui donneraient une certaine unité.
Michel Foucault à Paris, G.
Holton à Harvard en sont lesreprésentants les plus en vue, quoi qu'en des sens bien différents.
La notion d'épistémé, pour le premier, est unesorte de soubassement « archéologique » du savoir scientifique d'une époque.
Elle consisterait en un parti pris trèsgénéral relativement à la question : qu'est-ce que connaître ? Une telle unification de l'esprit du temps, dontl'inspiration rappelle la conception hégélienne des figures de la conscience dans la Phénoménologie de l'esprit, nepeut manquer de séduire au premier abord.
Cependant, le caractère de généralité excessive des traits quifonderaient une épistémé , en rendant trop facilement praticable à une pensée agile et habile à choisir ses exemples une interprétation apparemment cohérente de l'état de la science, risque fort de n'en saisir que des aspectsextérieurs.
D'autre part, dès qu'un examen détaillé des faits épistémologiques est poursuivi sans parti pris desélection orientée, on s'aperçoit que le bel édifice se délabre, et l'on en vient à suspecter l'artifice de l'entreprise,même si l'on demeure convaincu de l'existence d'un jeu entre les concepts de la science et la métaphysique plus oumoins implicite des hommes du temps.
M.
Foucault dans les Mots et les choses donne un rôle déterminant, pour le développement de la science, à de grands « thèmes » philosophiques, d'abord posés en des termes qui les soustraient à toute confirmationexpérimentale, mais qui animeraient pour ainsi dire les hypothèses scientifiques, reformulées alors de façon àpermettre d'en contrôler la cohérence et l'adéquation aux phénomènes observés.
Ce sont ces « thèmes » quifourniraient impulsion et forme aux essais de construction proprement scientifiques, et dont les mises en œuvresuccessives donneraient par conséquent naissance aux différents âges d'une science.
Un autre point de vue concernerait la définition d'un état de la science ou des sciences, au lieu de mettre envedette le jeu de thèmes généraux, consiste à insister sur sa spécificité et sur le caractère déterminant destechniques de pensée qu'elle institue.
L'œuvre de Gaston Bachelard est à cet égard exemplaire.
En déployant pourchaque concept scientifique le « spectre épistémologique » de ses motivations philosophiques, considérées alorsdans leur aspect d'obstacle, et comme opposant des résistances qui obligent la pensée objective à vaincre sespréjugés.
Mais elle insiste surtout sur le caractère de système « régional » qui serait celui de chaque état développéd'une connaissance scientifique.
Se dégageant à la fois des découpages du monde immédiatement suggérés parl'expérience commune et du désir abstrait d'universalité qu'une première réflexion philosophique cultive, lerationalisme scientifique accepte de démultiplier ses domaines en des systèmes provisoirement autonomes.Bachelard décrit un « rationalisme électrique » et un « rationalisme mécanique ».
Chaque région ainsi délimitée à unmoment donné de l'histoire des sciences se définit en constituant ses objets par une technique expérimentale, enformulant ses principes et ses modes de raisonnement spécifiques.
Tel est le sens d'un « rationalisme appliqué »,pour lequel « la méditation de l'objet par le sujet prend toujours la forme du projet » ( Le Nouvel Esprit scientifique , 1934, p.
11).
De telle sorte qu'une époque de la science ne saurait être décrite à proprement parler comme un fait,mais comme un ensemble d'« idées s'inscrivant dans un système de pensée », se manifestant par des techniquesprécises et complexes tant dans la matérialité des expériences que dans la construction des concepts.
Du succèsde ce travail interne de rationalisation d'un domaine résulte une unité de conception qui s'impose si fortement auxesprits que toute tentative pour le rompre au profit d'un projet nouveau qui en élargisse et en approfondisse lechamp se heurte à des résistances apparemment tout à fait fondées, et qui ne sont surmontées qu'au prix d'unrenouvellement.
« Par les révolutions spirituelles que nécessite l'invention scientifique, l'homme devient une espècemutante, ou pour mieux dire encore une espèce qui a besoin de muter...
» ( La Formation de l'esprit scientifique , 1938, p.
16).
4) La notion de paradigme scientifique.
Ce sont justement ces résistances et ces inerties qui servent de point de départ à la thèse de Thomas Kuhn sur les« révolutions scientifiques » et sa conception des états stables de la science.
La science, selon Kuhn, se stabilise àde certaines époques en se conformant à un « paradigme », qui en délimite le champ et les procéduresd'investigation.
Dans un tel cadre de « science normale », la formulation des problèmes et le type de solutionattendu s'imposent à la communauté scientifique.
Plus que de la domination de telle ou telle théorie dans un certaindomaine, il s'agirait alors d'un accord général sur les voies et les moyens de la connaissance scientifique.
Deux traitsessentiels semblent caractériser un « paradigme » au sens kuhnien : en premier lieu, l'importance des institutionsdans lesquelles s'incarne son inertie (Kuhn insiste sur l'aspect déterminant des contraintes exercées par les groupesde savants socialement dominants à travers la transmission scolaire du savoir, la distribution des moyens de.
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