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La vision constitue-t-elle le modèle de toute connaissance ?

Publié le 18/01/2004

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Que toute notre connaissance commence avec l'expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action, si ce n'est par des objets qui frappent nos sens et qui, d'une part, produisent par eux-mêmes des représentations et d'autre part, mettent en mouvement notre faculté intellectuelle, afin qu'elle compare, lie ou sépare ces représentations, et travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets, celle qu'on nomme l'expérience ? Ainsi, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l'expérience et c'est avec elle que toutes commencent. Mais si toute notre connaissance débute AVEC l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute DE l'expérience, car il se pourrait bien que même notre connaissance par expérience fût un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même : addition que nous ne distinguons pas de la matière première jusqu'à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice qui nous ait appris à l'en séparer. C'est donc au moins une question qui exige encore un examen plus approfondi et que l'on ne saurait résoudre du premier coup d'oeil, que celle de savoir s'il y a une connaissance de ce genre, indépendante de l'expérience et même de toutes les impressions des sens. De telles connaissances sont appelées a priori et on les distingue des empiriques qui ont leur source a posteriori, à savoir dans l'expérience. Cette expression n'est pourtant pas encore suffisamment déterminée pour marquer tout le sens contenu dans la question proposée. Car on dit bien - et l'usage le veut - de maintes connaissances sorties de sources expérimentales, que nous en sommes capables ou que nous les avons a priori, parce que ce n'est pas immédiatement de l'expérience que nous les dérivons, mais d'une règle générale, que nous avons toutefois elle-même empruntée à l'expérience. C'est ainsi qu'on dit de quelqu'un qui a sapé les fondements de sa maison, qu'il pouvait bien savoir a priori qu'elle s'écroulerait, c'est-à-dire qu'il n'avait pas besoin pour le savoir d'attendre cette expérience, l'écroulement réel. Il ne pouvait pourtant pas le savoir entièrement a priori.

La vision est le premier sens qui nous semble le plus évident. Voir quelque chose nous permet d’accéder immédiatement à sa connaissance grâce à notre perception. Lorsque nous voyons quelque chose pour la première fois son image se fixe dans notre mémoire et lui attribue par défaut une catégorie en attendant d’avoir une confirmation ou une infirmation grâce à d’autres éléments. Ainsi, la connaissance par la vision paraît-elle assez proche de toute connaissance. Lorsqu’on cherche à connaître un objet on le prend d’abord sous sa forme apparente avant de lui attribuer une existence plus rationnelle et réfléchie. Ne faisons nous pas de même pour la vision? Cependant il ne faut pas oublier que la vision est un sens au même titre que le toucher ou l’ouie il peut nous induire en erreur. Si nous nous basons sur la vision pour apprendre à connaître les objets, ne risquons-nous pas d’être trompé plus facilement? L’illusion des apparences n’est elle pas la plus fréquente des erreurs? Ne pouvons nous pas concevoir un modèle de connaissance qui éviterait ces pièges et nous procurerait a priori des certitudes ? Devons-nous nécessairement passer par une approche de l’inconnu pour enfin connaître un objet?

« Introduction La vision désigne le processus et le résultat par lequel nous appréhendons un objet par notre système optique.Connaître un objet, c'est être en mesure d'énumérer toutes ses déterminations avec certitude.

Or dans le langagecourant, nous demandons souvent à notre interlocuteur « s'il voit » ce dont nous parlons, c'est-à-dire s'il lecomprend et le connaît.

Le vocabulaire de la connaissance est ainsi marqué par l'optique : en grec le verve « orao »qui signifie je vois conjugué au passé signifie je sais.

Dans le présent savoir, il y a voir sur le m^me principe.

Dans lamesure où le savoir semble constitué par un voir passé, on peut affirmer que la vision constitue le modèle de touteconnaissance.

Toutefois cette conception du savoir sous la forme du voir n'est -elle pas illégitime ? En effet laconnaissance exige une discursivité que ne permet pas l'immédiateté de la vision.

En ce sens on ne pourrait passoutenir que la vision constitue le modèle de toute connaissance, mais caractériserait au contraire un état del'esprit d'avant la connaissance.

Néanmoins si la vision ne constitue pas le modèle de toute connaissance, celan'empêche pas qu'elle puisse constituer un certain type de connaissance.

Nous sommes alors confrontés à ceproblème : la connaissance est -elle produite dans son intégralité par analogie avec la vision ou au contraire lavision ne concerne qu'un état de l'esprit avant la connaissance ? I La vision constitue le modèle de toute connaissance _ La vision est la source de la connaissance.

En effet tous les hommes désirent connaître et ce désir de connaîtrese manifeste dès la naissance par le plaisirs pris à l'appréhension du monde par tous les sens et notamment par lavue.

La vue est en en effet le plus intellectuel de tous les sens et donc celui qui mène droit vers la connaissance.C'est ce que l'on peut soutenir avec Aristote au chapitre IV de sa Poétique .

Pourquoi la vue est-elle le sens le plus intellectuel ? C'est que la perception optique est le sens qui nous livre le plus de déterminations spatiales, ce quinous permet d'appréhender sa forme grâce à une mise à distance.

En effet tous les autres sens ne permettent pasde mettre à distance l'objet par exemple l'odorat.

Par opposition, la vue permet de saisir la forme de l'objet qui estdéjà une première abstraction permettant à l'esprit de le garder en mémoire.

Par l'intermédiaire de la mémoire, nouspouvons reconnaître ce que nous avons vu autrefois.

La connaissance commence par ce phénomène dereconnaissance comme le montre cet exemple d'Aristote : si les hommes prennent plaisir à la peinture imitative,c'est qu'ils peuvent reconnaître l'original dont la peinture es une copie.

Après avoir vu son portrait, ils reconnaissenttel homme dans la rue._ La connaissance est construite par analogie avec la vision.

Cela signifie que la vision n'est pas en amont de laconnaissance, mais également en aval comme son modèle.

Pourquoi la vision serait-elle le modèle de laconnaissance.

Nous l'avons dit voir c'est mettre à distance et ressaisir la forme d'un objet; mais voir un objet, c'estégalement l'avoir devant soi et en os.

Ainsi la vision possède une fonction de mise en présence qui nous mets sousles yeux l'objet.

De la même manière, connaître un objet, c'est l'avoir sous les yeux de l'esprit.

Cette vision del'esprit est appelée par Descartes une évidence.

L'évidence désigne l'appréhension claire et distincte d'un objet detelle manière que l'esprit ne puisse pas douter de son contenu.

Dans l'évidence, je connais l'objet de telle manièreque c'est comme si je le voyais dans son intégralité avec les yeux de l'esprit.

C'est ce que l'on peut soutenir avecDescartes dans la première règle du Discours de la méthode : « ne jamais recevoir aucune chose pour vraie que je ne la reconnus évidemment être telle ».

L'évidence est une mise en présence indubitable qui écarte toute confusionet cet idéal même de clarté conduit notre recherche lorsque nous cherchons à comprendre quelque chose qui estencore confus.

Passer du confus au clair par l'évidence, c'est le processus même de la connaissance Dans la mesure où le savoir semble constitué par un voir passé, on peut affirmer que la vision constitue le modèle detoute connaissance.

Toutefois cette conception du savoir sous la forme du voir n'est -elle pas illégitime ? II La vision ne peut pas constituer le modèle de toute connaissance _ La connaissance se construit par rupture avec la vision, et non pas dans son prolongement.

En effet si la visionest l'organe le plus propre à la connaissance, cette connaissance n'est encore u'ordinaire et dénuée de certitude.En ce sens elle n'atteint que le niveau de l'opinion, qui peut vite être contredit.

L'opinion résulte des imagesquotidiennes que nous avons devant les yeux dans les interroger et qui sont chargées de valeurs positives ounégatives que nous ne contrôlons pas.

Ce réseau d'images surchargées de valeurs constitue un obstacleépistémologique, c'est-à-dire une entrave à la progression de la connaissance scientifique en intégrant dans laconnaissance des éléments de l'opinion.

Aussi la seule manière de construire une connaissance certaine n'est pas deprolonger cette vision contaminée par les préjugée et les valeurs, mais au contraire de s'en couper.

C'est ce que l'onpeut soutenir avec Bachelard dans la préface de la Formation de l'esprit scientifique : « l'opinion pense mal, elle ne pense pas, il faut commencer par la détruire ».

Ainsi la première étape de la connaissance scientifique est la ruptureavec la fausse connaissance issue de la vision, et elle doit sans être répétée au sein de la science elle-même qui. »

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