La vie morale exclut-elle sous tous les rapports l'hypothèse déterministe ?
Publié le 27/03/2004
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III.
— Part de la liberté dans la vie morale.
Si la vie morale est pénétrée de déterminisme, il reste vrai qu'elle exige aussi la liberté.
Sans doute l'idée de libertémorale est une construction tardive, très postérieure à la genèse de la conscience morale commune et desinstitutions juridiques.
Les valeurs morales n'ont pas été intériorisées ni même individualisées d'emblée ; le jugementmoral se règle d'abord sur le comportement rituel des hommes plutôt que sur leurs dispositions subjectivesprésumées.
Mais la conscience moderne lie le mérite moral à l'initiative réelle de la personne.
Le devoir n'oblige, ausens strict du mot obliger, qu'en perdant son caractère de pure contrainte, que si le commandement se faitconsentement, si l'agent décide de faire sienne une loi qu'il a pu d'abord subir.
La responsabilité individuelle supposeaujourd'hui la liberté de l'individu : on ne compterait pas sur l'efficacité de la sanction si l'on tenait, par exemple,pour impossible à l'individu de compenser ou inhiber en lui le déterminisme passionnel.
On n'est même punissable quesi l'on se croit libre : si je suis frappé, remarque M.
Parodi, pour des actes que je sais ne pas dépendre de moi, je neréagirai à la peine que par une résignation passive, un fatalisme indifférent.
IV.
— Le déterminisme n'exclut pas la liberté.
Il suit de l'argumentation précédente : 1° que le déterminisme mental n'est pas seulement réel, mais postulé endivers sens par la vie morale ; 2° que pourtant cette dernière, où l'automatisme, il est vrai, a sa place, ne se réalisepleinement que par la liberté.
La moralité doit-elle être tenue pour illusoire, du fait que nous ne pouvons nier ledéterminisme ? Non, car l'opposition traditionnelle de la liberté et du déterminisme est elle-même artificielle.Le déterminisme mental exclut la liberté dans la mesure où il imite le déterminisme proprement mécanique, celui d'unebille qui en chasse une autre et qui n'a pas en elle-même le principe de son mouvement.
Le désir violent qui mecontraint est une force qui m'est relativement étrangère.
La pression d'une habitude, c'est-à-dire du passé, sur lemoi présent, l'attraction exercée sur ce moi par un plaisir représenté dans un avenir plus ou moins proche,déterminent le moi sans qu'il se détermine lui-même.
La détermination n'est pas libre quand elle est impulsion ouattraction, poussée ou aspiration.
Je suis libre autant que l'action procède de moi-même.
Mais qu'entendre par moi ?Ma personnalité vraie est l'ensemble organisé de mes tendances fondamentales, distinct de ses fractionsanarchiques, telles qu'une passion isolée, dont l'action peut se trouver prépondérante.
Je suis donc libre si madécision suit d'une prise de conscience de ces désirs essentiels dont le système me constitue.
Autant dire que l'actelibre, loin d'être indéterminé, est celui qui est le plus complètement motivé, celui auquel je me décide après avoirconfronté mes tendances, mesuré leur profondeur, défini leurs rapports, de manière à leur donner, autant qu'il estpossible, une satisfaction d'ensemble.
Conclusion.
La vie morale n'est pas une suite de décisions libres ; la nature et l'habitude y ont leur part.
Si la moralité, pourtant,ne s'achève que dans la liberté, ce n'est pas par une inconcevable infraction au déterminisme ; l'action la plus libreest celle qui est la plus mienne, qui a sa cause dans le moi total et organisé..
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