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La vie moderne entretient-elle la peur du contact avec l'inconnu ?

Publié le 20/03/2009

Extrait du document

— La première difficulté surgit à l'occasion de la définition de la « vie moderne « qui désigne les conditions sociales d'existence de l'homme contemporain. Une telle notion intègre à la fois des éléments descriptifs et des éléments normatifs (qui servent à condamner ou à louer le sort réservé à l'homme présent). Il ne saurait être question dans le cadre de cette discussion de proposer une analyse globale de la vie moderne. Aussi une approche descriptive suffira-elle pour servir de point d'appui à une démonstration de la pertinence ou non de la remarque d'E. Canetti. Autrement dit, il ne faut pas confondre vie moderne et modernisme : la vie moderne caractérise l'état actuel des hommes vivant dans une société occidentale dite développée.  — Deuxième difficulté : l'inconnu. Ce n'est pas seulement ce que l'on ne connaît pas. Dans ce que l'on ne connaît pas, il y a ce que l'on ne connaît pas encore mais que le progrès du savoir nous promet de découvrir et ce que l'on ne connaît pas, tout en ignorant son ignorance. C'est de cet « inconnu « dont parle l'auteur : l'inattendu, l'imprévisible, ce qui échappe à nos catégories habituelles.  Pourquoi, dans la vie moderne, le possible contact avec l'inaccoutumé, l'insolite est-il source d'une frayeur obsessionnelle ?

« relation la consommation divise, sépare car elle joue sur le mode concurrentiel.

Son parcours est un parcours fléchéqui empêche toute « mauvaise rencontre ».De même si l'homme moderne se laisse aller à quelque exotisme c'est un exotisme stérilisé, empaqueté, selon laformule du tout compris que dénonce Tahar ben Jelloun, poète, romancier et journaliste marocain contemporain : « Attention aux BICOTSils sont voleurs et puantsils peuvent vous arracher votre cervellela calciner et vous l'offrir sur tablettes de terre muette(écoutez plutôt une autre voix) :le club méditerranée est votre salutAmbiance française garantie, exigée, remboursée.Montez sur des dromadairesvotre vertige sera à l'image de votre faim tournantevotre bouche s'ouvrira pour apostiller chute et pleurs ;le matin buvez un peu de sang arabe : juste de quoirendre votre racisme décaféinéA vos amis offrez votre mémoire tatouéecarte postale de la béatitude en aluminiumrésonnance obscure de votre crâne-morgue ; Et puis envoyez-vous un Arabe il est nature, un peu sauvage maisd'une virilité...

» Tahar ben Jelloun, Les Amandiers sont morts de leurs blessures, Cicatrices du soleil, 1976. Dans ces lieux de vacances « clef en mains », les rencontres elles-mêmes sont programmées et n'autorisent en rienune relation véritable, réelle.

On joue à entrer en contact pour mieux s'éviter.Ces agoras comme ces clubs ne seraient-ils pas une manière plus moderne encore que celle évoquée par E.

Canettide faire masse : le conformisme des uns venant conforter celui des autres, chacun étant une monade « sans porte,ni fenêtre », inutiles puisqu'elles ne s'ouvriraient que sur du vide. Conclusion. Ainsi, la phobie du contact avec l'inconnu n'est autre que la crainte de rencontrer le réel, « sale », « sauvage », «humain », recouvert d'une épaisse couche de représentations « clean ».Si la peur de l'inconnu est répandue, d'aucuns éprouvent l'angoisse du trop connu.

« Puisque l'ordre bourgeois et laculture qu'il produisait tendent d'un train rapide vers la mort, puisque le machinisme capitaliste possédé par le démonde la quantité pure ne sait créer qu'une humanité d'esclaves dans un univers frustré de toute valeur spirituelle, oùplacer mon espérance, sinon dans la Révolution ? Elle est mon espérance.

Son symbole.

Son lieu.Je sais très bien que la Révolution ne peut être définie.

Elle déborde toute idée qu'on peut se faire d'elle, tout planqu'on peut en tracer.

C'est par là, justement, qu'elle ouvre la porte à l'espoir".

Le réel se marque par sa radicalenouveauté ou étrangeté.. »

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