La vérité relève-t-elle de ce qui est démontrable ?
Publié le 09/04/2009
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Celui qui recherche la vérité, et c’est là l’un des grands enjeux du philosophe, se trouve rapidement devant l’impossibilité de la reconnaître aisément lorsqu’il la rencontre : en effet, celle-ci se définit d’après Saint Thomas d’Aquin comme « adéquation entre l’intellect et la chose «, entre l’objet et sa réalité. Or la réalité d’un objet ne peut découler de son observation, celle-ci étant sujette à des nombreuses variations, mises en évidence par Russel dans ses Problèmes de philosophie. On peut donc se demander sur quels critères s’appuie la vérité pour différencier la réalité de l’illusion, donc quels sont les procédés permettant d’accéder à la vérité. En ce sens, le modèle mathématique a imposé la démonstration comme un moyen privilégié d’accès à la vérité, mais la vérité relève-t-elle de ce qui est démontrable ? En d’autres termes, comment la démonstration garantit-elle l’objectivité et donc la vérité de ses conclusions ? Et si tout ce qui est démontrable est vrai, qu’en est-il de ce qui est vrai, est-il nécessairement démontrable ? Y a-t-il alors d’autres critères et moyens d’accéder à la vérité ?
«
démontrés, que l'on peut classer en trois types de principes.
Viennent d'abord les définitions nominales, telles que «un point est ce qui n'a pas de partie », qui posent le sens des termes utilisés.
Suivent les postulats, qui demandentd'accepter des propositions qui ne sont en fait que des règles de constructions, telles que « tous les angles droitssont égaux entre eux ».
Enfin, les axiomes sont des vérités trop évidentes pour être démontrées, du type « le toutest plus grand que la partie ».
Ce sont de véritables intuitions intellectuelles, qui se révèlent indubitablement etimmédiatement vraies à un esprit attentif.
Une idée vraie est en ce sens, comme l'écrit Spinoza, à elle-même sonpropre critère : celui qui l'a sait en même temps qu'elle est vraie : " la vérité est norme d'elle-même et du faux ".
Cesont en effet des "notions communes", terme qu'utilisait Euclide pour désigner les vérités premières qui s'imposentd'elles-mêmes à l'esprit.
Ainsi, des propositions comme "deux quantités égales à une troisième sont égales entreelles" paraissent évidentes : ne suffit-il pas de comprendre leur sens pour savoir du même coup qu'elles sont vraies?Ainsi, toute démonstration, aussi rigoureuse puisse-t-elle être, repose sur une part d'indémontrable.Gödel, plus grand mathématicien du XXème siècle, a par ailleurs démontré qu'il existait des propositions vraies donton ne pourrait jamais démontrer la véracité.
Il a créé un modèle formel de l'arithmétique, et a cherché à prouver sacomplétude, à savoir son caractère entièrement démontré.
Or pour le valider il s'est trouvé contraint de leconsidérer consistant, donc d'inclure le principe de non-contradiction, qui n'est pas démontré.La démonstration ne peut donc pas s'auto-légitimer, puisqu'elle-même n'obéit pas à ses propres règles.D'autres mathématiciens, au XIXème siècle, ont eux mis en avant le caractère purement formel de la démonstration.Ainsi, deux d'entre eux créèrent des modèles géométriques cohérents en modifiant le 5ème postulat d'Euclide, quiprétend que par un point extérieur à une droite ne passe qu'une parallèle à cette droite.
Lobatchevski d'abord leremplace par "Par un point situé en dehors d'une droite donnée, il passe une infinité de droites parallèles à la droitedonnée", et crée ainsi un système où le monde n'est pas ramené à un plan mais à une pseudo-sphère.
Ensuite,Riemann pose comme 2ème postulat : "Une droite limitée ne peut être étendue indéfiniment pour former une droitede longueur infinie" et comme cinquième : "Par un point situé en dehors d'une droite donnée, on ne peut meneraucune parallèle à cette droite donnée".
Le monde de la géométrie riemannienne est comme une sphère, et une lignedroite y est pareille à l'arc d'un grand cercle.
Ces deux modèles sont parfaitement cohérents permettent de menerdes démonstrations, et dans le cas de la géométrie riemannienne trouve même des applications au champgravitationnel chez Einstein.
C'est ainsi que la somme des angles d'un triangle, strictement égale a 180° engéométrie euclidienne, est supérieure à cette somme chez l'un Lobatchevski et inférieure chez l'autre Riemann.La vérité est-elle alors relative un système arbitrairement choisi ? Ne serait-ce alors pas une négation de la véritéelle-même, en tant que valeur et qu'absolu ?En réalité, les mathématiques sont indifférentes aux objets dont elles parlent, mais s'attachent uniquement auxrapports entre eux, ce que Russel exprime lorsqu'il dit des mathématiques qu'elles sont « la seule science où on l'onne sait pas si ce que l'ont dit est vrai ».
En effet, la démonstration établit des rapports cohérents entre lespropositions au sein d'un système préétabli, et de ce fait ne consiste paradoxalement pas à déterminer la vérité,mais la validité d'un raisonnement.
La vérité établie par démonstration est par conséquent purement formelle : unraisonnement peut être logiquement vrai mais matériellement faux.
Faut-il alors renoncer à l'idéal démonstratif ?
Vu ses limites, la démonstration ne peut plus prétendre au statut de seule garante de la vérité.
Il faut donc trouverd'autre critères constitutifs de la vérité, et permettant de l'établir.
Deux grandes tendances s'opposent et separtagent le domaine de la connaissance non démonstrative : la connaissance intellectuelle pure et intuitive, etl'empirisme.Dans la première catégorie, on retrouve les définitions nominales, qui ne sont rien d'autres que des conventionsvisant à attribuer un nom à chaque chose.
Cependant, chacune de ces définitions n'en reste pas moins vraie, demême qu'il en est pour les définitions de choses, qui listent des jugements analytiques essentiels, c'est à direinhérents à l'objet et constitutifs de son essence, de ce qu'il est, de sorte que si l'un de ces attributs est retiré à ladéfinition, la représentation mentale de l'objet devient impossible.
Cependant, ce type de vérité ne fait aucunementavancer la connaissance : elles sont un point de départ pour toute démonstration ou approche théorique et non pasun résultat.
C'est d'ailleurs le cas des axiomes en mathématiques, qui fixent des connaissances pour permettre ladécouverte, mais ne sont pas des découvertes elles-mêmes.
Un deuxième type de vérité intuitive s'impose auXVIIème siècle d'après le « Cogito ergo sum » cartésien.
Cette phrase, qui conclut avec une seule prémisse, n'a riend'une démonstration : en fait, Descartes, lors de sa démarche de doute, est parvenu à cette première vérité : "Jepense donc je suis".
Il est impossible de remettre en cause cette vérité car plus j'essaie d'en douter, plus je laconfirme; elle est donc indubitable.
L'évidence absolue de cette phrase devient alors un modèle auquel l'on peutcomparer d'autres connaissances, et permet l'adoption de l'évidence comme un critère de vérité.
Pour Descartes,seules les idées qui s'imposent à l'esprit comme évidentes doivent être tenues pour vraies.
En ce sens, il dit : " nerecevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter laprécipitation et la prévention et ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait siclairement et si distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune occasion de la mettre en doute".
(Discours de laméthode, Seconde partie).
Attention tout de même à ne pas se méprendre sur l'évidence dont il s'agit ici, celle-cin'est pas "première", on ne l'éprouve pas en présence de ce qui s'imposerait à première vue.
Elle n'est pas le pointde départ, mais l'aboutissement d'une démarche visant à éliminer toute possibilité d'erreur.
C'est l'indéniable,l'évidence qui a résisté à l'épreuve du doute dont on garantit la vérité.Cependant, aussi séduisant soit-il, le critère de l'évidence est-il suffisant ? L'évidence n'est-elle pas quelquefoistrompeuse ?Russel, dans ses Problèmes de philosophie montre très clairement les limites de l'évidence, du moins dans le cadre del'observation directe.
Il parvient à remettre en doute la forme, la couleur et même l'existence même d'une table dont.
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