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La vérité peut-elle être définie comme l'accord de la connaissance avec l'objet ?

Publié le 22/02/2012

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La conclusion « Dupont est honnête » est formellement vraie par rapport aux prémisses parce qu'elle s'identifie aux prémisses, qu'elle dit « la même chose », qu'elle est « tautologique ». Seulement la conclusion ainsi que les prémisses peuvent être matériellement fausses. Il est possible que Dupont ne soit pas honnête, car il est sans doute faux, matériellement, que tous les hommes soient honnêtes. La vérité formelle ignore donc la réalité, elle est seulement l'accord de l'esprit avec ses propres conventions. La vérité formelle triomphe en mathématiques. Si j'affirme que la somme des angles d'un triangle vaut deux droits. Est-ce vrai ? c'est vrai (non contradictoire) si j'admets les postulats d'Euclide. C'est faux (contradictoire) si je décide d'adopter une axiomatique non euclidienne.

« « Je dois d'abord vous rappeler ce fait que posséder des pensées vraies, c'est, àproprement parler, posséder de précieux instruments pour l'action.

Je dois aussi vousrappeler que l'obligation d'acquérir ces vérités, bien loin d'être une creuse formuleimpérative tombée du ciel, se justifie, au contraire, par d'excellents raisonstechniques. Il n'est que trop évident qu'il nous importe, dans la vie, d'avoir des croyances vraiesen matière de faits.

Nous vivons au milieu de réalités qui peuvent nous être infiniment utiles ou infiniment nuisibles.

Doivent être tenues pour vraies, dans lepremier domaine de la vérification, les idées nous disant quelle sorte de réalités,tantôt avantageuses pour nous, tantôt funestes, sont à prévoir.

Et le premier devoirde l'homme est de chercher à les acquérir.

Ici, la possession de la vérité, au lieu,tant s'en faut ! d'être à elle-même sa propre fin, n'est qu'un moyen préalable àemployer pour obtenir d'autres satisfactions vitales [...]. Mais, maintenant, que faut-il entendre par « l'accord » que la définition couranteexige à l'égard de la réalité ? C'est ici que le pragmatisme et l'intellectualismecommencent à se fausser compagnie.

Le fait d'être « d'accord », au sens le plus largedu mot, avec une réalité, ne peut être que le fait, ou bien d'être conduit tantôt toutdroit à elle, tantôt dans son entourage, ou bien d'être mis en contact effectif etagissant avec elle, de façon à mieux opérer soit sur elle-même, soit sur unintermédiaire, que s'il y avait désaccord [...] J'en viens donc à dire, pour résumer toutcela : « le vrai » consiste tout simplement dans ce qui est avantageux pour notrepensée, de même que « le juste » consiste simplement dans ce qui est avantageuxpour notre conduite.

» James , « Le pragmatisme ». La conception pragmatiste de la vérité vient de ce que James subordonne la pensée à l'action.

La réussite de celle-ci devient dès lors le juge de la vérité ou de la faussetéde nos « croyances » ou idées.

Cette vision utilitariste de la vérité s'opposeabsolument à la conception spéculative des philosophes grecs, et d'une manièregénérale à ce que James appelle l' « intellectualisme », c'est-à-dire une définition de la vérité comme simple contemplation du réel :la vérité ne satisfait pas une exigencespéculative désintéressée (elle n'est pas « à elle-même sa propre fin »), elle répond à « d'excellentes raisons pratiques ». Cela signifie pas que la vérité est arbitraire, et qu'il n'existe pas de vérités objectives,comme le croyait Protagoras .

La vérité est bien concordance avec le réel, mais pas en le copiant : en nous guidant à travers lui et en permettant à nos actions d'avoirprise sur lui. Dans cette perspective, la vérité cesse d'être une valeur de la raison pour devenir une valeur d'existence.

Saint Exupéry déclare dans « Terre des hommes » : « La vérité pour l'homme c'est ce qui fait de lui un homme. » La vérité c'est ce qui l'épanouit, ce qui me « délivre » et m'accomplit : « La vérité, ce n'est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain et non dans un autre les oranger développent de solides racines et se chargent de fruits, ceterrain-là c'est la vérité des orangers.

Si cette religion, si cette culture, si cette échelle de valeurs...

et non tellesautres favorisent dans l'homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s'ignorait, c'est que cetteéchelle de valeurs, cette culture, sont la vérité de l'homme. » Peut-on encore parler de vérité et d'erreur ? Dans cette perspective, il peut y avoir plusieurs vérités contradictoirescar différents hommes peuvent trouver leur utilité dans des systèmes opposés, être épanouis par des affirmationscontradictoires.

L'erreur même devient à l'occasion une pseudo-vérité pragmatique.

Peu importe, pensaient certainsau temps de l'affaire Dreyfus , que Dreyfus ait été condamné sur des témoignages erronés : il faut considérer la condamnation comme juste car une reprise du procès nuirait au parti nationaliste.

Un polémiste écrivait : « Une erreur, lorsqu'elle est française, n'est plus une erreur. » Le pragmatisme enlève toute signification au mot vérité.

Bien souvent, la découverte de la vérité est pénible pournos passions, nos tendances, nos habitudes.

Quelquefois, disait Renan , la vérité est « triste ». Qu'une affirmation soit consolante, réconfortante, rassurante, cela n'en fait pas une vérité.

Tout au contrairel'esprit critique doit être ici mis en garde : « Les vérités consolantes doivent être démontrées deux fois. » (Rostand ).

Contre le pragmatisme il faut restaurer les droits de l'objectivité, contre la préoccupation subjective et. »

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