La vérité Nietzsche
Publié le 11/02/2015
Extrait du document
«
nous ne le comprenons que trop, lorsque nous avons commencé par sacrifier et égorger sur cet autel les
croyances l’une après l’autre ! – Par conséquent, la « volonté de vérité » ne signifie pas « je ne veux
pas que l’on me trompe », mais au contraire – il n’y a pas d’autre choix – « je ne veux pas tromper, pas
même moi-même » : et nous voilà de ce fait sur le terrain de la morale.
Qu’on prenne en effet la peine
de se demander de manière radicale : « pourquoi ne veux-tu pas tromper ? », notamment s’il devait y
avoir apparence – et il y a apparence ! – que la vie vise à l’apparence, je veux dire à l’erreur, la
tromperie, la dissimulation, l’aveuglement, l’aveuglement de soi, et si d’autre part la grande forme de la
vie s’était toujours montrée en effet du côté des hommes les plus dénués de scrupules.
Il se pourrait
qu’un tel projet soit, si on l’interprète avec charité, un donquichottisme, une petite folie d’exalté ; mais
il pourrait encore être quelque chose de pire, à savoir un principe de destruction hostile à la vie… »
« Volonté de vérité » cela pourrait être une secrète volonté de mort.
– De sorte que la question : pourquoi la science ? renvoie au problème moral : à quoi tend de manière générale la morale, si la vie, la nature, l’histoire sont « immorales » ? Il n’y a pas de doute possible, le véridique, dans ce sens audacieux et ultime que présuppose la croyance à la science, affirme en cela un autre monde que celui de la vie, de la nature et de l’histoire ; et dans la mesure où il affirme cet « autre monde », comment ne doit-il pas par là même – nier son opposé, ce monde, notre monde ?…Mais on aura compris où je veux en venir, c’est-à-dire au fait que c’est toujours sur une croyance métaphysique que repose la croyance à la science, que nous aussi, hommes de connaissance d’aujourd’hui, nous sans-dieu et antimétaphysiciens, nous continuons d’emprunter notre feu aussi à l’incendie qu’a allumé une croyance millénaire, cette croyance chrétienne, qui était aussi la croyance de Platon, que Dieu est la vérité, que la vérité est divine…Mais si cette croyance précisément ne cesse de perdre toujours plus sa crédibilité, si rien ne s’avère plus divin, sinon l’erreur, la cécité, le mensonge, si Dieu lui-même s’avère être notre plus long mensonge ? " Nietzsche, Le Gai Savoir (1881-1887) § 344. »
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