La vérité est-elle conformité à la réalité ?
Publié le 24/03/2004
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L'adéquation définit ainsi traditionnellement la vérité. A. L'adéquation de la pensée à l'objet* Une idée ne serait donc pas qualifiée de « vraie « ou de « fausse « en elle-même, par ses caractéristiques intrinsèques, mais seulement en fonction de sa conformité ou de sa non-conformité à la réalité. Dans les universités médiévales, on définissait la vérité comme « la conformité de notre pensée aux choses « (adequatio rerum et intellectus). L'idée vraie serait une simple copie de la réalité. * Mais une telle définition est contestable pour une raison très simple : c'est que nous n'avons pas la possibilité de sortir de nous-mêmes, de notre système de représentations, pour confronter la copie et son modèle. Tout ce que nous connaissons, c'est notre pensée, notre image du monde, nos expériences sur le monde. Mais le monde en soi, tel qu'il est indépendamment de nos expériences et de nos représentations, nous échappe nécessairement. Nous n'avons aucun moyen de connaître le modèle en dehors de cette «copie« qu'est notre expérience du monde. Veut-on simplement dire que l'idée vraie est celle qui reproduit l'expérience sensible la plus ingénue ?
La vérité est le caractère d'un discours ou d'une pensée, en tant qu'ils sont adéquats à leur objet (vérité matérielle), ou qu'ils satisfont à une exigence de cohérence interne (vérité formelle). Tandis que la réalité est la chose même (latin res) sur laquelle porte la connaissance.
«
distinctement »...
En fait, l'impression vécue de certitude n'est pas suffisante pour caractériser le jugement vrai.Car on peut éprouver un fort sentiment d'évidence et pourtant être dans l'erreur.
Dès lors, comment distinguer lesfausses évidences et les vraies évidences ? C'est ici qu'un critère objectif serait nécessaire, comme Helvétius(1715-1771) le fait ironiquement observer : « Descartes a logé la vérité à l'hostellerie de l'évidence, mais il a négligéde nous en donner l'adresse.
»
• Souvent les passions, les préjugés, les traditions fournissent des contrefaçons d'évidence.
Nous avons tendance àtenir pour claires et évidentes les opinions auxquelles nous sommes habitués.
En revanche, les idées nouvelles lesmieux fondées ont du mal à se faire accepter.
Au nom de l'évidence, c'est-à-dire des traditions bien établies et desidées coutumières, les penseurs officiels, installés dans leur conformisme, ont souvent critiqué les grands créateursd'idées neuves.
L'Académie des sciences se moqua de Pasteur, comme les vieux chimistes s'étaient moqués desdécouvertes de Lavoisier.
« On définit la vérité par la conformité de l'intellect et du réel.
Connaître cette conformité, c'est donc connaître lavérité.
» Saint Thomas, Somme théologique, 1266-1274. C'est la définition classique de la vérité comme correspondance avec la réalité, ou comme adéquation de l'esprit etde la chose.
« Le recouvrement d'une chose par une représentation ne serait possible que si la chose était, elle aussi, unereprésentation.
Et si la première s'accorde parfaitement à la seconde, elles coïncident.
Or, c'est précisément ce quel'on ne veut pas quand on définit la vérité comme l'accord d'une représentation avec quelque chose de réel.
»Gottlob Frege, Écrits logiques et philosophiques, 1969 (posth.)Frege met ici en évidence la circularité de la définition de la vérité comme correspondance avec le réel.
En effet, iln'y a correspondance entre un objet et sa représentation que si cette dernière est la réplique exacte de l'objetconsidéré.
Mais comme l'objet et la représentation sont de natures radicalement différentes, on ne peut les fairecoïncider exactement.
Ainsi cette définition de la vérité laisse le problème entier, puisque reste à préciser le critèred'après lequel on va juger que la représentation est bien en adéquation avec la réalité...
« Le vrai et le faux sont des attributs du langage, non des choses.
Et là où il n'y a pas de langage, il n'y a nivérité ni fausseté.
» Hobbes, Léviathan, 1651. Dire qu'une table est vraie (ou fausse) n'a aucun sens.
Il n'y a de vérité que s'il y a jugement; c'est donc seulementà l'intérieur du langage que l'on peut parler de vérité et de fausseté.
« De même que la lumière fait paraître elle-même et les ténèbres, de même la vérité est sa propre norme et celledu faux.
» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.)
« Le premier [précepte de la méthode] était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne laconnusse évidemment être telle.
» Descartes, Discours de la méthode, 1637.
« Le vrai consiste simplement dans ce qui est avantageux pour notre pensée.
» William James, Le Pragmatisme, 1907.Pour ce représentant du pragmatisme américain, la vérité d'un jugement ne se mesure pas à sa correspondanceavec la réalité, mais à l'utilité qu'il présente pour agir efficacement sur cette réalité.
Ainsi, une idée n'est vraie pourmoi que si elle « me réussit »..
»
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