La vérité consiste-t-elle dans l'accord de la connaissance avec son objet ?
Publié le 27/01/2004
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réel stylisé, transfiguré, repensé par l'esprit.De même la vérité scientifique suppose toute une reconstruction de l'expérience par les concepts.
Non seulementles faits sont liés entre eux par des lois nécessaires, mais le jugement vrai n'atteint le fait qu'à travers destechniques expérimentales.
Par exemple ce jugement : « Ce matin à 8heures il faisait 17° », qui paraît tout simple &élémentaire, suppose déjà un haut niveau d'abstraction et diverses techniques expérimentales : d'abord lestechniques relatives à la mesure du temps, ensuite l'utilisation du thermomètre.
Pour que mon auditeur comprenne lesens de ce jugement il faut qu'il sache que je parle de degrés centésimaux, il faut qu'il sache que la chaleur dilateles corps et qu'en disant « il fait 17° » j'indique la hauteur de l'alcool dans un tube attaché à une règle graduéeposée sur ma fenêtre.
Dire qu'il fait 17° c'est parler un langage d'initié.
Mon jugement se réfère à la technique duthermomètre qui suppose elle-même la théorie de la dilatation.
« Un instrument n'est qu'une théorie matérialisée »(Bachelard).
Le jugement vrai transpose et reconstruit la réalité à travers tout un réseau de manipulationstechniques et d'opérations intellectuelles.
Si la vérité est « opératoire », le critère de la vérité ne sera-t-il pas fournipar le succès pratique de l' « opération » ? C'est ce point de vue « pragmatique » que nous allons examiner àprésent.
2.
Insuffisance de la définition.
A.
La définition proposée est purement nominale.
L'écueil contre lequel bute systématiquement l'exploration de l'idée que la vérité est accord entre la pensée etl'objet semble être l'absence d'un critère objectif permettant de l'exploiter pratiquement dans la recherche de lavérité.
La définition proposée de la vérité serait donc une définition purement nominale, comme l'écrivait Descartes(lettre à Mersenne du 10 octobre 1639): «On peut bien expliquer quid nominis à ceux qui n'entendent pas la langue,et leur dire que ce mot vérité, en sa propre signification, dénote la conformité de la pensée avec l'objet, [...] maison ne peut donner aucune définition de logique qui aide à connaître sa nature.» Il n'existe donc aucun critèreuniversel objectif de vérité, comme Kant le démontre dans la Critique de la raison pure: «Si la vérité consiste dansl'accord d'une connaissance avec son objet, il faut par là-même que cet objet soit distingué des autres.
[...] Or uncritère universel de la vérité serait celui qu'on pourrait appliquer à toutes les connaissances sans distinction de leursobjets.
[...
Donc] il est tout à fait impossible et absurde de demander un caractère de la vérité de ce contenu [...]: on ne peut désirer aucun critère universel de la vérité de la connaissance quant à sa matière, parce que c'estcontradictoire en soi.
»
B.
Elle exprime en fait une exigence interne au langage.
Quelle est alors la «part de vérité » de notre définition de la vérité comme accord de la pensée et de l'objet? Queveut-elle dire, si elle est incapable de fournir un critère dominant le rapport du langage au monde? Le logicienpolonais Alfred Tarski est parvenu à construire, dans les années trente, un concept formel de vérité relative à unlangage donné.
Préalablement, il avait interprété la définition de la vérité comme accord de la pensée et de l'objeten y décelant en fait l'expression naïve d'une exigence interne au langage: l'exigence d'adéquation matérielle.
Quevoulons-nous dire lorsque nous demandons cet accord? Peut-être réclamons-nous simplement que dans notrelangage, des phrases comme «"la neige est blanche" est une pensée vraie» aient toujours la même valeur de véritéque «la neige est blanche».
Il ne s'agit plus ici de l'accord entre une pensée et un objet, mais entre une pensée etune autre pensée d'ordre supérieur, parlant de la vérité de la première, L'interprétation de Tarski est au bout ducompte assez naturelle, dès lors que nous avons reconnu l'impossibilité d'une «excursion» hors du langage.
C.
On ne peut tester une idée indépendamment des autres.
Cette reformulation logique de la définition de la vérité s'accorde avec un changement dans la conception de laconnaissance scientifique.
Puisqu'il est impossible de scruter le rapport de chaque pensée, prise isolément, avec telou tel objet du monde, puisque nous n'accédons en définitive à l'objet qu'à travers le langage, nos connaissancesfont bloc, déterminent mutuellement leur sens et leur valeur de vérité de façon interne.
La vérité ne peut plus êtreattribuée en propre à une pensée prise isolément, elle devient une propriété diffuse du système de nosconnaissances, qui ne pourraient plus dès lors être tenues pour objectivement vraies ou fausses, mais seulementpour symboliques, selon le point de vue développé dans La Théorie physique par Pierre Duhem (c'est ce que l'onappelle le point de vue «holiste»).
3.
Conception globale de l'accord.
A.
Le pragmatisme fournit-il un critère de vérité?
Il reste que la difficulté, résolue dans ce contexte par la disparition même de l'idée de vérité propre à une penséeextraite de son contexte, reste entière lorsqu'on essaie de comprendre l'évolution du système de nosconnaissances.
L'idée que la vérité se réduit à la cohérence interne d'un système est impuissante lorsqu'il s'agit dedépartager deux systèmes de pensée opposés.
Duhem suggère de s'en remettre à un critère pragmatique, et dechoisir tout bonnement la théorie la plus commode, la plus conforme aux habitudes de pensée du savant qui choisit.
"Une théorie physique est un système de propositions mathématiques, déduite d'un petit nombre de principes, qui.
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