La vérité
Publié le 23/04/2014
Extrait du document
«
2.
Difficulté
On peut critiquer cette notion de vérité en disant qu’il nous est impossible de comparer nos
idées au monde.
Comme nous l’avons vu, nous sommes enfermés dans un monde
d’apparences, et nous ne pouvons pas déchirer la toile des sensations pour accéder à la
« chose en soi » qui se cache derrière elles.
Par conséquent, comment pouvons-nous savoir
que nos sensations correspondent bien au monde ? Il faudrait donc admettre que la vérité-
correspondance est impossible, et que nous ne pouvons définir la vérité que par la cohérence
interne de nos représentations.
Une perfection majeure de la connaissance et même la condition essentielle et inséparable
de toute sa perfection, c’est la vérité .
La vérité, dit-on, consiste dans l’accord de la
connaissance avec l’objet.
Selon cette simple définition du mot, ma connaissance doit donc
s’accorder avec l’objet pour avoir valeur de vérité.
Or le seul moyen de comparer l’objet avec
ma connaissance, c’est que je le connaisse .
Ainsi ma connaissance doit se confirmer elle-
même ; mais c’est bien loin de suffire à la vérité.
Car puisque l’objet est hors de moi et que la
connaissance est en moi, tout ce que je puis apprécier c’est si ma connaissance de l’objet
s’accorde avec ma connaissance de l’objet.
Les anciens appelaient diallèle un tel cercle dans la
définition.
Et effectivement c’est cette faute que les sceptiques n’ont cessé de reprocher aux
logiciens ; ils remarquaient qu’il en est de cette définition de la vérité comme d’un homme qui
ferait une déposition au tribunal et qui invoquerait comme témoin quelqu’un que personne ne
connaît, mais qui voudrait être cru en affirmant que celui qu’il invoque comme témoin est un
honnête homme.
Reproche absolument fondé, mais la solution du problème en question est
totalement impossible pour tout le monde.
Emmanuel Kant, Logique (1800)
B.
La vérité-cohérence
1.
Exposition
On retrouve ici l’idée qu’il n’y a pas de « fondement » absolu pour la vérité, mais qu’elle
se meut dans une circularité essentielle : nous cherchons à donner une cohérence interne à nos
expérience, à notre monde des apparences.
Nous cherchons à rendre compte des phénomènes,
sans pouvoir dépasser ces « ombres » projetées dans la caverne de notre conscience.
Mais parler de « cohérence » au lieu de « correspondance » n’est que donner un autre nom
pour désigner la même chose.
Quand nous parlions de correspondance, nous n’avions rien
d’autre en tête que l’idée de rapporter une proposition ou une sensation à d’autres sensations.
Il ne s’agit pas de transcender le champ de nos expériences vers un au-delà métaphysique ou
mystique.
En particulier, si nous admettons que les « choses » ne sont rien de plus que ce que
nous pouvons en connaître, c’est-à-dire rien de plus que leurs possibilités d’expression dans
des relations, alors on peut continuer à parler de « correspondance ».
2.
Difficulté
L’étude de la notion d’interprétation nous a montré que pour un même « texte », de
multiples lectures cohérentes étaient possibles.
De même en logique, la simple cohérence ne
suffit pas à nous décider : des géométries non-euclidiennes parfaitement cohérentes sont
concevables.
Quelle est donc la vérité ? Comment choisir entre différentes conceptions du
monde également cohérentes ? C’est la difficulté du scepticisme et du relativisme : « à chacun
sa vérité ».
Nous pouvons renvoyer ici aux principes d’interprétation (le principe de
simplicité, utilisé en sciences naturelles, et le principe de charité utilisé en sciences humaines)
qui donnent une solution pratique à ce problème.
La question qui se pose, face à ce problème hypothétique de la multiplicité des
interprétations, est celui de la sur ou de la sous-détermination : pour qu’il y ait effectivement
un problème, il faudrait qu’il y ait plusieurs manières concurrentes d’interpréter les mêmes
phénomènes.
Il n’est pas garanti que le problème se pose en général.
Et s’il se pose, on peut
2.
»
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