La transformation des objets d'usage en produits de consommation - H. ARENDT
Publié le 06/01/2020
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Les sociétés modernes, les plus riches d'entre elles au moins, sont devenues des sociétés de consommation. Hannah Arendt s'interroge ici sur la signification de cette transformation. Avec l'avènement de la production de masse qui remplace l'artisanat, c'est la nature même des objets produits qui est changée. Et plus profondément, le travail et la consommation tendent à remplacer toutes les autres activités.
La perpétuité des processus de travail est garantie par le retour perpétuel des besoins de la consommation ; la perpétuité de la production n’est assurée que si les produits perdent leur caractère d’objets à employer pour devenir de plus en plus des choses à consommer, ou en d’autres termes, si l’on accélère tellement la cadence d’usure que la différence objective entre usage et consommation, entre la relative durabilité des objets d’usage et le va-et-vient rapide des biens de consommation, devient finalement insignifiante.
Avec le besoin que nous avons de remplacer de plug en plus vite les choses de-ce-monde qui nous entourent, nous 'ne pouvons plus nous permettre de les utiliser, de respecter et de préserver leur inhérente durabilité ; il nous faut consommer, dévorer, pour ainsi dire, nos maisons, nos meubles, nos voitures comme s’il s’agissait des «bonnes choses » de la nature qui se gâtent sans profit à moins d’entrer rapidement dans le cycle incessant du métabolisme humain. C’est comme si nous avions renversé les barrières qui protégeaient le monde, l’artifice humain, en le séparant de la nature, du processus biologique qui se poursuit en son sein comme des cycles naturels qui l’environnent, pour leur abandonner, pour leur livrer la stabilité toujours menacée d’un monde humain.
Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne (1958), trad. G. Fradier, éd. Calmann-Lévy, « Presses-Pocket », pp. 175-176.
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comme s'il s'agissait des «bonnes choses» de la nature qui
se gâtent sans profit à moins d'entrer rapidement dans le cycle
incessant du métabolisme humain.
C'est comme si nous avions
renversé les barrières qui protégeaient le monde, l'artifice
humain, en le séparant de la nature, du processus biologique
qui se poursuit en son sein comme des cycles naturels qui l'envi
ronnent, pour leur abandonner, pour leur livrer la stabilité tou
jours menacée d'un monde humain.
Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne (1958), trad.
G.
Fradier, éd.
Calmann-Lévy, « Presses-Pocket », pp.
175-176.
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
,Dans le cycle vital, naturel, c'est la consommation qui rend
nécessaire le travail.
Après la révolution industrielle.
c'est la
production de masse qui rend nécessaire la consommation
Plus exactement, elle impose la transformation en objet de
consommation de ce qui était avant objet d'usage.
Les objets d'usage perdent leur caractère fondamental :
la durabilité.
Pour écouler la production ils doivent être rem·
placés le plus souvent possible.
Mais alors, la distinction entre la nature et le monde humain
s'efface puisque les objets du monde humain ressemblent
désormais aux produits de la nature qu'il faut consommer
rapidement,
De façon paradoxale, loin de voir dans l'abondance des
biens de consommation un progrès, Hannah Arendt y décèle
au contraire un danger : celui de la disparition du monde
humain de la culture.
Que deviennent en effet les autres acti
vités humaines si l'homme moderne est avant tout un
travailleur-consommateur ?.
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