La technique est-elle libératrice ou aliénante ?
Publié le 18/06/2012
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Des moyens qui deviennent des fins • «L'énoncé de Marx controversé selon lequel le \"moulin à bras vous donne la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur vous donnera la société avec le capitaliste industriel\" [Misère de la philosophie, éd. 10-18, p. 414], conteste cette neutralité de la technologie. Cet énoncé est modifié ensuite dans la théorie marxiste elle-même : c'est le mode social de production et non la technique qui est le facteur historique fondamental. Cependant, quand la technique devient la forme universelle de la production matérielle, elle circonscrit une culture tout entière; elle projette une totalité historique - un «monde» (Marcuse, ibid.). • Autrement dit, le rapport de la technique avec les différents plans de la vie sociale n'a pas la simplicité qu'on imagine parfois. La technique n'est ni totalement indépendante des formes d'esclavage qu'une société produit, ni la cause directe de celle-ci. C'est l'étude de ces rapports . qu'il conviendrait d'analyser encore.
....
«
tions pratiques qu'elles autorisent.
Il annonce la possibi
lité d'une technique dont le développement, loin d'être un
facteur d'esclavage, devrait libérer l'humanité, et la libérer
en particulier :
• de la souffrance du travail : certaines inventions tech
niques «feraient qu'on jouirait, sans aucune peine, des
fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y
trouvent»;
• de la maladie, voire le vieillissement lui-même : le pro
grès des techniques devrait permettre d'assurer un jour
«la conservation de la santé, laquelle est sans doute le
premier bien et le fondement de tous les autres biens de
cette vie»;
• de la nature en général, de cette puissance dont nous
sommes les jouets malheureux tant que nous n'avons pas
conquis sur elle le pouvoir que donne le savoir.
Puisque
l'on nomme «Dieu», traditionnellement, le maître de la
nature, le projet cartésien nous promet de participer
quelque peu à la puissance divine.
On voit combien est
libératrice une technique qui nous affranchirait, peut-être,
des limites de l'humaine condition.
• Il est remarquable que Descartes affirme que le déve
loppement de la technique passe par la substitution des
«forces et actions du feu, de l'eau, de l'air», aux forces
musculaires des hommes ou des animaux.
En ce sens, il
annonce les révolutions industrielles des siècles suivants.
Mais celles-ci ont-elles réalisé le projet libérateur annoncé
par Descartes ?
2.
La technique aliénante _________ _
Les révolutions industrielles
• L'inauguration de la machine-outil à la fin du
XVIIIe siècle inaugure une révolution, dans la manière de
produire, dont les effets se font toujours sentir.
La
machine à vapeur fournit une énergie qui, pour la pre
mière fois, peut remplacer systématiquement la force
musculaire pour limer, fraiser, aléser, scier, percer, etc.
L'introduction de moteurs à énergie de plus en plus
transformée (on passe peu à peu du bois et de la houille
au pétrole, à l'électricité, à l'atome) prolonge et étend les
conséquences de la première révolution industrielle.
• Il ne faudrait pas oublier les libérations qui peuvent
accompagner cette extension du règne des techniques.
Par exemple :
• l'homme qui commande la machine libère son corps de
la fatigue qu'entraînent des gestes difficiles et répétés;
• les gains de productivité, rendus possibles par le
machinisme, multiplient les produits, et il est vrai que nous
sommes aujourd'hui plus indépendants que nos ancêtres
de la nature «brute», dans la mesure où nous sommes
environnés de produits «humanisés» par le travail qui les
a réalisés.
Par exemple, les techniques de l'éclairage ont
éloigné l'angoisse de l'obscurité; les techniques de com
munication font que nous sommes moins dépendants
des contraintes que produisent les séparations dans
l'espace, etc.
• Mais le développement technique est également asso
cié à diverses formes d'esclavage.
L'homme esclave de la technique
• Sur le plan du travail, d'abord, l'application des
machines est contemporaine d'une aliénation nouvelle,
qui prend plusieurs formes.
Être aliéné, c'est être dépos
sédé de la maîtrise de soi, de son propre travail, se
trouver sous la dépendance de forces autres, étrangères
(alius, alienus, en latin).
• S'il domine la machine, l'homme est aussi dominé par
elle : il soumet ses gestes productifs· à sa rationalité; la
division du travail qui accompagne le machinisme subor
donne le travailleur aux conditions mécaniques de la pro
duction, aux mouvements de la machine, puis aux impé
ratifs du développement technologique lui-même.
• Non seulement le travail, moins pénible, est moins inté
ressant, plus répétitif, parcellaire, sans qualification, mais
il conduit le travailleur à faire usage de machines et d'ins
truments complexes, dont il ne comprend pas (et, à la
limite, n'a pas à comprendre) les lois rationnelles de fonc
tionnement; un corps de spécialistes (techniciens, ingé
nieurs) est chargé de penser, pour tous, l'ensemble et les
détails du processus de production; sa logique échappe
à ceux qui en assurent la réalisation effective.
• Le développement du machinisme industriel, enfin,
s'est produit historiquement dans le cadre d'une écono
mie capitaliste.
Marx nomme exploitation l'aliénation qui
fait dépendre le prolétaire du capitaliste, ce dernier ache
tant la force de travail du prolétaire comme une marchan-
dise et en extrayant une plus-value invisible..
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