La technique est-elle aliénante ou libératrice ?
Publié le 27/02/2008
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une nouvelle contrainte plus marquée encore que l'aliénation naturelle.
On peut dire à cet égard que la catastrophede Tchernobyl en 1986 serait comme dans la nouvelle de Mary Shelley, le Frankenstein de notre XXème siècle, la créature qui se retourne contre son créateur._ L'homme croyait augmenter sa capacité d'agir et il se retrouve dépossédé de sa capacité d'agir ou de choisir unetechnique dont il doit subir les conséquences les plus désastreuses une fois qu'il l'a choisie.
En effet la technique ases propres lois de développement qui ne coïncident pas nécessairement avec celles de la volonté humaine etnotamment de l'individu.
Ainsi ce serait le moment où le développement de la technique cesserait de coïncider avecla réalisation de l'individualité elle-même qui marquerait le passage d'une technique libératrice à une techniquealiénante.
Selon Hannah Arendt,dans la Condition de l'homme moderne , ce renversement de perspective s'effectuerait dans le changement de conception de la machine.
Tandis que la machine était au service de l'homme,l'homme dans la personne de l'ouvrier est mis au service de la machine : cette thèse se base sur la distinction entrel'opus et l' operatio .
Dans l'opus, l'artisan est l'auteur d'un produit fini et l'exemple paradigmatique de ce principe serait l'artisan grec.
Par opposition, l'ouvrier issu du taylorisme n'accomplit qu'une seule tâche répétitive dans toutun processus de production dont la finalité lui échappe.
Ainsi dans ce passage de l'opus à l'operatio, l'homo faber nerend plus effective sa liberté dans un travail individuel.
Son travail soumis à la technique le déshumanise, plutôt qu'ilne l'humanise.
Cette déshumanisation est l'aliénation essentielle que la technique fait subir au travailleur comme lemontre Chaplin dans son film Les Temps modernes où l'individu n'est plus traité que comme un rouage de cette machine gigantesque qu'est l'entreprise capitaliste.
La technique serait en son essence plus aliénante que libératrice dans la mesure où elle installerait les conditionsd'une aliénation à la fois générale et individuelle de l'humanité plus puissantes que l'aliénation naturelle.
Cependant ilconvient de remarquer que si les œuvres littéraires comme Frankenstein ou l'apprenti sorcier nous renseignent sur le caractère aliénant de la technique, elles nous conduisent à ontologiser la technique, c'est à dire à en faire un êtredoué d'une volonté et capable d'action.
Or la technique se réduit à un moyen qui ne peut être en lui-mêmeresponsable de ses conséquences.
III La technique est un moyen neutre pour utiliser notre liberté _La technique ne nous dépossède de notre capacité d'agir que parce que nous le voulons biens et non parce qu'elleconstitue une sorte de créature en butte contre son créateur.
La limite du mythe littéraire de Frankenstein résidedans la puissance qu'il laisse à la créature, puissance qui conduit à déresponsabiliser le créateur alors qu'il en estl'auteur.
Ainsi il s'agirait de nous défendre contre ces conceptions de la technique transformant cette dernière en unêtre autonome douée de volonté et capable d'action.
C'’est l'homme qui a mis en place le développement de latechnique, il ne doit donc pas négliger les risques d'une technique devenue une fin en soi.
En effet comme le montreHans Jonas dans le chapitre I du Principe de Responsabilité , par le développement démesuré de notre capacité d'agir, la nature est désormais confié à notre responsabilité par son caractère vulnérable.
Puisque notre puissancedépasse excessivement notre capacité d'agir, nous ne pouvons ignorer le risque que nous prenons par exemple eninstallant de nouvelles centrales nucléaires qui produiront des déchets radio-actifs susceptibles d'engendrer descatastrophes à très longue échéance._ En raison de cette puissance technique démesurée par notre capacité à prévoir ses effets, Jonas nous proposeune heuristique de la peur, c'est à dire une pratique de la technique fondée sur l'anticipation de ce qui peut survenirde pire afin de choisir ce que nous voulons faire en connaissance de cause.
La technique n'est qu'un moyen quel'homme se donne pour transformer la nature.
La technique n'impose jamais elle-même son application.
Ce sont deshommes qui décident de l'appliquer.
Aussi il convient de nous rappeler à notre responsabilité, c'est à dire notrecapacité à répondre de nos actes en affirmant que nous sommes d'abord les auteurs de la technique et non sesvictimes.
Par conséquent la technique n'est pas par elle-même aliénante ou libératrice, c'est ce que nous décidonsd'en faire qui détermine sa nature.
La technique est en effet ce par quoi la liberté se met à l'épreuve.
Conclusion : L'alternative tranchée « la technique est-elle aliénante ou libératrice » n'est pas tenable.
En son essence, latechnique n'est pas plus aliénante que libératrice.
Si elle nous libère du déterminisme naturel, elle peut engendrerune aliénation plus grande encore que ce dernier.
C'est l'homme seul qui rend la technique aliénante ou libératrice enfonction de ce qu'il en fait, et de la manière dont il décide de s'en servir.
Si l'homme est libre, on peut dire que par latechnique la liberté humaine se met elle-même à l'épreuve.
Une nouvelle philosophie de la nature : le principe de responsabilité□ Le philosophe et théologien allemand Hans Jonas (1903-1993), envisageant les conditions nouvelles imposées àl'action humaine par les transformations de l'environnement, a proposé une éthique de la responsabilité envers les.
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