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La spontanéité est-elle une marque de liberté ?

Publié le 14/10/2005

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On est ici à l'extérieur du champ de la liberté. Une action spontanée qui résulterait d'une sorte d'instinct, ou d'une pure impulsion dont notre volonté ne serait pas responsable, pourrait avoir des conséquences heureuses ou au contraire malheureuses ; mais on peut contester qu'elle ait une valeur morale, qu'elle soit comme telle bonne ou mauvaise, si l'on soutient Kant que seuls les actes volontaires, déterminés par une libre décision, peuvent être jugés sur le plan moral. b) De la spontanéité des actes libres* Si la spontanéité d'une conduite ne définit pas sa liberté, inversement, un acte libre est, en un sens, toujours spontané.* En effet, une volonté soumise à des déterminations externes n'est pas libre, puisqu'elle dépend précisément de celles-ci. Poser un acte libre, c'est dire que «si (par exemple) je me lèvre maintenant de mon siège tout à fait librement et sans subir l'influence nécessairement déterminante des causes naturelles, alors avec cet événement et tous les effets naturels qui en dérivent à l'infini commencent absolument une nouvelle série, bien que, par rapport au temps, cet événement ne soit que la continuation d'une série précédente. Cette résolution et cet acte ne sont pas une simple conséquence de l'action de la nature, mais les causes naturelles déterminantes qui ont précédé cet événement cessent tout à fait par rapport à lui ; et, s'il leur succède, il n'en dérive pas, et par conséquent il peut bien être appelé un commencement absolument premier, non pas à la vérité sous le rapport du temps, mais sous celui de la causalité". (Kant, Critique de la raison pure, trad. Barni, Gibert, II, p. 25).On remarquera que c'est précisément la possibilité d'une telle spontanéité que contestait Spinoza.

« de la nature, où tout est nécessité. ► En déclarant à propos des moralistes : "En vérité, on dirait qu'ilsconçoivent l'homme dans la nature comme un empire dans un empire",Spinoza (1632-1677) récuse la morale, affirme une conception nouvelle de laliberté.

Cette fameuse formule « l'homme comme un empire dans un empire »se retrouve souvent sous la plume de Spinoza, mais elle est explicitéeclairement dans la préface du troisième livre de L'Ethique, son ouvrageprincipal. ► Spinoza est, comme Descartes, l'héritier de la «révolution galiléenne ».

Lesdécouvertes de Galilée entraînent une réforme totale des sciences et obligentà redéfinir la place de l'homme dans l'univers.

Ma is Spinoza, à la différence de son précurseur Descartes, accepte de tirer de la science nouvelle desimplications morales et politiques.

Celles-ci seront perçues comme ,tellementinouïes, révolutionnaires, tranquillement opposées à l'absolutisme politique etau conformisme religieux, qu'elles vaudront à Spinoza avec les surnoms de«chien galeux» et «d'impie », une vie précaire et menacée.Une des principales conséquences des découvertes de Galilée, c'est que lanature apparaît comme désenchantée, uniquement régie par les loisscientifiques, les lois de la mécanique.

Spinoza en tire la conclusion suivante :il faut considérer l'homme comme une partie de la nature comme une autre et dont tous les actes s'expliquent par des lois, des causes.

Mais il s'inscrit ainsi contre la conception traditionnelle dela liberté humaine, qui veut que l'homme décide souverainement de ses actions, qu'il soit doté de «libre-arbitre ».Cette conception traditionnelle s'adosse à la religion.

Descartes l'a exprimée le plus clairement en disant que notrevolonté était infinie comme celle de Dieu.

Bref, dire que l'homme a été créé à l'image de Dieu, cela signifierait quel'homme est libre, que sa volonté est libre.

Or Spinoza conteste ce point en disant que cela revient à considérer «l'homme dans la nature comme un empire dans un empire».Pour récuser cette conception, Spinoza considère la façon dont la morale parle des passions et des hommespassionnés.Les moralistes considèrent les passions comme un vice de la nature humaine : le passionné est condamnable parcequ'il est responsable de sa passion, il ne suit aucun des conseils que les moralistes lui donnent, il fait un mauvaisusage de sa volonté, il se rend complice de son vice.

En clair, résume Spinoza :« Ils cherchent la cause de l'impuissance et de l'inconstance humaine [...] dans je ne sais quel vice de la naturehumaine, et pour cette raison pleurent à son sujet, la raillent, la méprisent, ou le plus souvent la détestent : qui saitle plus éloquemment ou le plus subtilement censurer l'impuissance de l'âme humaine est tenu pour divin.

»La position moraliste amène et à l'auto-glorification — censurer le vice, c'est se faire passer pour divin — et aumépris de l'homme.

L'homme est raillé, méprisé, détesté.Mais, et ici s'amorce la critique spinoziste, l'homme n'est pas compris.

Les moralistes n'ont jamais expliqué ni cequ'était une passion, ni quelles en étaient les causes.

La preuve de leur impuissance à connaître, est précisémentque personne ne peut suivre leur conseil, qu'ils n'ont jamais aidé personne à surmonter sa faiblesse, et que la seulechose que nous enseigne la morale est le mépris de l'être humain.

Les moralistes sont ceux qui « aiment mieuxdétester ou railler les affections el les actions des hommes que de les connaître ».D'où proviennent l'incompréhension et l'impuissance des moralistes ? De ce qu'ils n'ont pas compris que l'hommen'était qu'une partie de la nature comme une autre, c'est-à-dire soumis à des lois.

Les passions sont desphénomènes naturels comme les autres, qui ont des causes naturelles, comme tous les autres phénomènes naturels.Être passionné, ce n'est pas avoir une nature vicieuse ; il n'y a pas de nature vicieuse.

Qu'un homme soit ambitieux,cruel, jaloux, cela s'explique de la même façon qu'on explique la chute des corps ou qu'un chien a la rage.

On neblâme pas un chien parce qu'il a la rage on ne blâme pas la pierre parce qu'elle tombe quand on la lâche : on tentede comprendre, par les causes, pour prévenir et pour guérir.

Il doit en aller de même pour les passions, cesprétendus vices de la nature humaine Les passions « reconnaissent certaines causes par où elles sont clairementconnues, et ont certaines propriétés aussi dignes de connaissance que les propriété d'une autre chose quelconque».L'erreur des moralistes provient donc de ce qu'ils reconnaissent que toutes les choses dans la nature sont soumisesà des lois sauf l'homme, que tout phénomène a une cause sauf dans le cas des actions humaines.

Ils pensent doncque l'homme est « un empire dans un empire ».Ces moralistes ont donc une conception erronée de la liberté.

Parlant des passions, ils « semblent traiter non dechoses naturelles qui suivent les lois communes de la nature, mais de choses qui sont hors de la nature [...] Ilscroient en effet que l'homme [...] a sur ses actions un pouvoir absolu.

» La religion et la tradition philosophique fontde l'homme une exception dans la nature en affirmant que sa volonté est libre, qu'il peut décider en toute autonomiede ses actes.

Cette exception ne se justifie pas : c'est une illusion.

Et cette illusion nous amène à détester l'hommeau lieu de le comprendre, voire de l'aider.On comprend alors le programme de Spinoza : « Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas louer, ne pas blâmer, maiscomprendre.

»Pour Spinoza, l'homme ne naît pas libre, mais il peut le devenir.

C'est la compréhension qui libère.

Pour donner unexemple anachronique et caricatural, les moralistes seraient des hommes se lamentant parce que les hommes nesavent pas voler, et qui attribueraient cette incapacité à une nature vicieuse : l'attitude d'un spinoziste consisteraità chercher la loi de la pesanteur et à inventer l'avion.Si Spinoza s'oppose à la morale, il ne faut pas oublier que son ouvrage essentiel s'intitule L'Éthique.

Il ne s'agit pas. »

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