La société et l'État: Texte de Spinoza. Ce texte est extrait du chapitre XX du Traité théologico politique
Publié le 23/03/2015
Extrait du document
L'idée centrale de ce texte est que l'État a pour but d'assurer non seulement la sécurité des citoyens, mais encore et surtout leur liberté. Spinoza insiste sur ce point tout au long du passage que nous avons à commenter. Son insistance s'explique par le souci de bien mettre en évidence ce qui caractérise en propre son interprétation de l'État. Il suffit de lire cet extrait pour s'apercevoir qu'il y est question d'une opposition entre d'une part la conception spinoziste qui fait de la liberté la fin de l'État et pour laquelle la sécurité n'est jamais qu'un moyen ou qu'une condition de cette liberté, et d'autre part une autre conception qui, sans se montrer apparemment trop exigeante sur la liberté, verrait dans la sécurité la fin même de l'État. Ainsi tout l'extrait est bâti sur une
« Ce n'est pas pour tenir l'homme par la crainte et faire qu'il appartienne à un autre, que l'État est institué ; au contraire, c'est pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve aussi bien qu'il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d'exister et d'agir. Non, je le répète, la fin de l'État n'est pas de faire passer les hommes de la condition d'êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une raison libre, pour qu'ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu'ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l'État est donc en réalité la liberté. «
«
156 La pratique et les fins
Lectures conseillées
A.
- Remarque sur l'œuvre de Spinoza
C'est immédiatement après la mort de Spinoza.
survenue le 21 février 1677, que
ses manuscrits sont intégralement publiés.
De son vivant, deux textes seulement sont
publiés.
Il s'agit des
Principia philosophiae cartesianae (Les Principes de la philoso
phie de Descartes)
en 1663 et du Tractatus theologicopoliticus (Traité théologico
politique)
en 1670.
Ce livre dont Spinoza parle dès 1665 paraît sans nom d'auteur.
Comme le titre l'indique, l'ouvrage aborde deux questions dont Descartes n'avait
ja
mais voulu explicitement parler!.
La partie plus spécialement consacrée à la politique
commence
au chapitre XVI.
Le Traité théologico-politique est le tome 2 des Œuvres
de Spinoza dans la collection Garnier-Flammarion.
Nous conseillons bien sûr forte
ment aux élèves la lecture de ce livre d'où est extrait
le texte à commenter.
Cette lec
ture devra être complétée par celle
du Traité politique et celle de certaines lettres.
Le
tome 4 des
Œuvres de Spinoza (collection G.F.) comprend précisément le Traité po
litique
et les Lettres.
Le Traité politique (Tractatus politicus) est ainsi la seconde
œuvre
de Spinoza consacrée à la politique.
Il faut savoir que c'est un livre inachevé
du fait de la mort
de Spinoza.
L'ouvrage s'arrête au chapitre XL Quelques mois avant
sa mort, Spinoza avait dans une lettre à
un de ses amis (ce devait d'ailleurs être là sa
dernière lettre) tracé les grandes lignes
de ce traité: «De ce Traité, écrivait-il alors,
six chapitres sont dès à présent terminés.
Le
premier contient une manière d'intro
duction à l'ouvrage, le
deuxième traite du droit naturel, le troisième du droit du souve
rain, le
quatrième expose quelles affaires politiques dépendent du gouvernement du
souverain.
Dans le cinquième est recherché quelle est la fin dernière que la société
peut avoir en vue, dans le
sixième en quelle manière l'État monarchique doit être
institué pour ne pas tomber dans la tyrannie.
Maintenant
je rédige le septième chapitre
dans lequel
je démontre méthodiquement tout ce qui se trouve contenu concernant la
monarchie dans le chapitre précédent.
Ensuite
je passerai à !'Aristocratie et à l'État
populaire [la démocratie], enfin aux lois et aux autres questions particulières concer
nant la
politique.» (Lettre 84.
Œuvres, tome 4, pp.
354-355.) Une bonne compré
hension de la pensée de Spinoza
ne saurait faire l'économie de son œuvre maîtresse :
L'Éthique (tome 3 des Œuvres, G.F.).
Pour se préparer à cette lecture, il serait bon de
lire
le Traité de la réforme de l'entendement qui figure dans le tome 1.
1.
Spinoza qui philosophe cependant sur la lancée de Descartes, en vient à faire ce que Descartes
n'avait jamais voulu faire : entreprendre une réflexion philosophique sur la religion et sur l'État.
Donnons quelques références concernant Descartes :
Discours de la méthode, 2e et début de la 6e, et,
dans !'Abrégé des Méditations, la fin du résumé de la 4e Méditation.
On comparera également ce que Spinoza dit du« très pénétrant Machiavel» (Traité politique, V, 7.
p.
39) avec ce qu'en dit Descartes
dans deux lettres à la Princesse Élisabeth (septembre et novembre 1646).
Notons enfin que juste avant Spinsiza, Hobbes, peu apprécié par Descartes, n'hésite pas à traiter philosophiquement de la religion et
de l'Etat..
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