La société de consommation est-elle en crise ?
Publié le 28/03/2009
Extrait du document
La société de consommation est celle qui s'assigne comme objectif essentiel l'augmentation du niveau de vie des individus qui la composent. Définie ainsi, la société de consommation a été l'objet de critiques nombreuses et convergentes. Jean Baudrillard en a démonté les mécanismes. Les mouvements contestataires de la fin des années 60 en ont dénoncé le caractère aliénant. Malgré cela et en dépit de la crise économique, la société de consommation demeure aujourd'hui, en Occident, le modèle dominant, exclusif.
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consommatrice, que réagit largement la jeunesse de la fin des années 60.
La société de consommation devint alorsla cible de toutes les dénonciations.
A travers elle, on s'en prenait au système social dans son ensemble, accusé desombrer dans un matérialisme médiocre et monotone.Mai 68 fut sans doute le moment où, avec le plus de verve et le plus de force, s'exprima cette remise en questionde la société de consommation.
L'événement est complexe et les interprétations en ont été nombreuses.Cependant, derrière la phraséologie révolutionnaire, on peut avancer que c'est d'abord un massif refus d'une sociétévouée exclusivement au développement économique et à l'enrichissement qui se fait entendre.
Les slogans dessituationnistes et les graffitis des étudiants le proclamaient : «On ne tombe pas amoureux d'une courbe decroissance » ou encore : « Nous ne voulons pas d'un monde où la garantie de ne pas mourir de faim s'échangecontre le risque de mourir d'ennui ».
La société tout entière réclamait ce que, quelques années plus tard, JacquesChaban-Delmas, alors Premier ministre, allait nommer « un supplément d'âme ».Cependant, Mai 68 ne fut jamais que l'angle le plus saillant et le plus visible d'un mouvement beaucoup plus large quivisa à la dénonciation de la société de consommation.
Une contre-culture véritablement se met en place aux Etats-Unis comme en Europe, avec les hippies, prône la fraternité, le dépouillement, la paix, et se refuse à jouer le jeuqu'on attend d'elle.
Les intellectuels ne sont pas en reste — et ceci quelles que soient leur nationalité ou leursconvictions.
Que l'on se reporte, en effet, aux ouvrages de Bertrand de Jouvenel, de John Kenneth Galbraith ou deJacques Attali publiés à l'époque, c'est d'une même voix pratiquement que se trouve condamnée une civilisation quifait du rythme de la croissance et du volume de la consommation les critères exclusifs qui permettent d'apprécier saréussite.Autour de l'année 73, deux rapports officiels sont publiés par les experts du Club de Rome sous le titre de L'Humanitéau tournant et Les Limites de la croissance.
Ils constituent comme un plaidoyer pour l'arrêt de la croissanceéconomique : étant donné le caractère limité des ressources naturelles, la dynamique démographique de l'humanitéet les menaces liées au système industriel, le monde court à sa perte s'il ne réussit pas à contrôler 'e processus dedéveloppement dans lequel il s'est engagé.
Dans le langage sec des modèles et des théories économiques, untableau apocalyptique de l'avenir de l'humanité est tracé, qui prévoit une sorte d'asphyxie planétaire pour unehumanité qui, insouciante de son environnement, a tout sacrifié au progrès de son bien-être.
La conclusion estclaire : il faut en finir avec la société de consommation et de croissance.
La seule solution est celle d'une croissancezéro pour l'économie mondiale.
Dans les années 70-80, la croissance zéro est devenue notre horizon obligé.
La faute en est moins auxavertissements solennels des experts qu'au marasme économique dans lequel l'Occident, et à sa suite le monde toutentier, s'est enfoncé.
Du même coup, les préoccupations et les priorités du tout au tout ont changé.
Le procès dela société de consommation s'est achevé sans bruit : quand les pays d'Afrique ou d'Asie croulent sous le poids d'unedette extérieure qu'ils ne sont plus en mesure d'assumer et que disparaît tout espoir de régler le problème du sous-développement, quand dans les pays occidentaux émerge une nouvelle classe de marginaux, contraints à la misèrepar le chômage de longue durée, c'est la pauvreté et non plus la richesse qui redevient objet de scandale.Dans ce nouveau contexte économique et social, le terme même de «société de consommation» fait presque figured'anachronisme et les procès intentés hier encore apparaissent des plus désuets.
Est-ce à dire que les analyses etles critiques formulées à la fin des années 60 ont désormais perdu toute pertinence? Rien ne serait plus erroné quede le croire.Dans les bastions préservés de l'Occident, la société de consommation ne s'est en fait jamais mieux portéequ'aujourd'hui.
Il suffit pour s'en convaincre d'observer les statistiques.
Le ralentissement de la croissance n'a enrien remis fondamentalement en cause le modèle économique et social qui, depuis la fin des années 60, n'a cessé dese développer selon sa propre logique.
Ce modèle semble totalement échapper à la crise, les habitudes deconsommation restant inchangées.
Dans certains domaines, tels les loisirs et la santé, c'est même à uneaccélération que l'on assiste depuis quelques années.
L'engrenage ne s'est en rien enrayé.Mieux encore, à observer l'invraisemblable légitimité pseudo-artistique qu'a fini par acquérir le langage pauvre,répétitif et aliénant de la publicité, à voir comment la presse exalte le succès des chefs d'entreprises, à constaterl'envahissement de la télévision par les programmes de jeu, à mesurer la «marchandisation» générale des loisirs, dela culture, voire du corps, à laquelle on assiste aujourd'hui, on serait tenté de conclure que l'âge d'or de la sociétéde consommation est encore à venir..
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