La sensation fonde-t-elle toute la perception ?
Publié le 15/08/2009
Extrait du document
Au niveau de la perception, je ne suis pas une substance pensante mais un corps connaissant et le monde n'est pas déployé devant moi, il ne peut se penser comme un extérieur: «le corps propre est dans le monde comme le cœur dans l'organisme». Le corps forme avec le monde un véritable système où les deux termes sont corrélatifs : «La chose est le corrélatif de mon corps». Pourtant la chose apparaît comme si elle était chose indépendante, chose en soi qui se dérobe à toute prise, et la corrélation établie entre le perçu et le percevant ne peut jamais se résoudre en une identité : «vivre une chose, ce n'est ni coïncider avec elle, ni la penser de part en part». La chose en nous échappant révèle un fond d'être qui nous dépasse. «La chose est pour notre existence beaucoup moins un pôle d'attraction qu'un pôle de répulsion. Nous nous ignorons en elle, et c'est justement ce qui en fait une chose. Nous ne commençons pas par connaître les aspects perspectifs de la chose; elle n'est pas médiatisée par nos sens, nos sensations, nos perspectives, nous allons droit à elle, et c'est secondairement que nous nous apercevons des limites de notre connaissance et de nousmême comme connaissant» (p. 374.) La chose serait comme la totalisation de toutes les expériences possibles que nous pourrions en avoir. Le monde comme corrélatif du corps est l'horizon ultime de toutes les perceptions.
«
Cependant je ne saurais trop m'étonner, quand je considère combien mon esprit a de faiblesse, et de pente
qui le porte insensiblement dans l'erreur.
Car encore que sans parler je considère tout cela en moi-même,
les paroles toutefois
n'arrêtent, et je suis presque trompé par les termes du langage ordinaire; car nous disons
que
nous voyons la même cire, si on nous la présente, et non pas que nous jugeons que c'est la même, de
ce qu'elle a même couleur et même figure
;·d'où je voudrais presque conclure, que l'on connaît la cire par
la vision des yeux, et non par la seule inspiration de l'esprit, si par hasard je ne regardais d'une fenêtre des
hommes qui passent dans la rue,
à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout
de même que je dis que je vois de la cire; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et
des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres
ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ?
Mais
je juge que ce sont de vrais hommes, et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside
en
mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux» (DESCARTES, Méditation seconde).
Ce texte suit l'affirmation cartésienne que j'existe et que j'existe comme chose pensante.
L'analyse du morceau
de cire en est une confirmation : de la perception de la cire et de toutes ces choses qui semblent s'imposer
si immédiatement à mes sens, je ne peux conclure en vérité qu'à la seule existence de l'entendement; d'ailleurs
DESCARTES écrit: «Quiconque a bien compris jusqu'où s'étendent nos sens ( ...
) doit avouer qu'aucunes
idées des choses ne nous sont fournies par eux telles que nous les formons par la pensée» (Principes).
Les perceptions sensibles ne sont pas capables par elles-mêmes de nous livrer une exacte perception des objets:
« ce que je croyais voir de mes yeux, je le comprends par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit.
Les corps ne sont pas connus de ce qu'ils sont vus et touchés, mais de ce qu'ils sont entendus
ou bien compris
par la pensée» (Deuxième méditation).
La pensée fonde la possibilité de la perception des objets: en effet
les qualités sensibles sont évanouissantes, leur précarité ne peut donner assise à une perception et la sensation
ne peut servir de fondement à une
perception- pas plus d'ailleurs que l'imagination, par laquelle je ne peux
me représenter
qu'un nombre fini de figures de la cire: c'est l'entendement seul qui rend possible la connaissance
de
l'objet comme tel en fondant son unité et sa permanence sous la ~iversité sensible.
Il faut reconnaître que l'esprit est
le seul fondement possible de la perception: c'est l'idée d'étendue qui subsiste
comme résidu de cette analyse et c'est elle qui gouverne nécessairement
ma représentation de l'objet -idée
antérieure à
toute perception puisqu'elle la rend possible.
Ce qui conduit DESCARTES à l'affirmation de
1' existence d'idées innées.
C'est surtout contre cette affirmation que se sont élevés LOCKE et HUME, principaux représentants de ce
courant philosophique que l'on nomme empirisme.
Ce dernier affirme, dans l'Enquête sur l'entendement humain: «tous les matériaux de la pensée sont tirés
de nos sens, externes
ou internes».
Il n'y a rien qui ne vienne de l'expérience: les impressions sont premières
et constituent nos idées; toutes nos idées
«ont été copiées de quelque manière de sentir».
Les sens sont la
source de nos idées et le défaut d'un organe rend incapable de former les idées correspondantes.
Les sensations:
voilà ce qui fonde votre relation
au monde.
Une philosophie de la perception ne peut ignorer ce face-à-face entre deux positions inconciliables.
Il revient à
MERLEAU-PONTY d'avoir montré en quoi ces deux positions, qui peuvent sembler s'exclure
radicalement, partagent en fait des présupposés communs,
notamment celui de penser la perception sur le
modèle de la relation causale, comme
si le sujet percevant et l'objet perçu étaient deux réalités entièrement
distinctes et déjà constituées agissant du dehors
l'une de l'autre :
«L'intellectualisme représente bien un progrès dans la prise de conscience : ce lieu hors du monde que le philosophe
empiriste sous-entendait et où
il se plaçait tacitement pour décrire l'événement de la perception, il reçoit maintenant
un nom,
il figure dans la description.
C'est l'Ego transcendantal.
Par là, toutes les thèses de l'empirisme se trouvent
renversées, l'état de conscience devient la conscience
d'un état, la passivité position d'une passivité, le monde devient
le corrélatif d'une pensée du monde et n'existe plus que pour un constituant.
Et pourtant il reste vrai de dire que
l'intellectualisme, lui aussi,
se donne le monde tout fait.
Car la constitution du monde telle qu'il conçoit est une simple
clause de style:
à chaque terme de la description empiriste, on ajoute l'indice «conscience de ...
» On subordonne
tout
le système de l'expérience,- monde, corps propre et moi empirique- à un penseur universel chargé de porter
les relations des trois termes.
Mais, comme il n'y est pas engagé, elles restent ce qu'elles étaient dans l'empirisme:
des relations de causalité étalées sur
le plan des événements cosmiques.
Or si le corps propre et le moi empirique
ne sont que des éléments dans
le système de l'expérience, objets parmi d'autres objets sous le regard du véritable
Je, comment pouvons-nous jamais nous confondre avec notre corps, comment avons-nous pu croire que nous visions
de nos yeux
ce que nous saisissons en vérité par une inspection de l'esprit, comment le monde n'est-il pas en face.
»
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