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la sécurité est-elle liée à la dépendance, et la liberté au risque ?

Publié le 06/03/2005

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Il y a en effet une différence importante entre un homme qui exerce pleinement sa liberté et celui qui, comme le « mineur », choisit seulement de rester dépendant. Cette différence se manifeste en particulier sur le plan politique. Sur ce plan, en effet, la dépendance dont parle Kant rend possible une société où la sécurité de chacun est assurée. Tous les théoriciens de l'État fondent l'autorité de celui-ci sur le risque que ferait courir une liberté sans limites. Thomas Hobbes, par exemple, affirme que l'absence de pouvoir, ou « état de liberté », signifie la guerre de tous contre tous, l'homme étant par nature un loup pour l'homme. Au contraire, lorsque les citoyens dépendent d'un État fort, il instaure un ordre stable, une certaine paix sociale, bref, un état de sécurité. La sécurité est bien liée à la dépendance alors que la liberté naturelle est source de dangers, de risques. Sans préciser davantage cette approche du problème, on peut d'emblée remarquer qu'elle doit être complétée : si l'État garantit certains droits, donc des libertés, celles qui justement ne menacent pas la sécurité publique, on pourrait soutenir qu'il institue une liberté authentique, mais sans risque : la puissance étatique en définit la nature et en prévient les dangers. Liberté et sécurité seraient ainsi articulées à l'intérieur d'un État dont nous serions tous dépendants. Mais une telle dépendance pourrait bien n'assurer qu'un semblant de liberté et une sécurité fragile.

« Quant à la liberté, dans cette perspec tive elle demeure liée au risque, Lille est certes en principe assurée, puisque l'hétéronomie, la dépendance a autrui,est exclue; mais la liberté est aussi et toujours puissance de refus, marque d'une inquiétude qui n'en finit pas de se manifester et ne peut être anéantie.Peut-être est-ce le sens de la formule : « lorsqu'on voit le calme dans une démocratie, on peut être sûr que la démocratie n'y est pas » ; c'est sans douteaussi ce que sous-entendait Kant lorsqu'il affirmait que les hommes « apprendraient bien, après quelques chutes, à marcher ».

Marcher, et non simplementse tenir debout, immobile.

La liberté est aventure, c'est-à-dire avenir imprévisible. Nul ne peut cerner les risques qu'il prend en s'aventurant sur les chemins de la liberté : ces chemins ne sont pas tracés.

Par ailleurs, selon Freud, le sentiment de sécurité pourrait être lié à la dépendance jus que dans les expériences infantiles de détresse, lorsque l'enfantque nous avons été attendait d'autrui l'apaisement qu'il ne pouvait trouver en lui-même.

On comprend qu'il soit difficile dedésolidariser sécurité et dépendance, dépendance à autrui et aux tracés anciens.

On comprend aussi qu'on puisseréclamer la liberté et tout faire pour continuer d'obéir. Les hommes qui, « très aimablement, ont pris sur eux d'exercer une haute direction sur l'humanité » ont tout intérêt àsouligner qu'il est difficile et dangereux de s'aventurer seul, autrement dit de se libérer de leur autorité.

M ais qu'en est-ilen réalité ? La sécurité est-elle liée à la dépendance et la liberté au risque ? La réponse de Kant à cette question est claire, mais ne doit pas être simplifiée.

Une lecture hâtive du texte peut faire croire qu'il lie la liberté au risque,puisque entreprendre de se libérer, c'est s'expos er à « quelques chutes », et qu'il lie au contraire la sécurité à la dépendance, dans la mesure où le « mineur» cherche la tranquillité en s'abritant derrière des responsables.

On a alors l'impression que Kant invite ses lecteurs à devenir libres, mais, du même coup, àprendre des risques, à perdre à la fois la dépendance et la sécurité qui en dépend.Cette lecture est insuffisante.

Kant attribue en effet la dépendance des mineurs non à des circonstances extérieures déterminantes, mais à la paresse, à lalâcheté des mineurs eux-mêmes, à des attitudes que les tuteurs exploitent à leur profit et encouragent, mais dont ils ne sont pas la source.

Les mineurs ontdonc librement voulu la sécurité et la dépendance qui la préserve ; la liberté, en ce sens, n'est pas liée au risque ; les mineurs ont en quelque sorte décidéde ne plus décider, choisi que d'autres choisissent pour eux.

Ils sont responsables de leur situation, radic alement, ce qui fait qu'ils peuvent en changer s'ilsle décident réellement.

Ainsi, la liberté n'exclut pas le risque ; mais la fuite du risque et la dépendance sont aussi le fait d'êtres libres.

Toute conduitehumaine est, en un sens, déterminée par un choix de l'homme, être essentiellement libre.Cette analyse pose le problème sur un plan qui n'est peut-être pas suffisant pour répondre à la question.

Il y a en effet une différence importante entre unhomme qui exerce pleinement sa liberté et celui qui, comme le « mineur », choisit seulement de rester dépendant.

C ette différence se manifeste enparticulier sur le plan politique.Sur ce plan, en effet, la dépendance dont parle Kant rend possible une société où la s écurité de chacun est assurée.

Tous les théoriciens de l'État fondentl'autorité de celui-ci sur le risque que ferait courir une liberté sans limites.

T homas Hobbes, par exemple, affirme que l'absence de pouvoir, ou « état deliberté », signifie la guerre de tous contre tous, l'homme étant par nature un loup pour l'homme.

A u contraire, lorsque les citoyens dépendent d'un État fort,celui-ci instaure un ordre stable, une certaine paix sociale, bref un état de sécurité.

La sécurité est bien liée à la dépendanc e, alors que la liberté naturelleest source de dangers, de risques.

Sans préciser davantage cette approche du problème, on peut d'emblée remarquer qu'elle doit être complétée : si l'Étatgarantit certains droits, donc des libertés, celles qui justement ne menacent pas la sécurité publique, on pourrait soutenir qu'il institue une libertéauthentique, mais sans risque : la puissance étatique en définit la nature et en prévient les dangers.

Liberté et sécurité seraient ainsi articulées à l'intérieurd'un État dont nous serions tous dépendants.Mais une telle dépendance pourrait bien n'assurer qu'un semblant de liberté et une s écurité fragile.

Lorsque les hommes prennent conscience qu'ils sontlibres, mais libres d'obéir, de choisir ce que d'autres ont déterminé pour leur sécurité, ils risquent de refuser un ordre qu'ils jugent arbitraire, et leur révoltepourrait manifester une sorte derisque libérateur » dont l'explosion menacerait toujours et l'État et la sécurité de la soc iété.On peut dire de l'idéal démocratique qu'il est une tentative pour trouver une solution à cette difficulté.

En faisant de celui qui obéit à la loi celui qui légifère,cet idéal supprime son assujettissement à une « direction étrangère », il instaure autonomie et liberté ; mais en faisant de cette loi une loi voulue pard'autres, il consolide le lien social, la vie communautaire sans laquelle l'humanité ne peut s'épanouir.

Il est enfin remarquable que cet idéal puisse animer,sous des formes différentes, des pens ées politiques par ailleurs antagonistes, par exemple la pensée de Rousseau dans le C ontrat social, donc la penséed'un théoricien de l'État, mais aussi celle des théoriciens anarchistes, qui contestent le principe même de l'État.

Il faudrait ici analys er avec précision cesperspectives, pour mieux faire apparaître ce qui les rapproche.

Sans faire ce travail, on peut cependant noter qu'à l'intérieur de cet idéal, la sécurité n'estplus le résultat d'une dépendance aliénante à une force étrangère, mais l'expres sion d'une interdépendance consciente des membres d'une mêmecommunauté, interdépendance dont la loi commune, explicite ou non, est l'expression, voulue par la communauté elle-même et qui consacre la valeurlibératrice de la solidarité.Quant à la liberté, dans cette perspec tive, elle demeure liée au risque.

Elle est certes en principe assurée, puisque l'hétéronomie, la dépendance à autrui,est exclue ; mais la liberté est aussi et toujours puissance de refus, marque d'une inquiétude qui n'en finit pas de se manifester et ne peut être anéantie.Peut-être est-ce le sens de la formule : « lorsqu'on voit le calme dans une démocratie, on peut être sûr que la démocratie n'y est pas » ; c'est sans douteaussi ce que sous-entendait Kant lorsqu'il affirmait que les hommes « apprendraient bien, après quelques chutes, à marcher ».

Marcher, et non simplementse tenir debout, immobile.

La liberté est aventure, c'est-à-dire avenir imprévisible.Nul ne peut cerner les risques qu'il prend en s'aventurant sur les chemins de la liberté : ces chemins ne sont pas tracés.

Par ailleurs, selon Freud, lesentiment de sécurité pourrait être lié à la dépendance jusque dans les expériences infantiles de détresse, lorsque l'enfant que nous avons été attendaitd'autrui l'apaisement qu'il ne pouvait trouver en lui-même.

On comprend qu'il soit difficile de désolidariser sécurité et dépendance, dépendance à autrui etaux tracés anciens.

On comprend auss i qu'on puisse réclamer la liberté et tout faire pour continuer d'obéir.. »

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