La sculpture au XIXe siècle de Canova à Maillol
Publié le 26/02/2010
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Admet-on la thèse (historiquement inexacte) de l'architecture " mère des arts " (peinture et sculpture), on devra reconnaître qu'au XIXe siècle ses deux enfants ont dépéri aux maigres seins, faiblement soutenus par un corset de représentation bourgeoise, de celle qui les aurait engendrés. En fait, cependant, aussi longtemps que la peinture et la plastique n'ont pas été réduites au rôle de vassales de l'architecture (dans l'art funéraire de l'époque du bronze, par l'Égypte agraire et féodale), elles ont sans doute connu leur époque d'autonomie la plus rigoureuse, la peinture en tant que magie de chasse, dans l'art rupestre des nomades paléolithiques, la sculpture dans les idoles de bois en tant qu'instrument privilégié du culte des ancêtres chez les peuples néolithiques. Une première fois, la sculpture s'est libérée de la soumission à l'architecture, comme représentation de l'individu libre, dans la culture bourgeoise et citadine de l'ère classique grecque aux Ve et IVe siècles av. JC. De la même manière, la peinture murale s'est émancipée, devenant peinture de chevalet, représentation du monde environnant, rationnellement reconnu, dans la culture également citadine et bourgeoise de la Renaissance ouest européenne. L'absolutisme féodal et manufacturier du Baroque a fait un essai, tout compte fait inutile, pour ramener peinture et sculpture sous le joug de l'architecture princière, la première par l'intermédiaire du panneau représentatif, la deuxième par le moyen de la sculpture architecturale représentative. En vain : toutes les productions réellement créatrices des deux arts ont eu pour domaine la peinture de chevalet (Rembrandt, Watteau, Goya) et le portrait (Houdon).
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Or, entre 1820 et 1830 et c'est là un phénomène européen général ne devait naître aucun réaliste important : tousles artistes de quelque envergure apparus en cette décade sont des idéalistes : Puvis de Chavannes (1824), Bocklin(1827), Rossetti (1828).
Leur art les situe tous dans l'époque 1850, c'est-à-dire dans la réaction contre larévolution de 1848.
A cette génération appartient également Carpeaux (né en 1827).
Néanmoins, la plupart de ces artistes (et les meilleurs !) ne sont plus, quant aux procédés artistiques, desnaturalistes incontestables, tels que David et Canova ; et, quant à leurs tendances, la plupart d'entre eux (et lesmeilleurs !) sont partagés entre réalisme et idéalisme.
Cela est particulièrement vrai pour Carpeaux dont les surfacesrelativement picturales ont longtemps excité la colère des classicistes, mais dont les sujets, en majoritémythologiques, ont valu à ce sculpteur des honneurs et des commandes officielles.
Nous avons coutume de nommer " Impressionnistes " les artistes nés entre 1830 et 1840, parce que, dans leur luttecommune contre le naturalisme officiel, ils exposaient ensemble.
En réalité, cependant, seuls le paysagiste Pissarro(né en 1831), Sisley (né en 1839) et Monet (né en 1840) sont des Impressionnistes purs.
Manet (né en 1832) s'estdéjà accompli entre 1860 et 1870, et n'a participé qu'avec hésitation à l'Impressionnisme mûr après 1870(décomposition de la lumière en couleurs du spectre).
Degas (né en 1834), qui procède d'Ingres, n'a pu suivre la dissolution du volume, délimité par la ligne, en atmosphèreà la manière des plein-airistes, et encore moins sa dissolution en couleurs, à la manière des Impressionnistes.
Mêmelorsqu'il aura, sur le tard, accepté l'omnichromie impressionniste, il restera, en son for intérieur, un adepte d'Ingres.
Alors que les Impressionnistes n'avaient plus, pour finir, entre leurs mains que l'espace lumineux chargé de couleuret, des six éléments du naturalisme, seules la perspective linéaire et la justesse des proportions, le corps esttoujours resté pour Degas le principe premier, mais, par opposition à Ingres, le corps mouvant, non le corps aurepos.
Voilà ce qui l'a conduit vers la sculpture.
Il n'y a pas de " sculpture impressionniste ", attendu que la caractéristique décisive de l'Impressionnisme concerneuniquement la couleur.
Par contre, une " sculpture plein-airiste " a bel et bien existé.
La sculpture classiciste a pourmilieu l'espace sans air et la lumière de l'atelier.
La sculpture plein-airiste permet à la lumière de rompre la surfacelisse du classicisme et dissout dans l'atmosphère les contours rigoureux du classicisme, à l'exemple exact de lapeinture plein-airiste.
En ce sens, la sculpture de Degas est, elle aussi, " plein-airiste ", tout comme sa préférencepour le mouvement.
Mais il est vrai que, chez lui, cette préférence est plus que de l'amour : c'est une véritablepassion.
Par là, il dépasse le plein-airisme et devient un précurseur de l'évolution vers l'expressif (Toulouse-Lautrec).
Renoir (né en 1841) a participé avec enthousiasme à l'expérience de la décomposition de la lumière dans les couleursdu spectre, sans que pourtant sa passion foncière pour le volume sensible en fût abolie.
Attendu que l'omni-chromieimpressionniste s'oppose par nature au volume, Renoir a conféré à ses volumes multicolores la plasticité voulue pardes taches lumineuses.
Par sa suraccentuation du volume il est ainsi devenu, tout comme Degas par sasuraccentuation du mouvement, l'un des artistes qui ont dépassé l'Impressionnisme.
Ce faisant, Renoir a néanmoinsconservé, lui aussi, après ses brèves années de " néo-ingrisme ", dans ses peintures et dans ses sculpturespostérieures à 1880, la surface décomposée et réceptive à la lumière de l'Impressionnisme.
Alors que l'art plastiquede Degas s'empare de l'espace, celui de Renoir le remplit.
Ce sont là également les deux traits décisifs de la sculpture de Rodin (né en 1840) la surface labourée par la lumièreet le mouvement qui se saisit de l'espace.
Les deux tendances ont même chez Rodin un caractère beaucoup plusradical que chez Degas.
La surface de sa sculpture est franchement tourmentée et, par le dynamisme dumouvement, il dépasse les limites du statique, respectées de justesse par Degas, pour aboutir à une sorte deflottement, affranchi de la pesanteur.
Et, par opposition à Degas et à Renoir, pour le moins proches encore del'optimisme des Impressionnistes et que n'obère aucun problème, chez Rodin éclate un sentiment profondémenttragique de la vie, bien peu conforme à l'optimisme de l'époque des fondateurs, 1870-1885.
Le haut degré du bosselage des surfaces et de la passion de l'espace sont à considérer, chez Rodin, commenettement " expressifs ".
Rodin est à l'opposé non seulement de la sculpture représentative officielle de son temps ?mais aussi de l'inconscience bohème des Impressionnistes.
Par tout son comportement moral, il appartient déjàentièrement à l'Expressionnisme du dernier quart du XIXe siècle, lequel marque, à son tour, l'effondrement du naïfoptimisme culturel de l'époque des fondateurs.
Mais, par le dépassement du statique, il se place au début d'uneévolution qui conduit, par-delà le cubisme analytique de 1909 à 1912, aux mobiles exclusivement dynamiques deCalder.
Une autre tendance fondamentale de la sculpture du XXe siècle disons Brancusi est, au contraire, foncièrementstatique, remplissant l'espace.
Les prédécesseurs de cet art-là sont Renoir, Gauguin et Maillol.
Il a déjà été question de Renoir.
Gauguin (né en 1848) est le premier artiste qui a découvert et rendu accessible à lasculpture moderne la force des sculptures primitives : romane, égyptienne, hindoue, africaine, polynésienne.
Laprofonde influence qu'il a exercée est peut-être due davantage à la reproduction de ces sculptures dans sestableaux qu'à ses sculptures en bois et en terre cuite.
Pour ce qui est du côté formel, l'éminente compréhension manifestée par lui, en Bretagne et dans le Pacifique, aux.
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