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La science : Les conditions de l’objectivité scientifique

Publié le 05/12/2022

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« La science : Les conditions de l’objectivité scientifique (Deuxième partie de ce cours consacré à La science, où nous abordons les procédures de véridicité et de vérification à l’œuvre dans la constitution du savoir scientifique.) Pour avoir la condition suffisante de la vérité, il faut disposer d’un critère qui atteste du rapport à l’objet que l’on cherche à connaître et qui permette de garantir que notre représentation s’accorde avec lui.

La question n’est pas celle de savoir comment certifier la chose en soi, parce que c’est impossible, mais de savoir quel rapport entre nos représentations permet de constituer une connaissance de l’objet, et de garantir l’objectivité de cette connaissance.

Il s’agit de trouver la marque d’un rapport à l’objet, et donc de s’intéresser aux diverses sources de nos connaissances. 1.

L’idéalisme 1.1 On ne peut se fier à l’expérience. D’une part, tout change, tout bouge, tout coule, « Panta rhei » (Πάντα ῥεῖ) » « Toutes les choses coulent » comme dit Héraclite ou encore « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Or selon les philosophes idéalistes (Platon et Descartes notamment) l’être, ce qui est véritablement, est éternel.

Ce qui change, pensent les idéalistes, n’existe pas véritablement.

C’est à partir de cette idée que Platon disqualifie les objets sensibles, qu’il assimile à des ombres dans l’Allégorie de la caverne, au profit des idées, comme les idées mathématiques : les cercles dans l’eau ou tracés dans le sable s’effacent et périssent, mais le cercle idéal, celui des mathématiciens, est intemporel, donc éternel. D’autre part, les sens sont trompeurs.

Des illusions d’optiques aux mirages en passant par les rêves, les exemples ne manquent pas où nos sens nous induisent en erreur.

C’est ce qui pousse Descartes au doute hyperbolique : car l’ensemble du monde ne pourrait être qu’un rêve, qu’une illusion. 1.2.

Il y a des connaissances innées Le deuxième constat des idéalistes est que l’esprit nous fournit des vérités.

Ce sont les fameuses Idées platoniciennes, les « semences de vérité qui sont naturellement en nos âmes » de Descartes (Discours de la méthode, Sixième partie), les « jugements synthétiques a priori » de Kant. « Dans tous les jugements où est pensé le rapport d'un sujet à un prédicat (...), ce rapport est possible de deux manières.

Ou bien le prédicat B appartient au sujet A comme quelque chose qui est contenu [implicitement] dans ce concept A, ou bien B est entièrement en dehors du concept A, bien qu’en connexion avec lui.

Dans le premier cas, je nomme le jugement analytique, dans l'autre synthétique.

» Kant, Critique de la raison pure, 1781. Il ne suffit pas de dire que l’expérience est trompeuse ; encore faut-il avoir une autre source de certitude à lui opposer.

Pour les idéalistes l’esprit nous fournit des vérités.

Nous avons déjà vu différentes manières d’expliquer cela : la réminiscence platonicienne, la connaissance intuitive de Descartes (d’origine « transcendantale »).

Le modèle de ces connaissances est donné par les mathématiques, qui sont restées, de Platon à Kant, l’exemple type des connaissances innées. De plus, le passage du général à l’universel ne saurait être le fait de l’expérience : l’universel ne dérive pas de l’expérience, il est posé par l’esprit.

Même Einstein considère que les concepts sont des libres créations de l’esprit humain et ne sont pas déterminés par le monde extérieur : 1 La science : Les conditions de l’objectivité scientifique « Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur.

Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée.

Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier.

S’il est ingénieux il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations.

Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d’une telle comparaison.

Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles.

Il pourra croire à l’existence d’une limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre.

Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective.

» Albert Einstein, L’Évolution des idées en physique, 1938 1.3.

La perception elle-même est intellectuelle Pour étayer sa thèse Descartes montre que la perception des corps physiques elle-même se fait par l’esprit et non par les sens.

Dans les Méditations métaphysiques, il prend le célèbre exemple du morceau de cire pour montrer que tout ce que nous connaissons par les sens est illusoire et changeant, et que, par conséquent, tout ce que nous connaissons véritablement du morceau de cire, nous le connaissons par « une inspection de l’esprit ».

Méditations métaphysiques, III. 1.4.

Le rationalisme Selon Descartes, toute connaissance part de « vérités innées » qui sont mises en nous par « Dieu » et que nous appréhendons par une intuition immédiate de l’esprit.

A partir de ces premiers principes, d’ordre logique ou mathématique, nous pouvons déduire l’ensemble de nos connaissances scientifiques sur le monde. « On voit clairement pourquoi l'arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres sciences : c'est que seules elles traitent d'un objet assez pur et simple pour n'admettre absolument rien que l'expérience ait rendu incertain, et qu'elles consistent tout entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement.

Elles sont donc les plus faciles et les plus claires de toutes, et leur objet est tel que nous le désirons, puisque, sauf par inattention, il semble impossible à l'homme d'y commettre des erreurs.

Et cependant il ne faut pas s'étonner si spontanément beaucoup d'esprits s'appliquent plutôt à d'autres études ou à la philosophie : cela vient, en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment la liberté d'affirmer des choses par divination dans une question obscure que dans une question évidente, et qu'il est bien plus facile de faire des conjectures sur une question quelconque que de parvenir à la vérité même sur une question, si facile qu'elle soit. De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu'il ne faut apprendre que l'arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s'occuper d'aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l'arithmétique et de la géométrie.

» René Descartes, Règles pour la direction de l’esprit, 1628 2 La science : Les conditions de l’objectivité scientifique De manière plus générale, le rationalisme est la doctrine qui pose la raison comme seule source possible de toute connaissance réelle, et qui affirme du point de vue métaphysique qu’il n’y a rien sans raison d’être, et donc que rien n’est inintelligible en droit.

Chez Leibniz le principe de raison suffisante : « Nihil est sine ratione » (« Rien n’est sans raison »). 2.

L’empirisme 2.1 Il n’y a pas de connaissance a priori Selon la vision empiriste, par exemple celle de Locke, toute connaissance vient de l’expérience, y compris les connaissances mathématiques : l’esprit est comme une « table rase » qui reçoit des impressions des sens, et toute idée renvoie à ces impressions sensibles. 2.

La raison elle-même provient de l’expérience D’abord, les sens ne sont pas trompeurs : l’œil ne ment pas, il réagit physiquement donc il restitue toujours les impressions qu’il reçoit.

C’est l’esprit qui, en interprétant les stimuli reçus par les sens, se trompe et nous induit en erreur. De plus, ce ne peut être l’esprit qui vient corriger les erreurs de nos sens.

C’est l’expérience qui corrige l’expérience, on peut dire avec Lucrèce que les sens ne sauraient être trompeurs car toute notre connaissance et toute notre raison en procèdent : « Tu verras que les sens sont les premiers à nous avoir donné la notion du vrai et qu’ils ne peuvent être convaincus d’erreur.

Car le plus haut degré de confiance doit aller à ce qui a le pouvoir de faire triompher le vrai du faux.

Or quel témoignage a plus de valeur que celui des sens ? Dira-t-on que s’ils nous trompent, c’est la raison qui aura mission de les contredire, elle qui est sortie d’eux tout entière ? Nous trompent-ils, alors la raison tout entière est un mensonge.

(…) La raison ne peut-elle expliquer pourquoi des objets carrés de près semblent ronds de loin ? Il vaut mieux, dans cette carence de la raison, donner une explication fausse de la double apparence, que laisser échapper des vérités manifestes, rejeter la première des certitudes et ruiner les bases mêmes sur lesquelles reposent notre vie et notre salut.

Car ce n’est pas seulement la raison qui risquerait de s’écrouler tout entière, mais la vie elle-même périrait, si perdant confiance en nos sens nous renoncions à éviter les précipices et tous les autres périls, ou à suivre ce qu’il est bon de suivre.

Ainsi donc, il n’y a qu’un flot de vaines paroles dans tout ce qu’on reproche aux sens.

» Lucrèce, De la nature, IV 3.

Le raisonnement hypothético-déductif Isaac Newton (1642-1727) physicien anglais, reconnu pour ses découvertes en physique, astronomie, optique ou mathématiques.

En 1687, il publie les Principes mathématiques de philosophie naturelle (Philosophiae naturalis principia mathematica).

Newton rejette le système déductif cartésien au profit d’un raisonnement hypothético-déductif.

Les « principes », c’est-à-dire les lois physiques, ne viennent plus d’une intuition, mais de l’observation et de l’induction. Considérée sous son aspect logique, cette nouvelle méthode consiste, non plus à prouver la vérité d’une conséquence par celle du principe d’où elle se déduit, mais, tout à l’inverse, à juger de la valeur de vérité d’une hypothèse par les conséquences qu’elle implique, selon que celles-ci s’accordent ou non avec l’expérience et sont donc, vraies ou fausses. On juge l’arbre à ses fruits.

On opère ainsi une dissociation, dans les sciences expérimentales, les théories expliquent les faits, mais ce sont les faits qui fondent les théories. 3 La science : Les conditions de l’objectivité scientifique L’induction consiste à tirer, d’une multitude d’observations, une loi générale.

Plus généralement, Newton abandonne les questions métaphysiques, par exemple, il ne se soucie pas de connaître la « nature » profonde des choses, leur « essence » ; il se contente d’en étudier les effets.

Newton substitue la connaissance par les effets à la connaissance par les causes.

Par exemple, il ne se soucie pas de connaître l’« essence » de la force : il se contente d’en observer les effets, de les mesurer et d’en établir une loi, comme la loi qui régit l’attraction entre les corps, exprimant la force en fonction de la masse des corps et de leur distance. 3.1 Le problème de l’induction Le problème de l’induction est qu’elle ne repose sur aucun fondement.

Le fait que le soleil se soit levé tous les matins jusqu’à présent ne prouve aucunement qu’il se lèvera demain.

Le fait que tous les corbeaux observés jusqu’à présent soient noirs ne prouve pas que tous les corbeaux soient noirs.

L’induction est une généralisation (ou plutôt une universalisation : on passe de la généralité « les corbeaux observés sont noirs » à la proposition universelle « tous les corbeaux sont noirs ») qui revient à supposer que le monde est régulier, que l’identité est plus probable que la différence.

Mais rien ne prouve que cette supposition est juste, sinon qu’elle a fonctionné assez efficacement dans le passé… C’est-à-dire une autre induction ! Or on ne peut évidemment pas prouver la validité de l’induction par une induction : ce serait supposer acquis ce qui est en question. Bertrand Russell prend l’exemple d’un poulet qui induit qu’on lui servira du grain tous les matins ; mais voilà qu’un matin on lui tord le cou ! 3.2 La validité de l’induction dépend du cadre théorique Pour sortir de ce problème, on peut remarquer que notre confiance en l’induction varie considérablement selon les cas.

Un ornithologue qui découvrirait sur une île une nouvelle espèce d’oiseaux bleus n’induirait pas immédiatement que tous les oiseaux de cette espèce sont bleus.

Il lui faudrait étudier un grand nombre d’oiseaux, et vérifier que ces oiseaux ne vivent pas aussi dans d’autres régions, avant de proposer cette loi naturelle ; et là encore, il serait prêt à la remettre en question à la première observation venant la contredire.

En revanche, il suffit aux chimistes une seule expérience correctement réalisée pour admettre aussitôt la composition de tel ou tel matériau.

C’est dire que la validité de nos inductions dépend du contexte dans lequel nous les faisons, du genre de lois que nous supposons être à l’œuvre.

Autrement dit, l’induction ne vaut que dans un cadre donné. 3.3 La solution de Karl Popper Une loi scientifique ne peut pas être prouvée, même si elle est « confirmée » par l’expérience.

Et en effet, si le soleil se lève demain, la loi selon laquelle « le soleil se lève tous les jours » n’est pas prouvée pour autant : car il pourrait très bien ne pas se lever le jour suivant.

En.... »

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