La science est-elle raisonnable ?
Publié le 12/10/2005
Extrait du document
- I – Exclusion conceptuelle
a) La science qui peut se définir comme l’ensemble des connaissances et savoirs rationnels....
- II – La science contraire à au raisonnable voire à la raison même
a) En effet, il paraît possible voire nécessaire pour la science d’être raisonnable dans la mesure où...
- III – Nécessité d’une éthique de la science
a) Et c’est bien ce que l’on peut voir à travers la mise en garde que produit Hans Jonas....
La science est de manière général l’ensemble des savoirs. Elle regroupe les sciences pratiques et théoriques etc. La rationalité peut se comprendre comme l'exercice d'une raison suivant des principes économiques d'efficacité et de production du savoir. Le raisonnable quant à lui est une valeur éthique dans le domaine de l'action et renvoie au sensé. Or si la science semble être l’apanage de la rationalité, quel rapport peut-elle entretenir avec le raisonnable. Bien plus, l’histoire des sciences nous montre que l’éthique et la raison entendue comme raisonnable n’ont pas toujours été présent. Dès lors la question de savoir si la raison est toujours raisonnable se pose l'aune de ce lien entre épistémologie et éthique ? Il s'agit d'étudier les limites de la rationalité quand la raison peut devenir déraison.
Si l’on peut penser une exclusion conceptuelle au premier abord (1ère partie), il s’agit d’en étudier le rapport et les limites (2nd partie), et voir les risques d’une science déraisonnable (3ème partie).
«
a) En effet, il paraît possible voire nécessaire pour la science d'être raisonnable dans la mesure où en tantqu'activité humaine elle doit se soumettre aux règles de la morale vues qu'elles sont universelles et respectentl'humanité dans chaque homme.
Kant note en effet dans la Fondation de la métaphysique des mœurs que la loi universelle doit se comprendre comme si la maxime de mon action devait être érigée en loi universelle de la nature.C'est donc dire que la science, comme action, doit être morale donc raisonnable.
Bien plus suivant la dernièreformulation de l'impératif catégorique : l'homme doit être érigé comme valeur suprême puisque il est bien dit : « Agisde telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours enmême temps comme fin et jamais simplement comme moyen ».b) Or comment comprendre cette formule de Bacon dans le Novum organum lorsqu'il dit qu'il faut « vaincre la nature » ? Cette expression agonistique n'est-elle pas justement le signe de cette science qui a sacrifié laraisonnabilité à la rationalité.
Pourtant, si la rationalité moderne a fait de cette expression un idéal, un slogan voireun leitmotiv, il n'en demeure pas moins qu'elle en oublie la suite, c'est-à-dire que l'on « ne peut vaincre la naturequ'en lui obéissant » : « L'homme, interprète et ministre de la nature, n'étend ses connaissances et son action qu'àmesure qu'il découvre l'ordre naturel des choses, soit par l'observation, soit par la réflexion ; il ne sait et ne peutrien de plus.
La main seule et l'entendement abandonné à lui-même n'ont qu'un pouvoir très-limité ; ce sont lesinstruments, et les autres genres de secours qui font presque tout, secours et instruments non moins nécessaires àl'esprit qu'à la main ; et de même que les instruments de la main excitent ou règlent son mouvement, les instrumentsde l'esprit l'aident à saisir la vérité ou à éviter l'erreur.
La science et la puissance humaine se correspondent danstous les points et vont au même but ; c'est l'ignorance où nous sommes de la cause qui nous prive de l'effet ; caron ne peut vaincre la nature qu'en lui obéissant ; et ce qui était principe, effet ou cause dans la théorie, devientrègle, but ou moyen dans la pratique ».c) Sans référence à l'éthique, à un cadre humain, c'est-à-dire raisonnable, la science risque de perdre justement laraison, c'est-à-dire de ne plus de comprendre dans un cadre compréhensible.
Et c'est en ce sen que l'on peut relireavec profit le Frankenstein de Shelley .
En effet, la question que se pose finalement le docteur après la création du monstre est « pourquoi ».
Il comprend son erreur, son génie et sa folie lorsqu'il mesure le caractère démesuré etdéraisonnable de son entreprise.
Il la comprend alors comme irrationnelle.
Transition : Ainsi la science doit être raisonnable, elle ne doit pas prendre son rapport à l'éthique au risque sinon de prendre elle-même la raison.
Sans éthique, sans caractère raisonnable, la science n'a pas de sens et ne peut pas remplirpleinement sa mission.
Est-il alors nécessaire de développer une éthique pour la science.
III – Nécessité d'une éthique de la science a) Et c'est bien ce que l'on peut voir à travers la mise en garde que produit Hans Jonas dans le Principe de responsabilité .
Dès lors la notion de respect qui se fait jour.
Il s'agit donc d'une reformulation de l'éthique autour de l'idée de responsabilité.
Et c'est bien ce qu'il affirme dans Pour une éthique du futur , puisque Jonas montre que l'espèce humaine se trouve à un carrefour ; dotée d'une puissance en constante extension, où il lui faut désormaisfaire des choix et prendre des décisions, assumer ses hésitations qui lui éviteront le « sort de l'apprenti sorcier »frankensteinien.
Cette éthique n'est donc là pour brimer la vie, ni le développement de la science mais au contrairepour l'aider à parer les dangers, donc d'une certaine manière de ne pas réduire la science à une rupture radical del'homme avec lui-même mais aussi avec la nature.b) Le problème est qu'une science sans éthique, c'est-à-dire n'étant pas raisonnable fait de l'homme sur le terre ceque Michel Serres dans le Contrat naturel nomme un parasite.
Dans cette volonté de maîtriser la nature, c'est l'homme qui se dénature, et s'aliène.
Il devient étranger à lui-même.
Il n'est plus membre de la nature, mais s'enexclue.
Son activité fait de lui un parasite : il est donc nuisible.
Or de ce point de vue, seule la symbiose estenvisageable : « Or à force de la maîtriser, nous sommes devenus tant et si peu maître de la Terre, qu'elle menacede nous maîtriser à son tour.
Par elle, avec elle et en elle, nous partageons un même destin temporel […] Ainsi lesanciens parasites, mis en danger de mort par les excès commis sur leurs hôtes, qui, morts, ne les nourrissent plus nine les logent, deviennent obligatoirement des symbiotes.
[…] Voici la bifurcation de l'histoire : ou la mort ou lasymbiose.
»c) Or s'il faut effectivement faire appel à l'éthique où des règles de morales afin de développer un cadre précis à lascience c'est comme on peut le reprendre de Nietzsche dans Humain trop humain car ni notre raison ni notre monde ne sont tout à fait rationnels.
Les choses n'obéissent pas elles-mêmes à une rationalité éternelle : « Que lemonde ne soit pas la quintessence d'une rationalité éternelle, on peut le démontrer définitivement par ceci que cemorceau de monde que nous connaissons – j'entends notre raison humaine – n'est pas trop raisonnable.
Et si ellen'est elle, constamment et complètement sage et rationnelle, le reste du monde ne le sera pas non plus ; leraisonnement a minori ad majus, a parte ad totum est ici valable, et il l'est avec une force absolument probante ».
Al'aune de cela, il est nécessaire que le scientifique lui-même s'insère dans des organismes de contrôles comme lesconseils scientifique.
Mais bien plus, c'est la fonction d'intellectuel qui doit se modifier.
Et c'est bien ce que montrenotamment Foucault dans son article « les intellectuels et le pouvoir » dans Dits et écrits tome IV.
En effet, il faut voir une évolution dans la définition de l'intellectuel.
Ce dernier n'est plus l'intellectuel universel prônant des valeurstranscendantes et universellement vraies de justice, de sagesse etc., tel un Voltaire, mais il est un intellectuelspécifique, c'est-à-dire une personne développant un point de vue technique et réfléchie prenant la forme d'unecritique philosophique.
On peut le voir notamment avec le cas d'Oppenheimer, tristement célèbre après la secondeguerre mondiale et la bombe..
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