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LA SAGESSE PHILOSOPHIQUE ÉQUIVAUT-ELLE A L'IGNORANCE ?

Publié le 08/02/2010

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Si la fondation de la philosophie comme activité de pensée régulée par des principes rationnels s’opère avec la figure de Socrate, force est de concevoir la relation intime de cette pratique avec l’aveu d’ignorance. C’est parce qu’il sait ne rien savoir que Socrate est en quête de vérité, soumettant alors inlassablement à l’enquête les prétendus savoirs et certitudes des athéniens. Et la vérité ici n’est autre que celle de la connaissance de soi, intimée par l’adage delphique (« connais-toi toi-même «). Elle est donc tant pratique que théorique, ou mieux : pratique, parce que théorique. Son objectif, son terme final, sa fin ultime, doit être la sagesse.

  • I. Philosophie contre sagesse
  • II. Philosophie et sagesse contre ignorance

« cette dernière activité pensée, non pas d'un objet et d'une finalité, à savoir, la vérité (les penseurs archaïques,avec leurs formulations spéculatives, déjà visent la vérité au principe de toute chose (Parménide)) ; non,l'intervention de Socrate institue la philosophie en la dotant d'un instrument : le concept.

Ce n'est pas dès lors qu'ily a rupture de la forme et du contenu, mais plutôt inversion de leur relation de dérivation : l'expression de la penséen'est plus la formulation absconse d'aphorisme reproduisant en sentence l'absolu divin de la sagesse sous formepoétique, c'est au contraire le concept qui impose sa forme à son objet d'investigation.

Ceci est clairementexemplifié dans les dialogues élenchtiques de Platon, où tout l'enjeu tourne autour de la possibilité d'une définitionadéquate de la notion en question (le beau, le juste, le courage, etc.).

Avec Socrate et à sa suite, la philosophiedevient un art conceptuel théorétique de la définition.

La possibilité de la sagesse y apparaît comme un dérivé,certes suprêmement désirable, mais dont l'accès reste conditionné par l'activité de l'intelligence.

La sagesse, si ellen'est pourtant pas définitivement secondarisée par sa subordination à la rationalité, n'en est pas moins commeexclusive de l'activité philosophique.

Et partant, l'ignorance, en tant que figure consciente de la sagesse,d'apparaître comme la figure négative du philosophe scientifique, organisant en système le monde desconnaissances humaines et en fournissant les principes logiques (Aristote).

La sagesse philosophique n'équivautdonc pas à l'ignorance, tout simplement parce qu'il n'y a pas de sagesse philosophique, et que si la sagesse peutavoir relation avec la conscience de l'état subjectif d'ignorance, alors elle est exclusive de l'entreprise rationnelle dela philosophie visant à l'obtention de contenu conceptuel, non au savoir de leur privation.

II.

Philosophie et sagesse contre ignorancePour concevoir la possibilité d'un lien préservé entre sagesse et philosophie, il faut aborder sous un autre angle quecelui du concept la figure de Socrate.

Cicéron le fait dans ses Tusculanes en voyant en Socrate, celui qui contraignit la pensée à redescendre de ses spéculations théologiques pour se concentrer sur les activités humaines,au premier rang desquelles est la valeur de la vertu (le cas de figure est repris dans les Essais de Montaigne).

C'est donc vers la pratique du quotidien que s'oriente la réflexion éthique et axiologique de la philosophie.

Cela prélude auxgrands développements des éthiques antiques stoïcienne et épicuriennes.

Mais dans leurs déterminationsrespectives de la valeur de l'agir humain, toutes deux procèdent de l'activité théorique : c'est par la connaissancedu monde extérieur que l'on prend conscience de la possibilité d'atteindre le bonheur par la tranquillité de l'âme(Epicure et le fameux quadruple remède), tout comme c'est par la connaissance de soi-même et de la limite del'empire de son action que l'individu humain peut atteindre la sérénité (Marc-Aurèle).

Il n'en reste pas moins que lasagesse préserve dans ce cadre son statut d'idéal final de la pratique philosophique.

Et à ce titre la philosophie peutproprement devenir pratique de pensée, autrement dit pratique du soi.

C'est ainsi, pour Foucault ( Cours du Collège de France ), que sont à comprendre les développements de divers types d'ascèse visant à la sagesse par une attention accrue à l'activité même que constitue le fait de vivre.

Ce dispositif pratique est nommé par Foucault,reprenant le terme de l' Alcibiade de Platon, « technique de vie ».

Ici certes la pratique prévaut dans une certaine mesure sur le théorétique ; ici également la sagesse constitue le principe définitoire de l'excellence de la conduitehumaine.

Jamais cependant elle n'équivaut à l'ignorance.

Et l'ignorance, si elle peut être conçue comme point dedépart d'une activité philosophique dont le terme serait la sagesse, toujours reste conscience de l'ignorance, ouencore savoir de soi comme limité.

Elle peut donc être la posture transitoire d'un sujet de la connaissance, mais nonprivation de contenu de connaissance.

Et justement, en tant que première certitude, elle peut presqueparadoxalement devenir la pierre d'angle de l'édifice du savoir rationnel tout entier (cf.

le rôle du cogito cartésien), savoir de contenu, savoir de choses, savoir de notions : bref, tout sauf l'ignorance.. »

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