La responsabilité morale ne s'attache-t-elle qu'à l'intention ?
Publié le 27/02/2008
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La responsabilité morale, c’est-à-dire qui dépend du pratique, de l’action, ne peut-elle s’attacher qu’à une seule condition : l’intention ? Peut-on dire d’un acte qu’il n’est pas moral uniquement parce que l’acteur ne l’a pas fait dans une bonne intention mais pour répondre à son propre intérêt ? Ne peut-on pas juger une action morale seulement pour l’apparente moralité de sa conséquence ? Faut-il privilégier les conséquences ou l’intention dans le jugement sur la moralité d’un acte et donc sur la responsabilité de l’auteur ?
«
responsabilité ne réfléchit-il pas, avant de prendre une décision, au bien ou au mal qu'il pourrait produire ?Supposons que des assassins me demandent si mon ami qu'ils poursuivent n'est pas réfugié dans ma maison et queje ne puisse éviter de répondre par oui ou par non.
Dois-je me soumettre inconditionnellement à l'interdiction dementir ? Ce cas invoqué par Benjamin Constant semble ruiner toute prétention à poser des principes supposés valoirtoujours et partout.
Au rigorisme kantien s'opposerait l'impossibilité d'ériger le devoir de véracité en principeinconditionné, sous peine de favoriser les assassins.
Une petite entorse au devoir de véracité ne se justifie-t-ellepas relativement à la fin poursuivie ? Mieux, n'avons-nous pas, en pareil cas, des raisons morales de mentir ? Nefaut-il donc pas admettre qu'il n'y a pas une seule et unique source de valeur morale, mais plusieurs ? Ne faut-il pasdistinguer deux positions morales : l'une que l'on peut qualifier de « déontologique » (respect des règles), l'autre de « conséquentialiste » (considérer le plus grand bien comme motif de nos décisions) ? B) La fin ne justifie pas les moyens. A Constant qui affirme un droit naturel de mentir par humanité, Kant répond que la véracité dans des déclarations qu'on ne peut éviter « est un devoir formel de l'homme à l'égard de chacun, quelle que soit l'importance du dommage qui peut en résulter pour lui ou pour un autre » (« Sur un prétendu droit de mentir »).
L'homme qui ment fait en sorte qu'aucune déclaration n'ait de crédit.
Ainsi il porte atteinte à la finalité interne de communicabilité et fait perdre à tous les droits, qui sont fondés sur des contrats, leurforce.
Même si le mensonge ne nuit pas à un homme particulier, il nuit à l'humanité en général.
A quoi il fautajouter qu'on ne peut jamais prévoir les conséquences de ses actes. Supposons, par exemple, que mon ami, voyant les assassins diriger leurs pas vers la maison, décide de s'enfuir à mon insu.
En affirmant qu'il est sorti alors que je le crois à l'intérieur de la maison, j'exprime lecontraire de ce que je pense, mais je dis la vérité ce qui est.
Mon mensonge « bienveillant » peut ainsi mettre les assassins sur les traces de mon ami et être cause de sa mort.
Mais suis-je vraimentresponsable ? le meurtre de cet homme n'est-il pas la faute des meurtriers ? Le fait que l'accomplissement d'un devoir en entraîne des conséquences désastreuses n'est-il pas imputable à quelqu'un d'autre ? Le « conséquentialiste » objectera qu'on ne peut pas toujours rester « les mains propres », qu'il y a des circonstances extraordinaires où nous sommes certains que le respect d'une exigence « déontologique » aurait de graves conséquences.
On peut admettre cette objection et soutenir qu'en pareil cas nous pouvonsêtre forcés à agir autrement que mus par cette exigence.
Mais faut-il pour autant accorder une valeurmorale à un tel acte ? autrement dit, peut-on affirmer qu'il peut être moral de mentir, voire de tuer , Si je tueun homme pour en sauver dix, puis-je pour autant affirmer que le meurtre peut avoir une valeur morale ?N'aurais-je pas, en pareil cas, conscience d'avoir transgressé la loi morale ? N'éprouverais-je pas quelque partdu remords, en me demandant, par exemple, si je n'aurais pas pu éviter un tel acte ? car, au fond, ne faut-il pas reconnaître, avec Kant , que toute morale qui prétend justifier les moyens au nom des fins, en vient à anéantie ce qui, dans ces fins, peut justifier les moyens ? le devoir reste le devoir . « Etre véridique dans les propos qu'on ne peut éluder, c'est là le devoir formel del'homme envers chaque homme, quelle que soit la gravité du préjudice qui peut enrésulter pour soi-même ou pour autrui.
Et même si, en falsifiant mon propos, je necause pas de tort à celui qui m'y contraint injustement, il reste qu'une tellefalsification, qu'on peut nommer également pour cette raison un mensonge ( même sice n'est pas au sens des juristes), constitue, au regard de l'élément le plus essentieldu devoir en général , un tort : car je fais en sorte, autant qu'il est en mon pouvoir, que les propos (les déclarations) en général ne trouvent aucun crédit et, par suite,que tous les droits fondés sur des contrats deviennent caducs et perdent toute leurforce ; ce qui est un tort causé à l'humanité en général .
» Kant in « D'un prétendu droit de mentir ». C) Le conflit entre deux devoirs. Qu'il soit facile de savoir où est son devoir n'exclut pas toujours la nécessité de la délibération.
Des situationspeuvent, en effet, se présenter où le sujet voit s'opposer deux règles.
Sartre , dans « L'existentialisme est un humanisme » cite le cas d'un jeune homme qui doit choisir entre le devoir patriotique qui lui commande de partir en Angleterre et s'engager dans les Forces Françaises Libres , et le devoir filial qui lui commande de rester auprès de sa mère souffrante et l'aider à vivre.
Ce jeune homme peut se dire que sa mère ne vit que par lui et que son départ,et peut-être sa mort, la plongerait dans le désespoir ; Il peut aussi se rendre compte que partir et combattre est unacte ambigu qui pourrait ne servir à rien si, par exemple, passant par l'Espagne, il restait bloqué dans un campespagnol.
Suite à une telle délibération, il choisirait de rester auprès de sa mère.
Mais les devoirs fondamentauxexigés par la situation sont probablement qu'il devrait accomplir et son devoir filial et son devoir patriotique.
Entreces deux impératifs, il n'y a pas d'incohérence de nature.
Le conflit vient de ce que, les choses étant ce qu'ellessont, il n'y a pas moyen de faire les deux actions en même temps.
Autrement dit, s'il reste auprès de sa mère, lejeune homme ne peut pas dire qu'il se trompait en pensant que s'engager dans les Forces Françaises Libres était une chose qu'il devait faire.
Il peut même continuer à penser cela rétrospectivement et, partant, avoir des regrets.Suivre un des devoirs, dans un conflit moral, n'entraîne pas que l'autre devoir n'a aucune pertinence..
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