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La Renaissance en sculpture

Publié le 26/02/2010

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Pour Michel-Ange, entre la sculpture et la peinture, il y a autant de différence que " du soleil à la lune " ; et bien que Léonard de Vinci ait soutenu le contraire, reconnaissant à la peinture la vertu d'un instrument bien plus pénétrant d'investigation et de connaissance, la sculpture apparaissait aux artistes de la Renaissance comme l'art par excellence : celui, en tout cas, qui mieux que tout autre traduisait l'idéal classique du Beau et la haute maîtrise formelle des maîtres de l'Antiquité et qui, pour n'être pas soumis à l'incertitude et à l'instabilité des apparences extérieures, était plus que tout autre en mesure de saisir et de représenter l'essence, la signification profonde et divine de la réalité. On reconnaissait bien qu'il existait une unité de tous les arts et qu'à la base de cette unité il y avait un " dessin " considéré comme une représentation purement idéale, une sorte d'idée platonicienne traduite en figures ; mais on estimait en même temps que la sculpture était le plus pur des arts, celui qui garantissait à la forme une valeur de vérité absolue, exempte de tout artifice et de tout illusionnisme. Ainsi la sculpture ne s'intéresse pas aux aspects extérieurs de la réalité, aux apparences brillantes de la couleur qui change, aux vicissitudes quotidiennes des hommes ; à travers la représentation de la figure humaine conçue comme l'exemple le plus parfait d'harmonie de la création, elle atteint la représentation des grandes idées morales, des valeurs suprêmes de l'humanité. C'est au moyen de la sculpture que la société de la Renaissance, fière de sa civilisation propre, persuadée du haut degré de son " historicité " propre, érige son monument à elle et glorifie ses propres mythes : et la sculpture acquiert ainsi un caractère quasi rituel constituant un procès de l'individuel à l'universel, du temporel à l'éternel.

« statue, en tant que conception plastique et spatiale de la figure humaine, naît du bas-relief et de son caractèredramatique de la même manière que la conception humaniste de la personnalité de l'homme naît de la vivaciténarrative des contes de Boccace.

Si l'on confrontait les bas-reliefs présentés par Ghiberti et Brunelleschi auconcours de la porte du Baptistère, en 1402, avec la série de statues destinées à orner le Dôme et le Campanile deFlorence, il serait facile de constater que l'isolement de la statue naît de la foule, de l'agitation du bas-relief. C'est surtout par l'exemple de Donatello que l'on aperçoit tout ce que la statue doit au bas-relief : il est le premiersculpteur qui, développant un récit d'après un ordre scénique précis en vue de lui conférer un accent à la foishistorique et dramatique, sentit la nécessité de composer l'espace suivant une succession de plans perspectifs biendéfinis.

En examinant ses bas-reliefs " biaisés ", il est facile de constater que l'espace perspectif ne préexistait pasavant l'invention de " l'histoire " mais qu'il naît avec elle et que les plans perspectifs ne sont pas autre chose que lesdivers moments de la situation dramatique.

Si ensuite nous regardons ses statues le David, la Judith, leGattamelata, etc.

nous constaterons que celles-ci ne sont point conçues comme des blocs massifs unitaires, maiscomme une structure de plans coordonnés qui, eux, se règlent sur le point de vue du bas-relief.

Il est toujourspossible de décomposer ces statues d'après les divers plans qui s'entrecroisent dans leur composition ; et d'observersuivant quels plans se distribuent les gestes qui donnent à la statue son sens de personnage en action et commentdeux ou davantage de gestes simultanés et complémentaires s'inscrivent dans le même plan et, par conséquent,dans les mêmes conditions d'éclairage.

La statue se trouve toujours ainsi ramenée au centre d'un espace idéal,déterminé par son propre mouvement, et elle constitue nécessairement le point focal de la vision ; il en résulte quetoutes les particularités de la figure, jusqu'aux toutes petites saillies anatomiques ou physionomiques acquièrent nonseulement une vie extraordinaire mais aussi une valeur d'éléments essentiels, de moments divers et coordonnésd'une action en puissance.

Plus que cela : la statue n'est jamais la représentation d'un seul geste ou d'un seulmouvement mais la synthèse des mouvements et des gestes dont se compose, dans le temps, une action ; c'estprécisément cette simultanéité de la représentation des divers moments successifs qui détermine sa qualitéplastique et lui donne en même temps son caractère " d'histoire ".

Une grande partie de la sculpture italienne duQuattrocento peut s'expliquer comme une interprétation de la révolution donatellienne : au sens naturaliste, au senshumaniste et littéraire, au sens de son style et de son réalisme.

Avec Donatello, toute l'existence humaine, ycompris ses aspects les plus crûment réalistes, populaires ou dramatiques vient s'encadrer, par le truchement de lasculpture, dans l'histoire. Désormais, l'antique n'est plus un modèle abstrait, un idéal suprême mais éloigné ; tout vestige de l'antique estreconnu de valeur actuelle, de qualité artistique directe.

Il y eut des sculpteurs dont l'oeuvre plastique graviteintégralement dans l'orbite de l'antique : les statues de Michelozzo ont l'allure grave d'un sermon, les bas-reliefsd'Agostino di Duccio retrouvent le rythme et la cadence d'une élégie d'Ovide.

La plastique devient parole et mesure: tout peut se dire " en plastique " comme tout peut se dire en poésie.

Et c'est à peine s'il est nécessaire d'évoquerla foule des auteurs de petits bronzes qui, à Florence ou à Padoue, réussissent à se maintenir à la limite du pastichehistorique sans pourtant jamais perdre cette vivacité ou cette " promptitude " du modelé qui correspondait, dansl'idéal donatellien, à la vivacité et à la " promptitude " des actes humains. Les grandes collections princières celle que Sixte IV donna, en 1471, à la Commune de Rome, ou celle dont leCardinal Grimani fit don à Venise en 1523, de même que les collections d'antiques des Médicis à Florence, desGonzagues à Mantoue et autres, s'enrichissent non seulement de grands mais aussi de petits chefs-d'oeuvre :gemmes, camées, médailles, monnaies.

Chacune de ces galeries devient un centre d'études, une école où les jeunesartistes approfondissaient les divers accents de l'art antique.

La barrière s'écroule, ainsi, entre la sculpture et sesformes mineures comme l'orfèvrerie ou la glyptique.

Par le truchement de ce menu matériel, de ce produit de la "culture " artisanale d'un niveau élevé, le " latin " de la grande sculpture se mêle au langage parlé, pénètre dans lecostume, imprègne le ton de la vie sociale, devient l'expression d'une société toujours de plus en plus fière de sapropre culture.

A côté de l'architecture qui transmet le concept d'un classicisme modèle et théorique, la sculpturemaintient vivant le sens du classicisme historique. Celui qui a le plus profondément compris le sens de la leçon donatellienne et dépassé sa signification c'est AntonioPollaiuolo, dans son art nerveux, tourmenté, tout tension et élan.

Sa recherche se localise dans le mouvement, lafigure humaine n'est plus que le centre d'une force qui tend à se libérer et à communiquer avec l'espace ; mais avecun espace qui ne connaît plus de limites ni de structures en perspective, qui est la dimension infinie.

Il y transparaîtun sens angoissé de la disproportion entre les forces de l'homme et celles de la nature ; et plus elle s'affirme et seprécise, plus la force déborde et plus la forme communique à l'espace son énergie comprimée.

Le style aigu ettranchant, les lignes à tout moment brisées et déviées transmettent à l'espace une vibration lumineuse ; la lumièrenaît du mouvement et devient elle-même mouvement qui rattache la figure à l'espace lui aussi vibrant et mouvant àl'infini.

A la méditation sur l'équilibre profond entre l'homme et la réalité succèdent la fièvre et l'anxiété de fondre àtravers les mouvements du corps, les oscillations de l'âme avec le mouvement continu et insaisissable de l'univers :l'inspiration de Pollaiuolo est déjà celle que Ficin nommera la " furor " et qui trouvera son expression la plus hautedans la recherche inquiète de Léonard de Vinci. Avec moins de tension interne et un sens plus apaisé de la nature, Verrocchio sent également que le rapport entrel'homme et la réalité est changé et qu'il tend désormais à s'exprimer à travers les forces les plus intimes etmystérieuses de l'être plutôt qu'à travers un ordre des lois naturelles.

La perspective était fondée sur le réalisme del'action humaine et sur la connaissance de son affinité avec l'espace et le temps ; mais si ce réalisme de l'actionconstituait le caractère moral de la génération des grands rénovateurs (Donatello, Brunelleschi et Masaccio), cecaractère a changé avec l'approfondissement de la culture humaniste et la nouvelle génération est inquiète,. »

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