La recherche expérimentale des causes chez Claude Bernard
Publié le 27/01/2020
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« L'expérience implique, d'après les mêmes physiologistes, l'idée d'une variation ou d'un trouble intentionnellement apportés par l'investigateur dans les conditions des phénomènes naturels. Cette définition répond en effet à un groupe nombreux d'expériences que l'on pratique en physiologie et qui pourraient s'appeler expériences par destruction. Cette manière d'expérimenter, qui remonte à Galien, est la plus simple, et elle devait se présenter à l'esprit des anatomistes désireux de connaître sur le vivant l'usage des parties qu'ils avaient isolées par la dissection sur le cadavre. Pour cela, on supprime un organe sur le vivant par la section ou par l'ablation, et l'on juge, d'après le trouble produit dans l'organisme entier ou dans une fonction spéciale, de l'usage de l'organe enlevé. Ce procédé expérimental essentiellement analytique est mis tous les jours en pratique en physiologie. Par exemple, l'anatomie avait appris que deux nerfs principaux se distribuent à la face : le facial et la cinquième paire ; pour connaître leurs usages, on les a coupés successivement. Le résultat a montré que la section du facial amène la perte du mouvement, et la section de la cinquième paire, la perte de la sensibilité. D'où l'on a conclu que le facial est le nerf moteur de la face et la cinquième paire le nerf sensitif. »
Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, 1865, rééd. Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 37.

«
Textes commentés
Claude Bernard décrit ici l'une des procédures principales de
l'expérimentation sur le vivant, l'expérience par destruction.
On postule
que l'observation (simple) d'un organisme, telle qu'elle est effectuée,
par exemple en médecine clinique ou en éthologie, ne peut donner une
idée précise de la responsabilité des différents composants dans une
activité donnée.
On détruit alors un organe ou un de ses composants
tout en enregistrant les anomalies dans le fonctionnement ou dans le
comportement de l'organisme.
Pratiqué de façon systématique, ce type
d'expérimentation peut renseigner sur la fonction de chaque composant
de l'organisme.
La démarche est analytique car l'organisme est décomposé en parties
en présupposant qu'il y a une correspondance biunivoque (1 à 1) entre
chaque partie séparée et une fonction spécifique, ce qui permet
d'observer successivement les propriétés d'un organisme.
Le rapport
causal et la notion de fonction tiennent ici le rôle important : on
considère que l'organe ou la partie perturbée est la cause, et que
l'anomalie est l'effet, que l'organe détruit est une variable (l'argument
de la fonction) ou paramètre que nous pouvons contrôler à volonté (ce
qui dépend de nous), tandis que l'anomalie, la variable dépendante,
exprime le déterminisme (ce qui ne dépend pas de nous).
C'est une
façon de découvrir des régularités ou des lois.
On comprend aisément
que cette méthode des variations puisse être employée ailleurs dans
toutes les sciences naturelles.
D'un point de vue épistémologique, avant d'employer l'expérimentation
par destruction, il faudrait faire un effort pour s'assurer au moins (1)
qu'elle est intéressante, c'est-à-dire qu'elle vise à répondre à des
questions bien posées et qu'elle servira soit pour corroborer une
1 théorie, soit pour la réfuter ; (2) que la signification globale du
comportement n'est pas détruite car dans un organisme, le tout est plus
que l'addition de ses parties.
35.
»
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