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la recherche du bonheur est-elle un idéal égoïste ?

Publié le 08/01/2005

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Peut-on souhaiter mieux que d'être heureux ? Le bonheur semble être le nom donné par chacun à son idéal d'épanouissement personnel. La tradition judéo-chrétienne a cependant jeté un soupçon sur cet horizon de l'existence : ne s'agit-il pas d'un idéal égoïste, qui enferme l'individu sur lui-même au lieu de l'ouvrir soit aux autres soit à Dieu ?  Courir après le bonheur ne détourne-t-il pas de veiller à être digne d'être heureux ou de comprendre qu'un bonheur humain est petit au regard de la béatitude divine ? La recherche du bonheur est-elle un idéal égoïste ?  Pour éclairer cette problématique, nous analyserons tout d'abord le point de vue du sens commun qui ne voit pas de plus bel idéal que le bonheur ; nous étudierons ensuite le soupçon d'égoïsme qui pèse sur cette recherche; nous nous demanderons enfin si ce soupçon ne peut être dépassé en identifiant bonheur et bienveillance à l'égard d'autrui.  

  • I. Le bonheur, horizon de toute activité humaine
  • II. Le bonheur suspect: La recherche du bonheur, idéal individuel, est-elle pour autant un idéal égoïste, donc moralement critiquable ?

 

  • III. Bonheur et bienveillance

 

« véritable bonheur, de plus, l'idée que chacun se formerait sapropre conception du bonheur est sans doute bien naïve puisquel'idéal n'est pas le fruit d'une réflexion mais de l'imagination qui,puisqu'il n'est pas encore atteint, ne peut être imaginé quesuivant l'image décrite dans des romans, à la télévision etc...

Cequi fera dire à Kant que « Le bonheur est un idéal, non de laraison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principesempiriques.

» Le philosophe allemand KANT a déjà rédigé son premier grand livre de métaphysique (ou plus exactement de critique de la métaphysique), « Critique de la raison pure » (1781), lorsqu'il entreprend une première approche de la morale avec les « Fondements de la métaphysique des mœurs » (1785) qui précéderont de trois ans son grand ouvrage sur la morale : « Critique de la raison pratique » (1788). On connaît le résultat de cette critique de la métaphysique : sur les questions de l'âme (le sujet profond de notre expérience interne), du monde (le tout complet de la réalité, objet de notreexpérience externe), et de Dieu (considéré comme fondement suprême de la totalité des êtres),nous ne pouvons que nous livrer à des spéculations métaphysiques qui dépassent les limites del'expérience effective possible.

Un savoir métaphysique transcendant, portant sur la réalité nonsensible (les noumènes), est impossible.

Voilà ce que révèle la démarche critique, qui s'interrogesur les conditions a priori de possibilité de la connaissance.

Une fois ce travail accompli, KANT cherche à appliquer cette même méthode critique à la morale, en s'interrogeant cette fois sur lesconditions de possibilité de l'action morale. C'est cette investigation qui fait le contenu des « Fondements de la métaphysique ».

Et passant en revue les thèmes traditionnels de la philosophie morale, KANT ne manque pas de rencontrer la question du bonheur et, dans la deuxième section de l'ouvrage (« Passage de la philosophie morale populaire à la métaphysique des mœurs »), de mettre fortement en question cette notion en la rattachant non à la raison , mais seulement à l'imagination : « Il n'y a pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parceque le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainementqu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série de conséquences en réalité infinie.

» « Un impératif qui puisse commander… » Ceci ne prend pleinement sens qu'à l'intérieur du système de KANT .

On sait que pour lui, dans la nature, toute chose agit d'après des lois.

Mais notre monde humain n'est pas seulement celui de la nature, il est bien plus spécifiquement celui dela culture.

Les hommes ne sont pas des choses, mais des êtres raisonnables, qui n'agissent pas tellement sous la pression des contraintes de lanature mais bien plutôt selon leur volonté.

Autrement dit, dans leurs actions, les hommes ont la capacité d'agir selon des principes, selon lareprésentation qu'ils se font de ce qui est raisonnable.

Eux aussi (comme les choses de la nature) obéissent à des lois, mais en tant qu'êtres deculture ils obéissent consciemment à des lois qu'ils se sont données eux-mêmes et qui sont conformes à la raison.

Le malheur de l'homme tient à cequ'il n'est pas entièrement un être raisonnable, qu'il n'est pas totalement déterminé dans ses actions par la représentation objective du bien.

Entrela loi et lui (cad son vouloir) doit s'interposer le devoir qui s'exprime par des impératifs.

Mais KANT opère la distinction entre des impératifs hypothétiques et des impératifs catégoriques.

A chaque fois, il s'agit de l'homme conçu comme un sujet capable d'être déterminé pratiquement par la raison, et se posant la question de savoir si l'action qu'il va entreprendre est bonneou non.

Ou bien cette action est bonne comme un moyen obligé pour obtenir quelque chose d'autre, et l'impératif (qui est la formule par laquelleest déterminé l'action) est un impératif hypothétique.

Ou bien l'action qui doit être accomplie est bonne « en soi », elle est nécessaire par elle-même, elle est sans rapport avec un autre but, et l'impératif qui la commande est catégorique.

Le détour par cette grille conceptuelle est nécessaire pour comprendre ce qu'il en est du bonheur dans le système de KANT .

Il faut savoir aussi que KANT distingue, parmi les impératifs hypothétiques, ceux qu'il appelle « problématiques » (se rapportant à une fin seulement possible) et ceux qu'il appelle « assertorique » (se rapportant à une fin réelle).

En effet ,il dit : « Il y a une fin que l'on peut supposer réelle chez tous les êtres raisonnables, […] un but qui n'est pas pour eux une simple possibilité, mais dont on peut certainement admettre que tous se le proposenteffectivement en vertu d'une nécessité naturelle, et ce but est le bonheur.

L'impératif hypothétique qui représente la nécessité pratique de l'actioncomme moyen d'arriver au bonheur est ASSERTORIQUE. » L'impératif qui commande les actions à accomplir pour atteindre le bonheur n'est pas un impératif catégorique, mais seulement un impératifhypothétique : « L'impératif qui se rapporte au choix des moyens en vue de notre bonheur propre, cad la prescription de la prudence, n'est toujours qu'hypothétique ; l'action est commandée, non pas absolument, mais seulement comme moyen pour un autre but. » Mais il y a un impératif qui ne se propose pas comme condition un autre but à atteindre.

Un impératif qui concerne« non la matière de l'action, ni ce qui doit en résulter, mais la forme et le principe ».

Cet impératif est catégorique. « Cet impératif peut être nommé « l'impératif de la MORALITE .

» Ainsi, selon KANT , y a-t-il à distinguer entre bonheur et moralité.

Alors que la moralité est tout entière tournée vers le rationnel et l'universel, le bonheur est de l'ordre de l'empirique et du particulier : « malgré le désir qu'a tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et ilveut.

» Et de se moquer longuement des alternatives où il est impossible de trancher.

L'homme veut la richesse ? Mais quede soucis, d'envies, de pièges cela ne va-t-il pas provoquer ! L'homme veut la connaissance ? Cela risque de lui. »

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