La recherche du bonheur est-elle le fondement de la morale ?
Publié le 09/03/2004
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On a généralement tendance à penser que la morale constitue la part austère de l’existence et dans l’inconscient collectif, il faut bien avouer que l’homme de vertu n’est pas un homme qui fait la fête. Il semblerait donc que la morale soit quelque chose de sérieux qui s’oppose au bonheur. Cependant, on est en droit de se demander pourquoi la morale existerait si celle-ci ne constituait pas un moyen supérieur de parvenir au bonheur ? Toute vie humaine n’est-elle pas motivée uniquement par la recherche du bonheur ? Se pourrait-il que quelque chose préoccupe plus l’être humain que son bonheur personnel ?
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- Pour Aristote, la conduite vertueuse répondant parfaitement aux exigences de l'essence humaine, celle-ci est ainsi couronnée par le bonheur.
Lebonheur constituant une sorte de supplément gratuit à laconduite vertueuse, « comme la beauté pour ceux qui sontdans la fleur de la jeunesse » (Aristote , Ethique à Nicomaque , X, 1174b).
- On pourrait donc penser que la recherche du bonheur constitue bien le fondement de la morale.
Plutôt que la recherche du bonheur, la dignité humaine. 2.
- Cependant, lier bonheur et morale élude certains problèmes, car si la recherche du bonheur fondait la morale,comment pourrait-on rendre compte du fait que certainespersonnes sacrifient leur bonheur au devoir moral ?
- On en trouve déjà un exemple dans l'antiquité : Héraclès arrivé à la puberté, hésite entre le chemin de lavertu sans joie et celui du vice dans le bonheur.
Ces deuxchemins se présentent à lui sous les traits de deux femmes,l'une s'appelant Félicité et l'autre se nommant Vertu.
Il choisit finalement la vertu bien que cela s'oppose à son bonheur.
De cela, on ne peut rendrecompte en considérant que seul le bonheur fonde la morale.
- Le fait que nous soyons libres nous montre ainsi que nous sommes sensibles à quelque chose de supérieur à notre intérêt, car considérer que l'homme est libre, c'est imaginer qu'il est capablede s'affranchir des déterminations sensibles, par exemple en renonçant à l'intérêt personnel et auplaisir immédiat.
- Selon Kant, cette chose qui serait supérieure à l'intérêt et qui donnerait un sens à notre liberté, ce serait le sens du devoir qui nous enjoint à un respect inconditionnel envers la loi moraleet qui confère à l'homme sa dignité.
- Kant rendra compte de cela en expliquant que ce n'est pas le bonheur mais le devoir qui donne le principe suprême de la moralité.
Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, première section, Kant écrit : « c'est la nécessité où je suis d'agir par pur respect pour la loi pratique qui constitue le devoir, le devoir auquel il faut que tout autre motif cède, car il est lacondition d'une volonté bonne en soi dont la valeur passe tout.
»
- D'après Kant, la morale est une loi de la raison et non de l'intérêt, une loi qu'il appelle la loi morale.
Il écrit dans la Critique de la raison pratique que : « La loi morale est donnée comme un fait de la Raison dont nous sommes conscients a priori et qui est apodictiquement certain, en supposant même qu'on ne puisse alléguer dans l'expérience aucun exemple où elle ait étéexclusivement suivie.
»
- Cela permet de rendre compte que la morale soit quelque chose d'universel, d'impartial et d'absolu, puisque la raison est ainsi faite.
- On peut donc affirmer avec Kant que la morale trouve son fondement en deux points : la raison qui lui donne sa forme, et la liberté humaine qui nous donne la possibilité de la respecter.
- Ces deux données peuvent être ramenées à une seule : ce que Kant appelle la dignité humaine.
- Ainsi, on peut affirmer que c'est la dignité humaine qui fonde la morale.
Plutôt que la dignité humaine, la Volonté de puissance. 3.
- Toutefois, cette réponse est encore une fois parcellaire, car si la raison fondait vraiment la morale, on verrait mal comment un agent rationnel tel que l'homme pourrait agir moralement touten sachant que cela détruirait son bonheur.
- Par ailleurs, il semble faux d'affirmer que la morale soit quelque chose d'universel.
Ainsi, si l'on peut considérer que quasiment tous les êtres humains sont habités d'une certaine consciencemorale, on constate que tous ne considèrent pas de la même façon ce qui est moral ou non.
Pourcertains, des rituels comme l'excision constituent un acte hautement moral, pour d'autres, il s'agitde la plus insigne barbarie..
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