La recherche de la vérité s'accorde-t-elle avec le souci de tolérance ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
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On recherche la vérité, mais on tolère des opinions sur le même sujet.
On tolère le maintien d'une pluralité, alors quela recherche de la vérité procède par élimination des opinions fausses ou imprécises pour établir un énoncé unique.• Le définitif et le provisoireDe plus, la vérité est censée être définitive : si elle était changeante, elle ne serait plus la vérité; au contraire, lesouci de la tolérance semble devoir s'accompagner d'une disposition à réviser ses propres positions.• Fanatisme ou relativisme?Ces deux attitudes peuvent aboutir à des positions radicalement opposées : le fanatique absolutise sa position etn'admet aucune autre voie pour la recherche de la vérité ; le relativiste renonce à exiger la vérité et se contented'affirmer que tout se vaut.
On trouve cette attitude dans le domaine pratique aussi bien que dans la pratiquescientifique.Kant évoque l'opposition du dogmatisme et du scepticisme.
II.
Des exigences hétérogènes
Pourtant, l'incompatibilité n'est peut-être pas une affaire d'opposition : cette dernière est parfois d'autant plusvirulente que les points de vue sont hétérogènes, les préoccupations étrangères l'une à l'autre.
• Théorie et pratiqueOn peut séparer les deux préoccupations en affirmant que l'exigence de la vérité doit se limiter au domaine de laconnaissance objective (c'est-à-dire, pour Kant, le domaine de l'expérience possible), de la théorie scientifique,alors que le souci d'être tolérant doit prévaloir dans le domaine des rapports entre les hommes (tolérance morale),des formes de la vie en commun (tolérance politique) et de la réflexion sur les fins dernières (tolérance religieuse).
• Peut-on vraiment séparer les exigences?On aurait ainsi deux domaines clairement distincts, l'un où l'exigence de vérité est un élément fondamental, l'autreoù il est admis que plusieurs opinions sont légitimes.Et pourtant cette distinction ne peut être aussi radicale : la pratique de la recherche scientifique doit elle aussi êtremarquée par la tolérance et court elle aussi le risque du dogmatisme qui peut bloquer des voies de recherchepourtant fécondes; le domaine pratique nécessite la possibilité d'affirmer des convictions fortes et la volonté de lesdéfendre.
III.
L'esprit de vérité
L'opposition est dangereuse et la séparation ne peut être totale : comment alors concilier ces deux aspirations del'esprit?
• Exigence et possessionOn peut tout d'abord souligner la différence importante qui doit exister entre l'exigence de la vérité et sapossession.
Poursuivre avec exigence la vérité doit au contraire dissuader de croire trop tôt qu'on la possède.Socrate était un chasseur inlassable de la vérité et n'affirma jamais la détenir.
Il concevait au contraire le dialoguecomme la chasse identique de deux individus mettant en commun des approches différentes, se stimulant et seréfutant mutuellement.
• Les limites de la tolérancePar ailleurs, le souci d'être tolérant n'implique pas une disposition à admettre n'importe quoi : l'exigence de véritépeut être un précieux outil de discernement pour faire la part du tolérable et de l'intolérable, du fécond et du stérile,de l'audacieux et du dangereux.
• Vivre « en vérité »Dès lors, les deux exigences peuvent être considérées comme les deux facettes d'une même attitude qui consiste à« vivre en vérité », ce qui est l'ambition première de la philosophie.
Socrate reste le modèle par excellence duphilosophe à la fois persuadé qu'il n'y a pas de but plus beau que la recherche de la vérité, et convaincu qu'il nepeut progresser dans cette voie sans s'ouvrir à la pluralité des idées de ses interlocuteurs.
Ce qui ne signifie pas, aucontraire, qu'il faille s'abstenir de toute critique et prendre tout préjugé pour argent comptant.
Conclusion
L'exigence de la vérité et le souci d'être tolérant semblent donc ne pas être des attitudes incompatibles pourvuqu'on ne les durcisse pas respectivement en fanatisme et en relativisme et que l'on se rappelle que la vérité n'estpas un objet mais l'horizon toujours fuyant de la recherche.
Est-ce à dire que les deux exigences peuvent se fondredans une harmonie parfaite et une attitude unique ? Ce serait utopique et ce n'est sans doute pas souhaitable :notre conscience a besoin pour progresser de s'appuyer sur des tensions dialectiques..
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