La raison entre-t-elle nécessairement en conflit avec la croyance religieuse?
Publié le 01/10/2012
Extrait du document
«
raisons de la raison et de la foi.
C'est cependant dans un tel contexte que
commencent à être élaborées des preuves de Dieu, qui prétendent répondre à une
exigence de rationalité: la philosophie prend en particulier pour tâche, non
seulement de montrer que raison et croyance sont compatibles, mais encore que la
première peut mener à la seconde.
On ne rappellera que quelques exemples d'un tel travail de rationalisation:
• saint-Anselme montre que, du point de vue de la cohérence de la pensée
(qui est bien une exigence de la raison), seule la proposition Dieu existe est
valide,
Dieu n'existe pas témoignant seulement d'une pensée insensée; • saint Thomas décline l'argument aristotélicien en cinq voies, montrant que,
lorsqu'on considère l'existence du réel de différents points de vue
(mouvement, cause efficiente, degré des qualités, gouvernement des choses ou finalité) on est amené, par les principes mêmes de la raison, à concevoir
l'existence de Dieu comme origine
du monde; • Descartes conforte l'argument ontologique en montrant que l'idée d'être
parfait que je trouve dans mon esprit et sur laquelle il s'élabore ne peut être
produite que par un être lui-même parfait.
Dans de telles pensées, l'hypothèse d'un conflit nécessaire entre la croyance et la
raison est évidemment irrecevable.
Au point même que, chez Descartes, l'exercice
scientifique de la raison s'appuiera sur l'affirmation de l'existence de Dieu et de sa
toute bonté (ce qui aboutira à une physique fausse ...
).
III.
Croyance et raison pratique
- C'est pourtant
le caractère rationnel de ces différentes justifications de la
croyance religieuse que vont mettre en cause Hume, puis Kant:
• Le premier montre qu'elles impliquent un usage excessif de la raison, qui
ne peut construire aucune activité sérieuse à propos d'un concept unique en son genre et donc anormal comme l'est celui de Dieu.
La conséquence est
rigoureuse, mais ne mène pas à un conflit: la croyance reste une affaire de
choix privé, dont la raison ne doit se mêler en aucun cas; • Kant ne se prive pas de montrer l'inefficacité de l'argument ontologique
(qui ne devrait affirmer que la possibilité de Dieu, et non son existence) mais c'est, dans son système, la raison elle-même qui, dépassant ce qu'elle
peut connaître à proprement parler, va devoir affirmer Dieu par un
postulat, pour confirmer la cohérence du monde moral.
Dans ce cas, on
constate qu'il existe un au-delà de la rationalité ordinaire (celle des preuves
et des démonstrations), mais que cet au-delà est défini
par un exercice
supérieur (méta-physique) de la raison.
La croyance reste ainsi rationnelle
ment fondée, alors même que plus rien ne peut être prouvé.
Bien entendu,
il ne s'agit dans de telles réflexions que des formes sérieuses de la
croyance, soit que, posée
au départ, elle s'affirme en quête de l'intellection pour
reprendre la formule de saint Anselme, soit qu'elle apparaisse comme le
couronnement et l'achèvement de la démarche rationnelle comme chez Kant.
Quant aux variantes systématiquement«
aveugles,.
ou fanatiques de la croyance,
la raison garde tout pouvoir de les critiquer violemment- mais c'est précisément
parce qu'elles commencent par ignorer ses exigences.
-
On notera par contre que, lorsque la croyance elle-même sort des normes pour
devenir attitude mystique, elle refuse tout rationalisme (cf Bergson: la mystique
reste incommunicable
à qui ne la vit pas), jugeant par exemple comme.
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