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La raison contredit-elle la foi ?

Publié le 02/02/2004

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Leurs objets respectifs, le dieu conceptuel et le dieu personnel s'excluent-ils, ou représentent-ils deux manières différentes, voire complémentaires, de viser la même réalité ?On peut évoquer les situations de conflit entre l'autorité de la raison et celle de la foi (affaire Galilée) ou évoquer un partage de compétences : « La Bible nous dit comment aller au ciel, et non comment va le ciel ». On peut aussi analyser les empiètements des deux domaines : le Livre de la Sagesse (XI, 20) affirme que « Dieu a tout disposé avec mesure, nombre et poids ». C'est la conception d'un dieu architecte, garant de la rationalité de l'univers. Conformité de la foi et de la raison ? Les récits de manifestations surnaturelles ou de miracles ne rendent pas toujours un son aussi rationaliste. Certains éléments de la foi semblent même aller directement à l'encontre de la raison : un buisson qui brûle sans se consumer, ou une femme qui enfante en restant vierge. Mais peut-être s'agit-il de proclamer la puissance régénératrice de dieu, ou d'affirmer que la véritable fraternité humaine ne se réduit pas au biologique ou à la race.De son côté, le raisonnement ne permet de conclure à l'existence de dieu qu'en vertu d'un principe de raison, et en admettant qu'on ne peut remonter indéfiniment la série des raisons ou des causes, et qu'il faut s'arrêter à un premier terme. La conception de la divinité est peut-être aussi délicate pour la raison que pour la foi.

« biologique ou à la race.De son côté, le raisonnement ne permet de conclure à l'existence de dieu qu'en vertu d'un principe de raison, et enadmettant qu'on ne peut remonter indéfiniment la série des raisons ou des causes, et qu'il faut s'arrêter à unpremier terme.

La conception de la divinité est peut-être aussi délicate pour la raison que pour la foi.

Peut-êtrefaut-il mieux distinguer le besoin de Dieu pour la raison et le besoin de Dieu pour la foi : d'un côté, un besoin de «sauver les phénomènes », c'est-à-dire de rendre raison de leur apparent désordre par un principe d'organisationuniversel et déchiffrable.

De l'autre, un besoin d'être sauvé des tendances à la haine, à la vengeance, àl'autodestruction. B.

D'une confrontation de conceptions, on peut alors passer au problème de la coexistence (pacifique ouconflictuelle ?) de la raison et de la foi, entendues comme deux facultés présentes dans un même individu.Comment s'articulent-elles ? Est-ce que la foi relaye et supplée la raison quand celle-ci ne peut plus rendre raisonde la réalité (« Dieu sensible au coeur, non à la raison », écrit Pascal) ? L'individu croyant est-il déchiré entre lesexigences d'un calcul rationnel et la vocation à s'abandonner gratuitement à la cause de son dieu ? La foi contient-elle des énoncés ou des prescriptions qui heurtent directement l'exercice de la raison ?Mais on peut également faire l'hypothèse que le fidèle d'une religion puisse s'aider de la raison dans sa démarche defoi : un peu de science, dit-on, éloigne de dieu : beaucoup y ramène.

Saint Anselme (Xle siècle) est l'auteur d'untraité intitulé La foi qui cherche l'intelligence et médite « sur la raison de la foi » « de ratione fidei ».

Il développe laconception de Saint Augustin : croire pour comprendre, et comprendre pour mieux croire.

Il met au point unargument destiné à convaincre de son erreur « l'insensé qui a dit dans son coeur : Dieu n'est pas ».

Il s'oppose ainsià la conception fidéiste (qui sera celle de Kierkegaard) selon laquelle l'acte de foi est par essence et de part en partirrationnel (credo quia absurdum : je crois parce que c'est absurde). Je crois parce quec'est absurde.

SaintAugustin Cette phrase définit la foi.

Nous n'avons nulle preuve del'existence de Dieu.

Croire en Dieu (ou n'y pas croire) relèved'un choix d'existence mais qui reste infondable en raison. Pascal utilisera l'argument du pari, dans lequel le calcul rationnel des risquesrespectifs de la foi et de la non foi se double d'un engagement : « Parlonsselon les lumières naturelles [...] Dieu est ou il n'est pas; mais de quel côtépencherons-nous ? la raison n'y peut rien déterminer [...] Votre raison n'estpas plus blessée puisqu'il faut nécessairement choisir [...] Pesons le gain et laperte [...] une vie à perdre, une éternité de vie de bonheur à gagner].

Celaest démonstratif et si les hommes sont capables de quelque vérité, celle-làl'est.[...] Puisque la raison vous y porte et que néanmoins vous ne le pouvez,travaillez donc non pas à vous convaincre par l'augmentation des preuves deDieu, mais par la diminution de vos passions » (Pensées, Lafuma 418).

Ce quisignifierait que la raison ne résiste à la foi qu'à cause des passions quipervertissent son application ? Si donc l'acte de foi n'est pas, en principe,contre la raison, tout n'y est pas rationnel.

L'argument de la foi, c'est peutêtre quelqu'un, plutôt qu'une raison (disons une raison incarnée), et samesure, l'infini : « la raison d'aimer Dieu, écrit Saint Bernard (XI-Xlle siècle),c'est Dieu lui-même; et la mesure de l'aimer, c'est de l'aimer sans mesure ».On peut, symétriquement, se demander si l'exercice de la raison dans lessciences, conserve ou retrouve quelque chose d'une foi.

Cet exercice supposeune confiance dans l'instrument rationnel et dans l'intelligibilité des domaines. »

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