La puissance expressive de la parole est-elle sans limite ?
Publié le 27/02/2008
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2) Des choses indescriptibles. Ce sont les objets et la langue qui sont en cause dans l'ineffable.
Les mots ne nous manquent jamais tant que lorsqu'il s'agit de décrire quelque chose qui se trouve en nous ou endehors de nous.
Cela semble indiquer que l'ineffable serait causé par les objets : certains objets seraient impossiblesà décrire ou difficile à décrire.
Mais lesquels et pourquoi ceux-là ?
On peut dire qu'il s'agit de tous les objets qui, soit sont en nous soit en dehors de nous, que nous percevons ouapercevons ou ressentons et qui présentent cette caractéristique d'être très riches en déterminations diverses.
Il est par exemple très difficile de rendre avec précision toutes les nuances du bleu d'un ciel : ces nuances sont à lafois trop peu différenciées pour être distinguées les unes des autres dans une parole et en même temps aussi tropnombreuses pour être toutes dites.
Mais cette explication est au fond la même que celle qui consiste à incriminer la langue : "Il n'y a pas de mot pourdire cela", dit-on parfois.
En effet, dire que le réel est trop riche en détermination, c'est comme dire que la langueest trop pauvre en mot, a un lexique trop réduit pour dire tout.
S'il existe des choses indescriptibles, c'est soit parcequ'elles sont trop riches en déterminations, soit parce qu'il n'existe pas assez de mots pour les dire toutes, mais cesdeux explications, par le trop ou le pas assez, reviennent finalement au même : ce sont deux points de vue sur lamême chose.
Mettre en cause les choses, c'est comme mettre en cause la langue dans la mesure où les choses ne seraient pasen cause précisément si les mots que la langue met à notre disposition nous permettaient de dire toutes les choses.A l'inverse donc, dire que ce sont les choses qui sont ineffables parce qu'indescriptibles, cela revient à dire que cesont les langues qui ne nous offrent pas les ressources lexicales nécessaires à l'expression de toute chose.
Seulement cette double thèse n'est pas cohérente avec celle que nous avons soutenue plus haut : dire que ce sontles objets qui comme tels sont impossibles à décrire, à dire, c'est implicitement restaurer le nomenclaturisme, lathèse selon laquelle les mots désignent les choses, alors qu'ils expriment les idées que nous avons à propos deschoses.
En effet, dire qu'on ne peut pas décrire certains objets parce que leurs déterminations sont trop pauvres ou tropriches, c'est dire qu'on n'a pas les mots qui correspondent à chacune des déterminations qu'on perçoit ou ressent,mais précisément, c'est la thèse nomenclaturiste qu'on a réfuté !
Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'on ne peut pas expliquer cette impossibilité de dire par les déterminations des objetspas plus finalement que par la langue elle-même, puisque ces deux explications sont solidaires en cela qu'ellesreposent toutes les deux sur une conception nomenclaturiste de la langue.
On retrouve ici la thèse de Bergson surla langue : elle est une nomenclature qui met en relation les mots avec des choses sous leur aspect commun etbanal et non pas singulier.
La singularité des choses nous est cachée par la généralité des mots.
C'est pourquoi lesmots feraient écran entre nous et les choses de telle sorte qu'à moins d'être poète, on ne peut pas dire tout ce quise passe en nous, toutes les richesses et les nuances vécues qu'à l'occasion nous apercevons en nous.
Seulement, cette thèse ne tient pas parce que la langue n'est pas une nomenclature, parce que les mots nedésignent pas les choses, mais les idées que nous avons d'elles.
Les mots ne représentent pas les choses, ilsexpriment nos idées, nos représentations, ils sont nos idées mêmes.
Mais réfuter cette seconde explication de l'indicible est fâcheux : s'il faut écarter le sujet, les objets et la languecomme causes ou comme explication de cette expérience pourtant vécue de l'indicible, on la rend tout à faitmystérieuse puisqu'il n'y a pas d'autres possibilités à envisager que celles là ! Nous avons un fait qu'on ne peut pasexpliquer comme tel, sinon de manière partielle en invoquant la faiblesse ponctuelle de la compétence linguistique deceux qui font l'expérience de l'impossibilité de dire quelque chose.
A moins qu'au contraire, en se rappelant que les mots désignent non des choses, mais des idées, que parler, c'estpenser et inversement, on n'ait en réalité donner une explication de cette expérience, mais sans s'en être renducompte encore…
3) Tout peut être dit sauf ce qui ne peut pas l'être…
Les termes du problème sont simples : il apparaît qu'on ne peut pas expliquer cette expérience de l'indicible eninvoquant les déterminations des objets ou la langue elle-même qu'on parle parce que les mots et nos paroles nerenvoient pas aux choses, mais à nos idées qu'ils expriment.
Mais si les mots expriment nos pensées et que penser c'est parler autant que parler, c'est penser, alors cela signifieque celui qui ne trouve pas ces mots, qui ne parvient pas à s'exprimer, à dire ce qu'il pense, en réalité ne pense pas! S'il pensait, il ne pourrait pas ne pas parler puisque penser, c'est parler, penser à quelque chose, c'est le dire ou sele dire.
Qu'est-ce à dire qu'il ne pense pas, qu'il n'a pas de pensée ? Cela peut signifier deux choses différentes :.
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