« La psychologie, écrit Ribot, sera purement expérimentale : elle n'aura pour objet que les phénomènes, leurs lois, leurs causes immédiates; elle ne s'occupera ni de l'âme, ni de son essence, car cette question, étant au-dessus de l'expérience et en dehors de la vérification, appartient à la métaphysique. » Que pensez-vous de cette conception de la psychologie ?
Publié le 18/06/2009
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INTRO. — Le Dictionnaire de l'Académie de 1935 se contente encore de la définition qu'on lit dans l'édition de 1835 : « Psychologie : Partie de la philosophie qui traite de l'âme, de ses facultés et de ses opérations «. Or, dès 1870, dans son introduction à La psychologie anglaise contemporaine, après avoir consacré quelques pages à l'origine et à l'évolution de cette discipline, Théodule Ribot écrivait : « la psychologie dont il s'agit ici sera donc purement expérimentale... «, Pour bien apprécier la conception de ce grand théoricien français de la psychologie, il est indispensable de la préciser, et pour cela il convient de rappeler brièvement en quoi consistait la psychologie pour la génération précédente. I. — LA PSYCHOLOGIE AVANT RIBOT Si nous prenons ce mot dans les diverses acceptions qu'il a aujourd'hui, nous devrons distinguer deux formes générales de psychologie. C'est la psychologie pratique qui, dans le langage courant, fait qualifier quelqu'un de psychologue. La psychologie ainsi comprise est moins un savoir qu'un don particulier de pénétrer par intuition les sentiments et les intentions des autres comme aussi les replis ténébreux de sa conscience. Dans le domaine des lettres, elle fut représentée par nos principaux écrivains de l'époque classique, mais spécialement par les moralistes comme LA BRUYÈRE et LA ROCHEFOUCAULD. Leurs oeuvres relèvent de la littérature plus que des sciences ou de la philosophie.
«
psychologie physiologique.
2.
Pour réaliser son programme expliquer sa méthode expérimentale, la psychologie nouvelle devra s'en tenirrigoureusement à son objet propre': les phénomènes, c'est-à-dire ce qui est donné immédiatement à l'observation,et non les réalités que la raison requiert pour expliquer le donné immédiat, l'esprit ou l'âme avec ses facultés.Sur ce point, RIBOT est moins révolutionnaire qu'il semble le croire.
Les éclectiques, longtemps avant lui, avaientformulé la conception d'une psychologie réduite à l'étude d'une catégorie particulière de faits.
Pour CARNIER, parexemple, « la psychologie est la description des états et des opérations de notre âme » ou « du moi ».Mais tandis que les éclectiques plaçaient l'objet de la psychologie dans les faits de conscience perçus par laconscience elle-même, RIBOT se défie de l'introspection, tout en la déclarant d'ailleurs indispensable.
Pour lui, lapsychologie « a pour objet les phénomènes nerveux accompagnés de conscience (...).
L'âme et ses facultés, lagrande entité et les petites entités disparaissent, et nous n'avons plus affaire qu'à des événements internes qui,comme les sensations et les images, traduisent les événements physiques, ou qui se traduisent en événementsphysiques, comme les idées, les mouvements, les volitions et les désirs.
Un grand résultat est ainsi obtenu : l'étatde conscience cesse d'être une abstraction flottant dans le vide.
Il se fixe.
Rivé à son concomitant physique, ilrentre avec lui et par lui dans les conditions du déterminisme, sans lequel il n'y a pas de science ».
3.
L'objet de la métaphysique est, par le fait même, précisé : Il est constitué par les questions qui sont «au-dessus de l'expérience » et « en dehors de la vérification ».
RIBOT, en effet, loin de nier la légitimité de la métaphysique, lui reconnaît une place nécessaire, même enpsychologie, pourvu qu'on prenne ce mot dans sa plus large compréhension : « La psychologie, dit-il, aura aussi samétaphysique comme les autres sciences, tout en restant parfaitement distincte.
C'est la rendre incomplète sansdoute, mais le progrès est à ce prix.
Si la psychologie veut être à la fois une psychologie et une métaphysique, ellene sera ni l'une ni l'autre » (La psycho.
all.
contemp., p.
35).En résumé, la psychologie, au sens restreint du mot, c'est-à-dire la psychologie expérimentale, fera abstraction del'âme et des problèmes que pose ce principe spirituel et, dans ce sens, sera une « psychologie sans âme ».
Mais, demême que, au delà de la physique, il y a la métaphysique, de même la psychologie laisse la porte ouverte à ce quecertains ont appelé une métapsychologie, mais qu'on appelle plus couramment une psychologie métaphysique ou unepsychologie rationnelle.
III.
— QUE PENSER DE LA CONCEPTION DE RIBOT ?
Les propositions que nous avons à apprécier sont construites au futur : « sera », « aura », « s'occupera ».
Cesfuturs sont susceptibles de deux interprétations et peuvent indiquer soit ce qui se passera, soit ce qu'il faut réaliser.Dans notre appréciation, nous nous placerons successivement à ces deux points de vue.
1.
Du point de vue historique, RIBOT a été fidèle témoin et un assez bon prophète.La conception d'une psychologie distincte de la métaphysique a été formulée avant ces célèbres préfaces.
Lephilosophe éclectique Théodore JOUFFROY par exemple, formula lui aussi le projet d'une science qu'il proposaitd'appeler psychologie : elle serait distincte à la fois de la physiologie et de la métaphysique et aurait pour objet «les phénomènes de conscience » ou les phénomènes attribués à l'âme sans rien préjuger de la nature de celle-ci.Mais, préoccupés de problèmes philosophiques dont la psychologie devait, d'après eux, préparer la solution, leséclectiques ne réalisèrent pas ce programme, et c'est bien RIBOT qui, en France, consomma la séparation entre lapsychologie et la métaphysique.
On peut seulement lui reprocher de n'avoir pas appliqué suffisamment lui-même leprogramme qu'il formula pour l'ensemble des psychologues : d'abord, personnellement il expérimenta fort peu;ensuite et surtout, il attacha son nom à une théorie, l'épiphénoménisme qui, dépassant les données de l'expérience,relève de la métaphysique et non de la psychologie telle qu'il la conçoit.Ses élèves du moins, par exemple Georges DUMAS, pratiquèrent une psychologie vraiment expérimentale et faisantabstraction des problèmes métaphysiques.
Sans doute, on peut douter que cette psychologie réponde totalementaux exigences des psychologues d'aujourd'hui.
Sous l'influence de pionniers, parmi lesquels RIBOT tient une placeimportante, la psychologie a couru, pour employer une expression de W.
JAMES, « une bordée matérialiste »; maisnous l'avons vue « virer de bord une fois de plus » : à la psychologie physiologique rêvée par notre auteur, sesubstituent des formes de recherche beaucoup plus compréhensives qui intègrent les procédés de la psychologied'autrefois; telles sont, par exemple, la psychologie de la conduite et la psychologie phénoménologique.
Néanmoins,ce changement ne va pas contre le programme formulé par RIBOT pour les psychologues de son temps : laconscience y occupait une place essentielle.
C'est seulement pour un avenir éloigné qu'il disait : « La psychologieentière sera physiologique » (Psychol.
all.
contemp., p.
33).
Sur ce point seulement il ne semble pas s'être montrébon prophète.
2.
Du point de vue doctrinal, sa position, telle du moins qu'elle se trouve exprimée dan: le texte que nousapprécions, n'exige guère de réserves.Il est légitime et même nécessaire de sérier les questions.
Dans l'exercice de la justice, les magistrats procèdentméthodiquement, établissant les faits, déterminant les responsabilités et appliquant la peine.
De même, il est sage,quand il s'agit de la connaissance de l'homme, de commencer par l'étude des faits, sans préconçue sur leurexplication dernière; les idées préconçues, en eh composent avec les données réelles et les déforment.
Il faut mêmeéliminer le plus possible la philosophie implicite contenue dans le langage pour revenir aux faits eux-mêmes, commetâchent de le faire les phénoménologues.
Ensuite seulement on disposera de données sûres pour l'élaboration d'unemétaphysique psychologique..
»
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