La psychologie du caractère apporte-t-elle une confir-mation ou un démenti à cette pensée d'Amiel : « L'hom¬me n'est que ce qu'il devient, vérité profonde; l'hom¬me ne devient que ce qu'il est, vérité plus profonde encore »?
Publié le 15/09/2014
Extrait du document
«
de son âge.
C'est peu à peu que l'homme devient ce qu'il sera.
Son développement physique donne à son corps une stature et
une tournure caractéristiques.
Les multiples expériences qu'il
fait dans ses rapports avec les choses et avec les hommes
ébauchent les linéaments
de ses premières idées.
Surtout il
se laisse
former par ceux qui l'entourent, héritant de la sagesse
accumulée de nombreuses expériences
et aussi de préjugés
qu'impose le
milieu.
Plus tard, devenu adulte, de tout cet amas
de connaissances
et d'habitudes, il tâchera, s'il est réfléchi, de
faire une synthèse logique: ce sera lui, le terme d'une longue
évolution
partie de quelque chose qui, en somme, n'était pas lui.
Ainsi comprise, la pensée d'Amiel est évidente: c'est une
vérité de bon sens.
Mais précisément, il n'est pas vraisemblable
qu'un
esprit de la finesse de ce contemplatif se soit arrêté à
une pensée si banale et surtout l'ait trouvée profonde.
Sous les
mots, il
doit donc y avoir autre chose.
2.
L'homme n'est que ce qu'il devient, ne signifierai-t-il pas
que l'homme
n'est que ce qu'il se fait, ce qu'il devient par lui
même: en définitive, l'homme serait quelqu'un dans la mesure
où il est - en enlevant à ce mot tout ce qu'il a de péjoratif -
un parvenu; il n'y aurait en nous de vraiment à nous que ce qui
est notre œuvre.
" Ne t'enorgueillis d'aucun avantage étranger, dit Epictète.
Si le cheval s'enorgueillissant disait: "Je suis beau'" ce serait
supportable; mais toi, quand tu dis avec orgueil : "J'ai un beau
cheval
'" sache que c'est des qualités du cheval que tu t'enor
gueillis.
Qu'y a-t-il donc là de tien?" Il faut aller plus loin.
Il n'y a pas lieu d'être fier de sa beauté, de sa naissance, de
son
intelligence : ces dons, ainsi que le mot l'indique, nous
les avons reçus ; ils ne sont point notre œuvre.
li en est de
même de ce que nous sommes par
suite de tout le système
d'éducation
et d'instruction dont nous avons bénéficié ; nos
idées religieuses, morales, sociales, ne
sont pas nôtres: ce
sont celles de nos éducateurs.
Pour
devenir quelqu'un, nous
devons
faire d'une certaine manière la conquête personnelle
de ce que nous avons reçu sans
effort, et, mieux encore, nous
approprier de nouveaux royaumes à la pointe de
l'épée: nous
sommes ce que nous devenons, ce que nous nous faisons.
Cette
ambition de devenir quelque chose par soi-même, Cyrano l'ex
primait bien par le vers connu :
Ne pas
monter bien haut, peut-être, mais tout seul..
»
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