LA PROBLÉMATIQUE DU FONDEMENT DE LA MORALE - LA LIBERTÉ
Publié le 18/01/2020
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Descartes et le libre arbitre
Descartes a répondu à ces questions dans la Quatrième Méditation :
« Il n’y a que la volonté seule ou la seule liberté du franc arbitre que j’expérimente être en moi si grande que je ne conçois point l’idée d’aucune autre plus ample et plus étendue : en sorte que c’est elle principalement qui me fait connaître que je porte l’image, et la ressemblance de Dieu. Car encore qu’elle soit incomparablement plus grande dans Dieu, que dans moi, soit à raison de la connaissance et de la puissance, qui s’y trouvant jointes la rendent plus ferme et plus efficace, soit à raison de l’objet, d’autant qu’elle se porte et s’étend infiniment à plus de choses; elle ne me semble pas toutefois plus grande, si je la considère formellement et précisément en elle-même : car elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose, ou ne la faire pas, c’est-à-dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir, ou plutôt seulement en ce que pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l’entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu’aucune force extérieure nous y contraigne. Car afin que je sois libre, il n’est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l’un ou l’autre des deux contraires, mais plutôt d’autant plus que je penche vers l’un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s’y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l’intérieur de ma pensée, d’autant plus
- L’ÂNE DE BURIDAN
- MÉTAPHYSIQUE DE LA LIBERTÉ
- L’homme libre La liberté absolue
- La liberté dans la création
- La liberté dans la Nature
- La loi morale et la liberté
- À l’enseigne de la liberté : Descartes, Kant, Sartre
La loi morale et la liberté
La science pose en principe que tous les phénomènes naturels sont soumis à des lois et qu’il ne peut donc y avoir de liberté dans la nature. La morale au contraire postule le principe de la liberté humaine, c’est-à-dire la possibilité pour l’homme d’être l’auteur de ses actes.
« J’entends par liberté, au sens cosmologique, la faculté de commencer de soi-même un état dont la causalité n’est pas subordonnée à son tour, suivant la loi de la nature, à une autre cause qui la détermine quant au temps. » Kant, Critique de la raison pure, 1781.
Cette liberté ne peut d’aucune manière être mise en évidence d’après les lois de la nature : aucune expérience possible ne peut à proprement parler démontrer objectivement que nous sommes libres. La liberté ne peut être connue selon les critères de la science qui établit des lois : car formuler la loi d’une conduite libre ce serait dénier à cette conduite toute libre spontanéité, toute autonomie.
Ce qui nous découvre la liberté morale, c’est le devoir dont la racine se trouve en nous-mêmes (cf. Kant, Critique de la raison pratique, 1788). La loi morale s’adresse à nous au plus profond de nous-mêmes, sous la forme d’un impératif catégorique : tu dois. C’est ce : «tu dois» qui nous révèle notre liberté et notre indépendance à l’égard du mécanisme de la nature entière. Confrontés à l’obligation, nous découvrons ainsi notre liberté qui sans la loi morale nous serait restée totalement inconnue.
Nous voici parvenus à une situation diamétralement opposée à celle de l’âne de Buridan. L’âne était incapable de se décider entre deux partis apparemment égaux. L’homme, au contraire, se découvre capable, entre deux partis dont l’un est facile mais indigne, l’autre incomparablement plus difficile mais meilleur, de choisir coûte que coûte le meilleur. Le sujet moral se découvre libre de se soustraire aux lois de la nature.
Il se découvre libre de ne pas céder aux plus puissantes de ses pulsions ou, comme dit Montaigne, de ses «cupidités» : non seulement à celles qui ne sont ni naturelles ni nécessaires, comme sont «quasi toutes celles des hommes», mais à celles qui sont «naturelles» «comme l’accointance des femelles», enfin à celles qui sont «naturelles et nécessaires, comme le boire et le manger». L’âne de Buridan mourait de faim et de soif par irrésolution. L’homme peut se résoudre à mourir de faim et de soif, en parfaite connaissance de cause.
Pouvoir des mots et des images
«Un artiste dans le domaine de la politique peut, tout comme un artiste dans le domaine de l’esthétique, conduire et diriger le monde par les images qu’il sait faire miroiter aux lieu et place de la réalité (mundus vult decipi) : liberté du peuple (comme dans le Parlement anglais), ou hiérarchie et égalité (comme dans la Convention française) - toutes choses qui consistent en pures formules; il vaut mieux cependant posséder l’apparence d’un bien qui honore l’humanité que s’en sentir manifestement dépouillé. »
Kant, Anthropologie, III, p. 57.
À l’enseigne de la liberté : Descartes, Kant, Sartre
On peut s’étonner que Sartre, athée radical, se réfère à Dieu pour penser la liberté humaine. En vérité, Sartre reconnaît à Descartes le mérite d’avoir clairement conçu la liberté comme autonomie absolue, comme pure productivité; mais il conteste que cette liberté que Descartes attribue à Dieu seul, soit une prérogative divine.
Liberté et création ne font qu’un et, à ce titre, la liberté
«
L'ÂNE DE BURIDAN
L'exemple ou argument de «l'âne de Buridan 1 >> a
longtemps servi et peut servir encore à poser ou à illus
trer le problème de la liberté.
Présenté sous diverses formes,
il revient à supposer qu'un âne absolument libre placé à
égale distance de deux mesures d'avoine mourrait de faim
- ou que, sollicité avec la même force par une mesure
d'avoine et un seau d'eau, il mourrait à la fois de faim et
de soif.
Le scénario de« l'âne de Buridan» ne résout pas laques
tion de la liberté, il la pose; il en résume d'une manière
fictive toutes les ambiguïtés.
La plus évidente de ces ambiguïtés vient du fait que
l'exemple met en scène non pas une personne humaine,
mais un animal et non pas n'importe quel animal, mais un
âne.
Il s'agit donc ici d'une hypothèse d'école forgée sans
doute par les adversaires de Buridan : la liberté se confond
elle avec l'indifférence?
Pour être libre d'agir, dois-je être absolument indiffé
rent? Et si j'étais absolument indifférent, pourquoi agirais
je? En revanche, si je ne suis pas indifférent, c'est-à-dire si
L En réalité, bien qu'il soit attribué à Buridan, largument ne se trouve pas dans les écrits de ce célèbre philosophe qui fut au x1v< siècle recteur de l'université de Paris, et que, selon une tradition accréditée par Villon, Jeanne de Navarre aurait fait assassiner après l'avoir séduit :
«Pareillement où est la reine Qui commanda que Buridaf! Fût jeté en un sac en Seine Mais où sont les 11eiges d'alltan? ».
»
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