La «Préface de Cromwell» est-elle le manifeste romantique ?
Publié le 19/03/2011
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Matière. — Les principaux reproches adressés à la Préface de « Cromwell « sont que ce vaste pamphlet n'apparaît que comme une œuvre de circonstance, qu'il ne porte que sur le genre dramatique, c'est-à-dire sur le genre où les novateurs ont le moins réussi, que les théories exposées ne répondent pas aux œuvres qui ont paru dans la suite, et qu'enfin aucune des idées qu'exprime V. Hugo ne lui appartient en propre. Discutez.
Plan proposé : Introduction. — Jugements divers portés sur la Préface (cf. édition Souriau, les Idées de la Préface, § 16, p. 149 sq. ; Conclusion, p. 161, sq.). Un certain nombre de reproches sont aujourd'hui encore adressés au manifeste romantique. Examinons-les et discutons-les. I. — C'est une œuvre de circonstance. A) Objection.
«
B) Discussion.
Malgré ces incertitudes et ces contradictions passagères, il faut bien reconnaître qu'il y a deux très grands principesqui soutiennent la Préface toute entière et qui dépassent singulièrement un genre particulier.
1° « Tout ce qui est dans la nature est dans l'art.
»
Le romantisme est un effort vers la nature, vers la réalité.
L'art classique est idéaliste, l'art romantique réaliste : place du laid, du grotesque, etc.
2° « Il n'y a ni règles, ni modèles ».
L'artiste a droit à la liberté absolue, en tenant compte, bien entendu, car il est trop facile de pousser cela àl'absurde, des exigences impérieuses de l'art lui-même « des lois générales de la nature qui planent sur l'art toutentier, et des lois spéciales qui, pour chaque composition, résultent des conditions d'existence propres à chaquesujet ».
Cela signifie : pas de règles décrétées par des Scudéry et appliquées par des Campistron ; indépendance du génievis-à-vis des pédants et aussi de la critique.
On peut discuter ces théories.
Mais ce qu'on ne peut pas démontrer,c'est qu'elles s'appliquent au seul théâtre, et n'embrassent pas l'art tout entier.
III.
— Les œuvres qui ont paru par la suite ne répondent pas à la théorie.
Discussion : Il paraît difficile de trouver un art poétique dont les arrêts aient été rigoureusement exécutés par tousses adeptes, vrais ou supposés (exemple de Boileau).
IV.
— Aucune des idées qu'exprime V.
Hugo ne lui appartient en propre.
A) Critique
Cette prétendue poétique du romantisme n'est pas originale.
Elle doit beaucoup à Mme de Staël, à Chateaubriand, àSchlegel (Cours de littérature dramatique), à Stendhal (Racine et Shakespeare).
B) Discussion.
1° Il est inexacte de prétendre que le manifeste d'une école a pour caractère essentiel de ne rien devoir à sesprédécesseurs.
2° Hugo a marqué la Préface d'une empreinte très personnelle : elle est lyrique par le fond et par la forme.
Cela est conforme à ses théories : lyrisme au théâtre, lyrisme en histoire, lyrisme en critique.
Hugo substitue auxprocédés logiques ceux de l'imagination.
C) La Préface est le manifeste de Hugo plus que celui du romantisme.
1° Il est clair que la Préface, par certaines parties, lui appartiendra plus qu'il n'appartiendra aux romantiques.
2° Les romantiques, pourtant, se sont ralliés autour de la Préface.
Ils s'y sont reconnus, ils sont venus y prendreleur mot d'ordre et leurs arguments.
Il est donc très malaisé de dire, après coup, qu'ils ont eu tort, et qu'ils auraientdu laisser à Hugo ce qui n'appartenait qu'à Hugo.
Conclusion.
— La Préface de « Cromwell » a donc sa place indiquée à la suite des manifestes de du Bellay et deBoileau ; elle mérite d'être immortelle parce qu'elle marque une étape décisive dans l'histoire des lettres françaises..
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