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La politique est-elle morale ?

Publié le 01/04/2005

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morale
La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans les Etats modérés. Elle n'y est que lorsqu'on abuse pas du pouvoir : mais c'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites.             Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.»                                                            Montesquieu, De l'esprit des lois, livre XI, chapitre 4   ·         La solution réside dans la séparation des pouvoirs. Ainsi, bien qu'on ne puisse pas modifier le fait que tout pouvoir tend à abuser de son pouvoir, chaque pouvoir est en permanence confronté à un contre-pouvoir. La moralité ou le vice des dirigeants, qui se confondent puisqu'ils outrepassent tous les deux le respect des droits une fois au pouvoir, sont ainsi contenus.     Transition : Nous voyons que les abus de pouvoirs rendent peu souhaitable la moralité des politiques. Le mieux est qu'ils soient moralement neutres, et que nous ne jugions que leur travail.

La politique s’oppose à la morale, comme la philosophie à la naïveté.

 

Emmanuel Lévinas

 

            Cette phrase de Lévinas est paradoxale. Il est de sens commun que les hommes politiques sont des gens peu scrupuleux, et qui tendent facilement à abuser de leur pouvoir. La politique est-elle morale ? Que serait un dirigeant immoral ? Une telle personne ne serait pas soutenue par son peuple, et ne pourrait pas compter sur ses citoyens en temps de guerre. Et dans une démocratie, on pourrait s’attendre à ce que les votes ne favorisent pas une personne immorale. Cependant, la morale est l’ensemble des lignes d’actions qui permettent de gérer dans la paix les situations quotidiennes. Parce qu’elle permet de vivre ensemble (politeia signifie vivre-ensemble en grec), la morale à un rôle de politique de l’ordinaire. Mais la fonction politique, décision de guerre ou de paix, d’alliance ou de trahison, confronte celui qui la reçoit à des situations qui n’ont rien d’ordinaires, qui sont extraordinaires. Est-il possible, ou simplement souhaitable, que le dirigeant politique obéisse à la morale ? La fonction politique semble exiger une moralité exemplaire. Mais cette vertu porte peut-être en elle le principe de sa propre corruption, qui se révèle au contact du pouvoir, il serait alors bon de la limiter. Enfin, si le maintient du dirigeant politique dépend de l’image qu’il renvoie au peuple, ce n’est pas tant sa moralité qui est nécessaire, que l’apparence d’une telle moralité.

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« · Mais nous pouvons trouver des raisons plus pragmatiques.

Les dirigeants politiques, en raison de leur poste élevé, doivent être des exemples de moralité : qui reprocherait ses actes à un voleur si les gouvernants sonteux-mêmes de grands escrocs ? Ensuite, si la moralité fait partie des valeurs du peuple, le dirigeant n'aura pasleur soutien s'il ne partage pas ces valeurs. «A moins que, dis-je, les philosophes n'arrivent à régner dans les cités, ou à moins que ceux qui à présent sont appelés rois et dynastes ne philosophent de manière authentique et satisfaisante et que viennent à coïnciderl'un avec l'autre pouvoir politique et philosophie ; à moins que les naturels nombreux de ceux qui à présent setournent vers l'un et vers l'autre n'en soient empêchés de force, il n'y aura pas, mon ami Glaucon, de terme auxmaux des cités ni, il me semble, à ceux du genre humain.» Platon, République , V, 473d-e · Pour Platon, le philosophe est celui qui atteint la connaissance du bien en soi.

C'est en cela que c'est un être profondément moral.

Et parce que cette connaissance est la plus à même de servir les intérêts de tous,qu'ils soient égaux ou non (n'oublions pas que Platon ne défend pas la démocratie), que la moralité doit être l'unedes caractéristiques du politique. Transition : Mais ce n'est pas parce que le politique a des raisons d'être moral qu'il le sera : le devoir-être n'est pas synonyme de l'être.

Il se pourrait qu'entre les mains d'un homme prenant des décisions extraordinaires, la moraleordinaire ne soit d'aucun secours, ou qu'elle devienne perverse.

La question est de savoir si une telle moralité estconciliable avec l'exercice du pouvoir.

II – La moralité du dirigeant pourrait nuire si elle était permise · On s'imagine qu'un homme pernicieux, s'il accédait à une fonction politique, utiliserait son pouvoir pour satisfaire ses moindres caprices, se transformant en tyran.

Mais c'est également vrai dans le cas d'un homme quise veut vertueux : il utiliserait son pouvoir pour promouvoir sa vertu, outrepassant le droit de regard qu'on peutavoir sur la vie privée.

Il existe ainsi, dans certains Etats des USA, des lois qui interdisent la sodomieconsentante jusque dans le lit conjugal.

Ces lois, impraticables, dépassent visiblement le respect de la vieprivée, en promouvant sans doute la vertu de législateurs chrétiens qui tiennent cette pratique sexuelle pourvicieuse. · On voit donc que la moralité d'un homme politique peut nuire au peuple lorsqu'il se met en tête d'utiliser son pouvoir pour promouvoir cette moralité.

Car il y a alors confusion du droit (juridique, lois) et du devoir (éthique,moeurs).

Le premier doit être impérativement respecté par tous les citoyens, sous peine de sanction, maisl'infraction au second ne constitue pas un crime.

Dès lors qu'un homme politique exerce son pouvoir, presque rienne distingue le vicieux du vertueux. «La démocratie et l'aristocratie ne sont point des états libres par leur nature.

La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés.

Mais elle n'est pas toujours dans les Etats modérés.

Elle n'y est que lorsqu'onabuse pas du pouvoir : mais c'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à enabuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites.

Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites.

Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête lepouvoir.» Montesquieu, De l'esprit des lois , livre XI, chapitre 4 · La solution réside dans la séparation des pouvoirs.

Ainsi, bien qu'on ne puisse pas modifier le fait que tout pouvoir tend à abuser de son pouvoir, chaque pouvoir est en permanence confronté à un contre-pouvoir.

Lamoralité ou le vice des dirigeants, qui se confondent puisqu'ils outrepassent tous les deux le respect des droitsune fois au pouvoir, sont ainsi contenus. Transition : Nous voyons que les abus de pouvoirs rendent peu souhaitable la moralité des politiques.

Le mieux est qu'ils soient moralement neutres, et que nous ne jugions que leur travail.

Mais nous avons passé sur la questionsuivante : la moralité est-elle seulement possible dans la fonction politique ? III – La fonction politique rend la morale impraticable au dirigeant politique «Il n'est donc pas absolument nécessaire qu'un Prince ait toutes les bonnes qualités dont nous avons parlé jusqu'ici ; mais il est nécessaire qu'il paraisse les avoir.

Je dirai même que s'il les mettait en usage, elles luinuiraient ; mais elles lui serviront, si on est seulement persuadé qu'il les a.

Il est par conséquent nécessaire deparaître pitoyable, fidèle, doux, religieux et droit ; et il faut l'être en effet ; mais il faut rester assez maître de soipour se montrer tout différent si c'est nécessaire.

Je suis persuadé qu'un Prince, et surtout un Prince nouveau, nepeut impunément exercer toutes les vertus, parce que l'intérêt de sa conservation l'oblige à agir contre l'humanité,la charité et la religion.

Ainsi, il doit prendre le parti de s'accommoder aux vents et aux caprices de la Fortune, de semaintenir dans le bien, s'il le peut, mais d'entrer dans le mal, s'il le doit.» Nicola Machiavel, Le Prince, Chapitre XVIII. »

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