La politique est-elle l'affaire de tous ?
Publié le 17/01/2022
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requiert des compétences spécifiques.
Mais le problème d'une professionnalisation de la politique ne date pas de lamondialisation : Platon évoque déjà longuement ce problème.
Les sophistes : la politique est l'affaire des habiles.
La question de la politique est un des aspects du conflit entre Socrate et les sophistes : ceux-ci vivent de ladémocratie pour mieux la détourner de son esprit ; pour eux, la politique n'est pas l'affaire de tous mais doit leparaître.
L'éloquence qu'ils pratiquent est un art de l'apparence et de la séduction, qui flatte les passions de lafoule.
Les habiles captent donc le pouvoir ; pour un sophiste comme Calliclès, c'est la preuve que la politique est,dans le fond, l'affaire des plus forts.
Platon : la politique est l'affaire du philosophe.
Dans la République, Platon propose au contraire le modèle d'une cité gouvernée par des philosophes ; la politique nedoit pas être l'affaire des habiles mais celle des sages.
La foule restera toujours soumise à ses passions, lephilosophe au contraire a réussi à s'élever au-dessus d'elles et à contempler la vérité et la justice.
Platon sait bienqu'une telle forme idéale ne peut presque jamais apparaître et qu'elle serait toujours rongée par des facteurs dedécadence ; mais il n'en demeure pas moins que, pour lui, le slogan selon lequel la politique est l'affaire de tous nepeut mener une société qu'à sa perte.
« Tant que les philosophes ne seront pasrois dans les cités, ou que ceux qu'onappelle aujourd'hui rois et souverains neseront pas vraiment et sérieusementphilosophes [...] il n'y aura de cesse auxmaux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre humain.
»
Ainsi que le rappelle Léo Strauss en tête de son ouvrage « La cité et l'homme », la tradition tient Socrate pour le fondateur véritable de la philosophie politique.
Cicéron aurait dit de lui qu'il « fut le premier à faire descendre la philosophie du ciel pour l'établir dans les cités, pour l'introduire également dans les foyers, et pour l'obliger à fairedes recherches sur la vie et les manières des hommes aussi bien que sur le bien et le mal ».
en ce sens, il n'est pas d'histoire de la pensée politique qui ne doive commencer avec ce livre majeur que constitue la « République ».
Rédigé par Platon , ce livre expose la conception de la justice de Socrate .
Tout y est présenté sous la forme habituelle mais hautement complexe du dialogue.
Répondant aux questions de ses interlocuteurs, Socrate développe une image de la cité idéale.
Socrate n'est-il que le porte-parole de Platon , un simple personnage dont le philosophe se sert pour exprimer ses propres idées tout en restant masqué ? A l'inverse, Platon n'est-il rien d'autre que le fidèle secrétaire du maître dont il se contente de noter scrupuleusement la pensée ? Et dans ce jeu mobile etcontradictoire où s'enchaînent et s'entraînent questions et réponses sans que l'ironie soit jamais totalementabsente, est-il seulement légitime de dégager une doctrine ? Derrière la fausse simplicité d'une conversation entrephilosophes, l'art du dialogue soulève d'insurmontables difficultés qu'il nous faudra ici ignorer pour tenter de cernerl'image du politique qui se dégage de la « République ».
Dans cet ouvrage, Socrate présente donc l'idée qu'il se fait de la cité idéale.
Il décrit une société fortement hiérarchisée au sein de laquelle les « gardiens » forment une classe dans laquelle règne une communauté parfaite. Au livre V, Glaucon , qui est l‘un de ses principaux interlocuteurs, demande à Socrate si une cité aussi parfaite que celle qu'il a décrite peut exister dans la réalité.
Avec beaucoup de prudence, car il sait ce que sa réponse peut avoirde ridicule et de scandaleux, Socrate répond qu'une seule réforme est nécessaire à qui veut changer radicalement la société: il suffit que se conjuguent le pouvoir politique et la philosophie.
Socrate déclare : « Tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités, ou que ceux qu'on appelle aujourd'hui rois et souverains ne seront pasvraiment et sérieusement philosophes ; tant que la puissance politique et la philosophie ne se rencontreront pasdans le même sujet ; tant que les nombreuses natures qui poursuivent actuellement l'un ou l'autre de ces buts defaçon exclusive ne seront pas mises dans l'impossibilité d'agir ainsi, il n'y aura de cesse, mon cher Glaucon , aux maux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre humain, et jamais la cité que nous avons décrite tantôt ne seraréalisée, autant qu'elle peut l'être, et ne verra la lumière du jour.
Voilà ce que j'hésitais depuis longtemps à dire, prévoyant combien ces paroles heurteraient l'opinion commune.
Il esten effet difficile de concevoir qu'il n'y ait pas de bonheur possible autrement, pour l'Etat et pour les particuliers.
»
Socrate va s'attacher à justifier une proposition qui, aux yeux de ses interlocuteurs, ne peut être reçue que comme un insoutenable paradoxe.
Pour ce faire, il entreprend de construire une définition de la philosophie.
En ce sens, la « République » est autant un traité de la philosophie qu'un traité de la politique.
Par là même se marque combien, aux yeux de Platon , sont indissociables ces deux dimensions : celle du savoir et celle du pouvoir.
Encore faut-il s'entendre sur ce que sont les « vrais philosophes ».
Socrate les présente comme « ceux qui aiment.
»
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