La politique doit-elle tenir compte de la morale ?
Publié le 17/03/2004
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1 Quelle est la limite du pouvoir de l'État ? 2 La liberté est-elle une menace pour l'État ? 3 La paix et la sécurité sont-elles nécessaires à l'État ? Réponses: 1 - Le jugement de la saine raison : l'État ne peut aller jusqu'à adopter des mesures qui nuiraient à son autorité même. Et la liberté des individus, qui doit être préservée dans une certaine mesure. 2 - Elle en est la finalité : un État n'est légitime que s'il a la liberté pour fin. La difficulté est que certains usages de la liberté remettent en question l'autorité de l'État ainsi que la paix. 3 - Oui, mais uniquement en tant que moyens, conditions indispensables permettant à l'homme d'être libre. Ce serait une perversion inacceptable que d'en faire des fins en soi, car on inverserait alors l'ordre des priorités. La morale, critique de la politique.
L'etat ayant pour finalité le bonheur de tous les citoyens, il serait contradictoire qu'un gouvernement ait recours à des moyens immoraux pour conquérir le pouvoir ou s'y maintenir.
MAIS...
L'histoire montre qu'aucun Etat ne peut survivre sans le recours à la force. Il est donc légitime d'employer tous les moyens, même immoraux, pour gouverner.
«
lesquels pourra se fonder une action politique.
Sa conclusion est claire : on ne fait pas de bonne politiqueavec de bons sentiments.Il n'est pas important pour le « Prince » d'être bon ou de ne pas l'être.
Celui-ci doit avoir la ruse du renard «pour connaître les filets » et la force du lion « pour faire peur aux loups ».
L'exemple à suivre est celui del'empereur Sévère qui « fut un très féroce lion et un très astucieux renard ».« Il faut donc savoir qu'il y a deux manières de combattre, l'une par des lois, l'autre par la force ; la premièreforme est propre aux hommes, la seconde propre aux bêtes ; comme la première bien souvent ne suffit pas, ilfaut recourir à la seconde.
Ce pourquoi est nécessaire au Prince de savoir bien pratiquer la bête et l'homme.
»La même idée que la fin justifie les moyens est exprimée dans les « Discours » : « Un esprit sage necondamnera jamais quelqu'un pour avoir usé d'un moyen hors des règles ordinaires pour régler une monarchieou pour fonder une république.
Ce qui est à désirer, c'est que si le fait l'accuse, le résultat l'excuse.
»Ce réalisme, bien loin de la morale humaniste ou de la morale chrétienne, apparaît, à première vue, tout à faitdénué de machiavélisme.
Dans son acception courante, ce terme évoque, en effet, des manoeuvrestortueuses, le recours au secret.
Rien de tout cela ici, mais seulement un exposé lucide dans lequel il n'estpas toujours facile de percevoir la marge d'ironie.
Ce « machiavélisme » apparaît cependant dans les conseilscomplémentaires.
Le prince doit « savoir entrer dans le mal s'il y a nécessité », mais il veillera cependant àsauver sa réputation.
Il fera prendre les mesures impopulaires par quelqu'un d'autre, se réservant celles quiont la faveur du peuple.
Il sera renard : « Mais il est besoin de savoir bien colorer cette nature, bien feindreet bien déguiser.
» Machiavel ajoute que les hommes sont si simples et tant soumis aux nécessités du présentque celui qui trompe trouvera toujours quelqu'un prêt à se laisser tromper.
Il importe donc avant tout depréserver ce que l'on n ‘appelait pas encore son « image de marque » : « il n'est donc pas nécessaire à unPrince d'avoir toutes les qualités dessus nommées, mais bien il faut qu'il paraisse les avoir.
»Un exemple parmi d'autres de ces pratiques, qui laissa Machiavel frappé de stupeur, mais sans doute aussiadmiratif : César Borgia, pour faire régner l'ordre en Romagne, donna toute puissance à l'un de ses hommes deconfiance connu pour être cruel & expéditif.
La paix établie, pour éviter que l'opprobre ne s'attache à sapropre personne, il fit exécuter l'officier, exposant son corps coupé en deux morceaux sur une place publique.Bel exemple de duplicité et de détermination.
Borgia possédait la « virtù ».Le Prince ne se souciera donc pas de ce qu'exige la morale, mais il veillera à manipuler l'opinion pour asseoir saréputation.
La chose est aisée du fait de la crédulité du peuple.
« Les hommes, en général, jugent plutôt auxmains qu'aux yeux.
»« Qu'un Prince donc se propose pour but de vaincre, et de maintenir l'État ; les moyens seront toujoursestimés honorables et loués de chacun ; car le vulgaire ne juge que de ce qu'il voit et de ce qui advient ; oren ce monde il n'y a que le vulgaire ; et le petit nombre ne compte pour rien quand le grand nombre a de quois'appuyer.
»
Rousseau estime que ce penseur politique a été encore plus subtilement machiavélique qu'on ne le pense.
Enfaisant semblant de donner des conseils à un prince sur la façon de manipuler les foules, il aurait en faitdévoilé aux peuples la manière dont ils sont grugés : « En feignant de donner des leçons aux rois, il en adonné de grandes aux peuples.
Le Prince de Machiavel est le livre des républicains.
»Spinoza pensait déjà de même : « Peut-être Machiavel a-t-il voulu montrer qu'une masse libre doit, à toutprix, se garder de confier son salut à un seul homme [...] Cette dernière intention est, quant à moi, celle queje serais porté à prêter à notre auteur.
Car il est certain que cet homme si sagace aimait la liberté et qu'il aformulé de très bons conseils pour la sauvegarder.
»
Un État doit être fort pour survivreIl ne faut toutefois pas croire que Machiavel ou que Hobbes fasse l'éloge du despotisme en soi.
Pour eux, lafinalité de l'État, c'est de garantir la sécurité et la liberté des citoyens.
Mais pour cela, il doit être en mesurede conserver le pouvoir et donc être fort.
Un État est toujours menacé par des ennemis intérieurs ouextérieurs.Hobbes montre que:• parce que l'homme est poussé par un insatiable appétit de domination et qu'il cherche aussi à se protégercontre les agressions d'autrui par des actions préventives, la situation (« état de nature ») qui précède la vieen société se ramène à une guerre perpétuelle ;• la paix entre les hommes ne peut être obtenue que si tout le monde se soumet à une autorité (« un pouvoircommun ») qui contraint (« les tient en respect ») les hommes à ne plus attenter à la vie d'autrui.
Le passage de l'état de nature à la société se présente comme le remplacement d'une crainte par une autre.Dans l'état de nature, l'homme craint son semblable qui peut à chaque instant le tuer ou le déposséder.
Dansla vie en société, l'individu craint un pouvoir fort qui garantit sa sécurité mais qui lui demande une obéissancequasi absolue.Pour que ce passage de l'état de nature à la société puisse avoir lieu, il est donc nécessaire que soit mis fin à« la guerre de chacun contre chacun » par un contrat « de chacun avec chacun ».Les préférences de Hobbes vont à la monarchie absolue (la souveraineté dans la main d'un seul), mais ellesvont, d'une manière plus générale, à un pouvoir concentré et fort.
A choisir entre une monarchieparlementaire, où la souveraineté est partagée entre le parlement et le roi, et une démocratie dans laquelle lasouveraineté serait effectivement et uniquement détenue par l'ensemble du peuple, il opterait pour ce derniersystème.
Même les pays démocratiques contemporains admettent le principe de la «raison d'État».
»
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