La poésie pleure bien, chante bien, mais elle décrit mal. (Lamartine.)

« LA POÉSIE 145 fI.

Mais elle est aussi capable de décrire et elle peut rivaliser avec la peinture.

1.

On comprend que Lamartine le conteste.

Bien qu'il ait fait d'admirables descriptions et des tableaux superbes, Millej, Les chênes, Jocelyn, il n'est pas sensible comme Hugo à la couleur, au pittoresque, aux contours des choses.

Il est sou- vent vague et vaporeux, surtout dans les Méditations.

La nature parle à son coeur, il ne la voit pas en artiste désinté- ressé.

Mais d'autres ont su la voir et la faire voir Hugo, Th.

Gautier, Leconte de Lisle.

2.

Peut-être l'amour excessif du précis et du pittoresque entraînerait-il la poésie dans une fausse voie.

Les Symbolistes l'ont pensé De la must que avant toute chose.

(Verlaine, Art poétique°.) Ils chercheront l'indécis, la nuance, rien que la nuance.

3.

Avouons que si la poésie veut se faire l'émule de la pein ture, elle paraîtra facilement inférieure.

Les tableaux parlent direc- tement aux yeux.

Le moindre croquis fait voir immédiatement et nettement les formes des objets et tout un ensemble.

La poésie emploie les mots, qui s'adressent à l'imagination et à l'esprit du lecteur.

Celui-ci doit faire comme un travail de reconstruction....

De plus,, les traits se juxtaposent dans une description.

Si vous êtes complet, vous lassez; si vous ne l'êtes pas, comment se représenter ce que vous voulez peindre? 4.

Aussi le poète, bien plus que le peintre, doit-il choisir.

Quelques traits lui suffiront.

Il évoque, il suggère, plutôt qu'il ne peint.

Tel vers vaut mieux qu'une longue description.

L'onde était transparente, ainsi qu'aux plus beaux jours.

(La Fontaine.) Les grands chars gémissants qui reviennent é.' soir....

(Hugo.) III.

Même quand elle décrit, C'est pour exciter en nous une émotion tristesse, joie, accablement, etc.

Exemples : L'isolement (Lamartine), Mignonne (Ronsard), Midi (Leconte de Lisle).

Donc, sans prétendre que la poésie décrit nécessairement mal, reconnaissons que Lamartine n'a pas tout à fait tort.

1.

Cf.

explication de cette poésie (n° 118).. »