La philosophie s'accorde-t-elle avec la religion ?
Publié le 27/02/2005
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Spinoza, dans le Traité Théologico-Politique, illustre cette position de façonexemplaire.
Au commentaire traditionnel, lecture inspirée des textes sacrés,régie par les dogmes et l'autorité ecclésiale, ou encore au travail dedévoilement du sens caché des textes sacrés, Spinoza substitue l'étude desconditions d'apparition du religieux dans ses textes et dans ses gestes.
Lanouvelle méthode d'interprétation qu'il élabore « ne diffère en rien de laméthode d'interprétation de la nature».
Spinoza s'attache à déterminer lesconditions philosophiques et sociales dans lesquelles les textes de l'AncienTestament ont été écrits.
Dans cette logique, Spinoza combat les exégètesspéculatifs et les théologiens.
Bien qu'il détermine les limites de laconnaissance par l'infinité des attributs de Dieu inconnaissable, en dehors dela pensée et de l'étendue, nous pouvons avoir l'idée claire et distincte, c'est-à-dire adéquate, de Dieu.
Un savoir philosophique sur Dieu est possible.Cependant, pour Spinoza, il n'y a pas de substance métaphysique du religieux; la foi chrétienne est de l'ordre du comportement pratique; la théologie serésume à une pratique religieuse, régie par des principes tels que l'obéissanceou l'amour du prochain, susceptibles de conduire au salut {ibid., chap.
XIV).Spinoza rompt avec la théologie antérieure, qui se définissait elle-mêmecomme savoir.Cette critique de la théologie comme savoir est développée dans l'appendice du Livre I de l'Éthique.
Spinoza montre qu'on ne peut penser la liberté divine en terme de libre arbitre que si onsuppose la suprématie d'un Dieu créateur sur sa création, et partant la contingence du monde et de l'histoire.Spinoza récuse l'implication qui s'en suit : mettre l'inconstance dans la puissance de Dieu, puisqu'il aurait pu créerautre chose.
Une telle idée porte atteinte à sa puissance qui serait limitée par des modèles de possibilité.
De même,la volonté, toujours déterminée par une cause extérieure, ne peut faire partie de l'essence de Dieu.
Si Dieu peutêtre dit libre, c'est précisément parce qu'il est déterminé par la seule nécessité de sa nature.
La théologie reposesur le présupposé d'un sens de l'histoire.
Le christianisme est considéré comme le moteur de l'histoire et comme lecentre qui l'explique et vers lequel tout converge.
Le devenir du monde ne s'explique pas par une finalité del'histoire, mais par l'impulsion des forces qui composent entre elles ou se détruisent.Spinoza critique enfin l'amour de Dieu au sens chrétien.
Il ne saurait y avoir d'affect en Dieu, parce qu'il n'y a en luini passivité ni contradiction.
Or l'amour est lié à la haine.
L'amour intellectuel de Dieu, pour Spinoza, est consécutif àune connaissance de l'ensemble des causes et de leurs liens et s'éprouve au troisième genre de connaissance.Spinoza s'interroge aussi sur le fonctionnement du pouvoir ecclésiastique et découvre les liens qu'il entretient avecle pouvoir politique.
Les églises utilisent souvent la crédulité humaine et font de la superstition un moyen d'exercerune pression constante sur les hommes.
C'est pourquoi le pouvoir politique les exploite largement.L'écart entre philosophie et religion est ici porté à son maximum.
La philosophie en tant que savoir absolu, quicorrespond à la connaissance de l'idée adéquate de Dieu, est au-delà de la religion.
À la limite, la philosophie n'a rienà voir avec la religion, mais elle sait que la religion demeurera aussi longtemps que l'humanité, car l'homme est unêtre de passions.
Il est affecté, touché par les rencontres avec les autres corps et sa puissance d'agir s'en trouveaugmentée ou diminuée.
Telle est sa condition.
Il est donc faux de vouloir le déterminer par la seule raison.
III.
La philosophie ne s'interroge pas seulement sur la valeur de la religion, mais aussi sur le pouvoir et leslimites de la raison
Mais la philosophie ne permet pas seulement de comprendre la nécessité de la religion, elle aide aussi la religion àdemeurer dans les limites du raisonnable, en dehors des égarements dus à l'imagination qui la conduisent à sombrerdans ce que Kant appelle « la folie religieuse », déploiement de superstitions et d'idolâtries, auxquelles tant degroupes religieux se laissent aller..
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