La philosophie de Martin Luther
Publié le 22/02/2012
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contraire, le courage d'affronter la défaveur publique par amour de la pureté de la doctrine évangélique.
Plus d'unhumaniste, tel Melanchthon, devinrent ses amis les plus proches, d'autres, tel Érasme, à qui une convictionreligieuse absolue faisait défaut, se détachèrent de lui, recherchant un compromis entre la Réforme et l'Églisecatholique.
Menant une vie de labeur acharné et entièrement désintéressé (sic !), Luther ne poursuivait ni le bonheur ni lagloire, et lorsqu'en 1525, en dépit de soupçons qui persistent, il se maria, ce fut sans l'espoir d'une félicité durable.Malade et âgé de quarante et un ans, il croyait sa mort proche : il s'agissait pour lui, avant tout, d'enseigner parl'exemple qu'un prédicateur de l'Évangile peut, comme tout autre, prendre femme sans vain scrupule.
Sa maison, quidevint une bénédiction pour sa famille, aussi bien que pour les nombreux hôtes de sa table, allait servir de modèle àd'innombrables presbytères évangéliques, où régnait une vie de piété et d'amour, embellie par la musique et les joiesintellectuelles : c'est là qu'il se montrait dans toute sa cordialité sereine, parfois obscurcie, au-dehors, par sonopiniâtre combativité et la mélancolie.
A l'opposé d'autres grands théologiens, tels Thomas d'Aquin ou Calvin, Luther n'a jamais essayé de donner à sathéologie la forme d'un système dogmatique : la sienne était celle d'un professeur d'exégèse, d'explication vivantede la parole divine, à l'intention des hommes de son temps.
A travers l'abondance de l'expression verbale,transparaît un enseignement d'une simplicité et d'une unité imposantes : comme au temps de son stage monacal,Luther a été, sa vie durant, pénétré d'une profonde vénération de la majesté divine, devant laquelle nul homme nepeut invoquer ses œuvres ou ses mérites ; séparés de la sainteté de Dieu, par notre imperfection et nos péchés,nous dépendons entièrement de sa grâce.
Mais la foi et la gratitude, que lui inspire l'amour de Dieu, doivent menerl'homme vers le dévouement actif envers ses frères, aussi bien dans la vie privée que dans la vie publique.
Luthern'énonce aucune loi ecclésiastique ou naturelle, sur laquelle il doive régler sa conduite ; il lui enseigne seulement defaire ce que sa fonction exige de lui et ce dont il peut, sur sa conscience, répondre devant Dieu.
Il demandait àchacun l'obéissance et une collaboration consciente aux affaires de l'État et des Communes, et ce n'est pas de safaute si, plus tard, à l'époque de l'État absolutiste, ses disciples ont parfois oublié, au profit de l'obéissance, lesavertissements et les blâmes qu'il avait si souvent adressés, avec une gravité prophétique, aux puissants de sontemps.
Encore qu'il se soit absolument refusé à maintenir la tutelle médiévale de l'Église sur l'État, il étaitpassionnément préoccupé par tous les problèmes de la vie publique, et a, dans plus d'un écrit, fait des propositionsvisant à l'institution d'un régime juridique matrimonial, à la fondation d'écoles, à la création d'une économie saine, àl'organisation d'une assistance aux pauvres ; tout cela, à la manière non pas d'un nouveau pape, mais d'un citoyenchrétien.
Il la défense de la patrie, mais condamnait toute guerre d'agression et toute guerre menée au nom duChrist.
Luther a inauguré une nouvelle époque de la langue allemande.
Sa traduction de la Bible, commencée en 1522 par leNouveau Testament, achevée en 1534 par l'édition de l'Écriture sainte tout entière, est un miracle decompréhension et de poésie.
C'est par elle que les Allemands, qui parlaient jusqu'alors un grand nombre de dialectesrégionaux, à peine compréhensibles hors du domaine de chacun d'eux, apprirent une langue unitaire, et les poètesd'Allemagne devaient sans cesse revenir à cette source intarissable.
La poésie de Goethe, notamment, est toutepénétrée par la langue de la Bible de Luther.
Lorsque Luther, étant allé rétablir la paix dans la maison du comte de Mansfeld, à Eisleben, mourut, le 18 février1546, dans sa ville natale, des nuages menaçants couvraient le ciel.
Peu après, Charles Quint se lança dans laguerre, préparée de longue main, contre les Protestants et, pour commencer, les écrasa.
C'est alors qu'il apparutque la réforme luthérienne n'était pas une affaire des princes, qui, une fois battus et emprisonnés ne pouvaient plusrien pour elle, mais une affaire de cœur des nombreux prédicateurs évangélistes et des masses populaires.
Par leurfidélité à leur foi, au mépris des persécutions, ils ont créé les conditions d'une renaissance du protestantisme, unefois les circonstances politiques changées, et lui ont permis de conquérir, en 1555, à Augsbourg, la première trêvereligieuse durable.
Bien qu'elle ait continué de s'étendre, la Réformation ne s'est pas imposée à toute l'Allemagne ; par endroits, lacontre-réforme la refoula même, surtout par la violence au cours de la guerre de Trente ans.
Depuis, l'Allemagne est restée divisée en deux camps religieux, source de longues luttes politiques etconfessionnelles, mais aussi d'une puissante émulation entre les forces spirituelles et morales.
Bon nombre decatholiques savent aujourd'hui que, si Luther, autrefois considéré par eux comme un séducteur diabolique, a causé àleur Église une lourde perte, il les a, en revanche, contraints à un approfondissement de leur vie religieuse.
Malgréles désaccords dogmatiques, l'opinion des uns et des autres a enfin reconnu la profondeur de sa foi et l'intégritéabsolue de sa vie personnelle ; et même il faut attribuer son excessive violence envers ses adversaires à la hâtepassionnée qu'il mettait à effacer les taches qui défiguraient l'Église du Christ et à la voir préservée de touteflétrissure.
A l'origine simple réformateur de la théologie et de la piété, Luther, par son œuvre puissante, a fait naître un mondenouveau de la politique et de la pensée.
L'idée du Saint Empire romain s'est effondrée, parce que l'Empereur lepoursuivit comme hérétique et fit de la lutte religieuse une lutte politique armée.
Ainsi la Réformation devint l'alliéede l'État national souverain, qui caractérise, par opposition au moyen âge, l'époque moderne.
L'abolition du dogmede l'infaillibilité de l'Église romaine devait, d'autre part, conduire à la formation d'une science fondée sur la seulevérité.
Sans le bouleversement spirituel dû à Luther, on ne saurait imaginer ni la philosophie, ni les scienceshistoriques et naturelles modernes, ni Grotius, ni Descartes, ni Hume, ni Rousseau, ni Leibniz, ni Kant, ni Goethe..
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