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La philosophie de Karl Popper: la science et la falsification en épistémologie

Publié le 26/03/2015

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Soit la proposition : tous les cygnes sont blancs.
 
Je peux, attitude empiriste, essayer de vérifier la proposition en faisant des observations autour des lacs, à Londres ou ailleurs.
 
Je vais observer, je vais accumuler dix mille, cinquante mille, cent mille cas de cygnes blancs, et j'aurai de plus en plus le sentiment que la proposition est, sinon absolument certaine, du moins de plus en plus probable.
 
J'aurai accumulé ce que je prends pour des vérifications.
 
Bien évidemment, je ne parviens pas de cette manière-là --- c'est le scepticisme de Hume --- à une certitude absolue, mais enfin il m'apparaît comme probable que tous les cygnes sont blancs.
 
En revanche, dit Popper, si je vois un seul cygne noir --- et il existe bel et bien des cygnes noirs ---, qui plus est à bec rouge, alors je sais absolument et une fois pour toutes que la proposition «tous les cygnes sont blancs« est fausse.
 
Là, voyez-vous, j'ai une certitude absolue.
 
c'est qu'on y voit apparaître l'une des thèses centrales de Popper : il y a dissymétrie entre le vrai et le faux.
 
Si je n'ai jamais de certitude absolue s'agissant de la vérité --- et vous verrez comment cette thèse poppé-rienne antidogmatique aura des conséquences politiques antitotalitaires : un des grands reproches que fera Popper au marxisme, à la prétendue «science de l'histoire«, c'est qu'elle affirme à tort détenir une vérité scientifique absolue sur la politique ---, s'il n'y a jamais, donc, de certitude absolue s'agissant de la vérité, en revanche, s'agissant de l'erreur, je puis être absolument certain.
 
Je suis totalement certain que la proposition «tous les cygnes sont blancs« est fausse.
 
Dissymétrie entre l'erreur et la vérité.
 
J'ai fait l'hypothèse --- voilà la conjecture --- que tous les cygnes étaient blancs.
 
J'ai installé un test, non pas de vérification, mais de falsification de cette hypothèse, j'ai fait le tour des lacs de Londres, non pas pour y trouver des cygnes blancs, mais pour voir si d'aventure je n'en dénicherais pas un d'une autre couleur et j'ai trouvé, effectivement, un cygne noir à bec rouge.
 
Je sais donc maintenant en toute certitude que mon hypothèse était fausse, alors je rejette la conjecture qui a été réfutée [3].
 
Ce que le rationalisme a de juste, c'est la volonté de certitude, la volonté de sortir du scepticisme : je sors du scepticisme par le rejet certain de l'erreur.
 
Et, en revanche, ce que l'empirisme a de juste, c'est qu'il faut recourir à l'expérience.
 
Contrairement à ce que dit Descartes, il ne faut pas se contenter d'enchaîner a priori des suites d'évidences, ou de pseudo-évidences, de certitudes ou de pseudo-certitudes.
 
Il faut recourir à l'expérience pour parvenir à falsifier, à réfuter les hypothèses scientifiques.
 
Quand les hypothèses résistent, elles peuvent faire partie de ce que Bachelard, un autre philosophe des sciences, contemporain de Popper, appelait les «vérités sanctionnées«.
 
Karl Popper s'est beaucoup intéressé à la pensée d'Einstein et à la manière dont Einstein travaillait.
 
À titre d'illustration de sa propre théorie de la dissymétrie entre l'erreur et la vérité, avec la critique de toutes les variantes du vérificationnisme qu'elle implique, Popper raconte comment il a été fort impressionné par la manière dont Einstein avait, en 1919, joué toute sa théorie sur un test de falsification.
 
Je vais vous la raconter, mais, pour vous en faire ressortir tout l'enjeu, il faut rappeler que, dans l'esprit de Popper, ce risque pris par Einstein va contraster avec l'attitude qui est en général celle du marxisme et de la psychanalyse.
 
Ce qui frappe Popper quand il entend Einstein dire à peu près ceci : «Je vais jouer toute ma théorie sur une expérimentation, sur un test de falsification«, c'est que, a contrario, du côté de la psychanalyse et du marxisme, on est constamment dans le vérificationnisme.
 
La théorie de la relativité affirme que les rayons lumineux décrivent une courbe dès qu'ils sont dans un champ de gravitation d'un corps massif.
 
Au fil de cette comparaison, Popper va pouvoir en fin de compte énumérer un certain nombre de critères qui permettent de définir la scientificité d'une science, autrement dit, de définir avec précision ce qu'est une véritable science.
 
évidemment, par définition même, non réfutable : vous ne pouvez imaginer aucun test qui permette de la réfuter.
 

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« 10 1 KARL POPPER : QU'EST-CE QUE LA SCIENCE ? Il est d'abord, bien sûr, passionné par la science, notamment par la physique, la mécanique d'Einstein, qu'il suit de très près.

Au moment où Einstein fait l'objet de toutes les critiques - on a oublié à quel point la théorie de la relativité, mais aussi la personne même d'Einstein ont fait l'objet de critiques épouvantables, y compris antisémites, dans les années 1930 -, Popper sera évidemment à ses côtés, avec des arguments puis­ sants que je vous exposerai par la suite.

Popper a également beaucoup publié.

C'est un écri­ vain infatigable et un pédagogue hors pair.

Le livre le plus touchant, peut-être -c'est en tout cas mon livre préféré -, est La Quête inachevée, une autobiographie qu'il publie en 1976.

Je conseillerai aussi son livre poli­ tique majeur, Misère de l'historicisme, qui parodie un titre de Marx, qui parodiait lui-même un titre de Prou­ dhon : Philosophie de la misère, misère de la philosophie.

Le titre de Proudhon, le titre de Marx et le titre de Popper renvoient les uns aux autres.

Sur le plan propre­ ment philosophique, ses deux grands livres sont Conjec­ tures et Réfotations ( 1963) et La Logique de la découverte scientifique (sa thèse, publiée en 1934, qui constitue le point de départ de sa réflexion).

Cela dit, à titre person­ nel, je trouve que son livre le plus intéressant, avec La Quête inachevée, est Conjectures et Réfotations.

Sur Popper lui-même, le meilleur exégète, le plus intelligent et le plus profond à mes yeux, est mon ami Alain Boyer, qui a publié sur notre auteur un excellent petit livre aux Presses de l'École normale supérieure : Karl Popper, une épistémologie laïque? (1978).

Mais il existe aussi d'autres très bons livres, ceux de René Bouveresse par exemple, qu'on peut utilement lire si on veut se faire une idée de cette épistémologie complexe et sub­ tile dès qu'on entre dans le détail.. »

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