La philosophie de Bergson
Publié le 17/10/2013
Extrait du document


«
« La multiplicité de nos états de conscience a-t-elle la moindre analogie avec
la multiplicité des unités d’un nombre ? La vraie durée a-t-elle le moindre
rapport avec l’espace ? Certes, notre analyse de l’idée de nombre devrait
nous faire douter de celle analogie, pour ne pas dire davantage.
Car si le
temps, tel que se le représente la conscience réfléchie, est un milieu où nos
états de conscience se succèdent distinctement de manière à pouvoir se
compter, et si, d’autre part, notre conception du nombre aboutit à éparpiller
dans l’espace tout ce qui se compte directement, il est à présumer que le
temps, entendu au sens d’un milieu où l’on distingue et où l’on compte, n’est
que de l’espace.
»
« Si tous les mouvements de l’univers étaient uniformément accélérés, bien
mieux : si, à la limite, une rapidité infinie resserrait le successif dans
l’instantané, aucune formule scientifique ne serait modifiée.
Cette situation
fictive fait bien sentir que le temps de la science n’est pas celui de l’existence.
[...] Le temps de l’existence est donc radicalement différent de celui que la
mécanique et la physique mathématique ont rendu mesurable par une
abstraction qui le vide de tout devenir, concrètement incompressible et
inextensible.”
NB : Bergson fait ici une critique de Kant :
Pour Kant, bien que la connaissance soit immense et impossible à cerner
dans sa globalité, les choses du monde touchent notre conscience de façon
parfaitement ordonnée, structurée.
Notre esprit n’est pas du tout un chaos.
Ce
sont le temps et l’espace qui structurent l’ensemble des phénomènes.
Chaque idée a sa place, soit dans le temps, soit dans l’espace.
L’espace est
détaché de son contenu, il ne fait pas partie des idées.
C’est une “forme a
priori de la sensibilité”, si on préfère, une représentation mentale donnée a
priori.
Bergson reconnait que Kant a beaucoup apporté à la philosophie en
posant cette distinction fondamentale entre matière (connaissance) et son
contenu (espace+Temps).
Mais il pense que Kant est allé trop loin dans le
parallèle entre espace et temps comme structuration de toute la
connaissance.
Kant n’a pas vu la subtilité qui existe entre un temps-espace
objectif et quantifiable et cette durée subjective.
En d’autre termes, Kant n’a
vu le temps que comme un concept unique, là où Bergson distingue deux
temps : le temps objectif de Kant et le temps subjectif de la durée.
« Or l’extériorité est le caractère propre des choses qui occupent de l’espace,
tandis que les faits de conscience ne sont point essentiellement extérieurs,
les uns aux autres, et ne le deviennent que par un déroulement dans le
temps, considéré comme un milieu homogène.
Si donc l’une de ces deux
prétendues formes de l’homogène, temps et espace, dérive de l’autre, on
peut affirmer a priori que l’idée d’espace est la donnée fondamentale.
Mais,
abusés par la simplicité apparente de l’idée de temps, les philosophes qui ont
essayé d’une réduction de ces deux idées ont cru pouvoir construire la
représentation de l’espace avec celle de la durée.
En montrant le vice de
cette théorie, nous ferons voir comment le temps, conçu sous la forme d’un
milieu indéfini et homogène, n’est que le fantôme de l’espace obsédant la
conscience réfléchie.
».
»
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