LA PHILOSOPHIE AU XXe SIÈCLE
Publié le 06/02/2019
Extrait du document
Michel Foucault est l’un des rares intellectuels français contemporains dont les travaux aient connu un retentissement considérable à l’étranger.
imposé, au risque de faire scandale, par ses prises de position antireligieuses, éthiques, sociales et politiques.
Influencé par les premiers travaux de Russel, Ludwig Wittgenstein (1899-1951), Anglais d’origine autrichienne, définit le monde dans le Tractatus logico-philosophicus (1919) comme un ensemble de faits indépendants les uns des autres et résolubles en « états de choses » (comme des atomes) dont les liaisons forment la structure du monde. Cette philosophie analytique de Russel et de Wittgenstein trouve sa manifestation la plus achevée avec le « néopositivisme » du Cercle de Vienne. Son principal représentant est l’Allemand Rudolf Carnap (1891-1971), qui tente de remplacer la philosophie par une pure science de la logique censée former des langages idéaux, c’est-à-dire formels et exacts. La philosophie est désormais une recherche sur la diversité des énoncés linguistiques, non plus un corpus de propositions.
Les courants français
Hormis les philosophies de l’existence développées par Sartre, Camus (1913-1960) - l’expérience de l’absurde - ou Gabriel Marcel (1889-1973) - la confrontation avec la foi chrétienne -, c’est vers l’épistémologie, d’une part, et les recherches au croisement des sciences humaines, d’autre part, que se développe principalement la pensée philosophique française au xxe siècle.
Ainsi, Gaston Bachelard (1884-1962) a laissé une œuvre originale et forte qui présente deux versants, l’un abordant l’histoire des sciences, l’autre débouchant sur une véritable métaphysique de l'imaginaire. Analysant les conditions de la connaissance scientifique, Bachelard déclare que celle-ci ne progresse que par une victoire sur les obstacles épistémologiques (perception immédiate, opinion, résultats considérés comme définitifs...) qu’il entreprend alors de déceler, cherchant à fonder « les rudiments d’une psychanalyse de la raison ». La philosophie des sciences peut ainsi se définir comme un rationalisme appliqué (Le nouvel esprit scientifique, 1934 ; La formation de l’esprit scientifique, 1938; Le rationalisme appliqué,
1948). Mais au monde de la rationalité s’oppose l’univers complémentaire de l’imagination poétique et de ses symboles, qu’inspirent les éléments naturels (feu, eau, air, terre) dont Bachelard tente de faire la psychanalyse : La psychanalyse du feu, 1937; L'eau et les rêves, 1941; L'air et les songes, 1943. Les travaux de Bachelard ouvrent de nouvelles perspectives dans les domaines de la psychologie, de la poétique et de la critique littéraire.
D’une approche radicalement différente, le structuralisme regroupe dans les années 1960 et 1970 des penseurs d’horizons très divers mais appliquant une méthode similaire aux différents domaines de leurs recherches: linguistique, anthropologie, psychanalyse, philosophie marxiste, critique littéraire ou recherche historique. Le structuralisme part de l’analyse fondamentale de la langue comme structure qu’a élaborée au début du siècle le Suisse Ferdinand de Saussure (1857-1913) : la langue est un système de signes, une combinatoire d’éléments minimaux réductibles à un signifiant et un signifié, par conséquent une structure dont on peut à la fois isoler les éléments mais dont seule la relation entre eux au sein du système est porteuse de sens.
Le structuralisme est appliqué comme méthode en anthropologie avec les travaux de Claude Lévi-Strauss (né en 1908) sur les Structures élémentaires de la parenté (1949) et l’analyse de la Pensée sauvage (1962). Cette pensée des sociétés «primitives», loin de relever d’une mentalité «prélogique» apparaît soumise à un logique rigou-
Gilles Deleuze fait partie du courant «post-structuraliste », au sein duquel de nombreux penseurs originaux se sont illustrés durant la période contemporaine.
reuse et classificatrice. Pour Lévi-Strauss, « toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques ». À partir d’une observation et d’une description rigoureuses des relations sociales, l’ethnologue peut construire des modèles formels capables de mettre en évidence la structure naturelle inconsciente des sociétés et rendant compte de tous les phénomènes observés. Lévi-Strauss applique cette méthodologie jusqu’aux mythes, non directement observables mais dont on peut expliciter la structure et la signification (Le cru et le cuit, 1964).
L’approche structuraliste s’est étendue ensuite aux travaux de Louis Althusser (1918-1980) sur Marx (Lire le Capital, 1965), de Roland Barthes (1915-1980) dans le domaine de la critique littéraire (Essais critiques, 1964; Critique et vérité, 1966) et dans l’analyse de phénomènes sociaux examinés sous l’angle du discours (Mythologies, 1957; Le système de la mode, 1967; Fragments du discours amoureux, 1977), de Jacques Lacan, psychanalyste, cherchant à retrouver dans l’inconscient les structures mêmes du langage, ou de Jean-Pierre Vernant en histoire.
La période «post-structuralisme» voit ensuite émerger des penseurs originaux comme Michel Serres (né en 1930), Gilles Deleuze (1925-1995), Jacques Derrida (né en 1930) et surtout Michel Foucault (1926-1984) dont les recherches se placent au croisement des sciences humaines, de l’épistémologie et de l’histoire. Dans Histoire de la folie à l'âge classique (1961) il met en évidence le partage historique entre la « folie » et la « raison », celle-ci apparaissant alors comme forme de pouvoir. Dans Les mots et les choses (1966), il montre comment l’apparition de l’homme sur la scène du savoir est un phénomène relativement récent qui a coïncidé avec «la fin de la métaphysique». Poursuivant ses recherches avec L'archéologie du savoir (1969), Surveiller et punir, histoire de la prison (1975) et Histoire de la sexualité en quatre tomes (1978), Michel Foucault est, à sa façon, l’exemple même du philosophe de la fin du siècle : il remet en question le champ même de la connaissance pour mieux comprendre les formes de pouvoir sur l’individu.
«
La
philosophie au xx• siècle
la recherche scientifique de son temps.
S'il prend
acte des théories de l'évolution, il s'oppose à un
positivisme scientiste et matérialiste et prône un
"retour conscient et réfléchi de l'intuition » pour
comprendre le phénomène vivant.
La vie est pour
lui un processus créateur permanent, porté par un
«élan vital» qui traverse la matière et produit des
formes de vie toujours nouvelles : plante, animal et
homme.
Or, le simple entendement, l'intellect, s'il
peut dominer le statique et le matériel, est cepen
dant incapable de comprendre le vivant dans
sa globalité.
Il procède en effet par abstraction, en
isolant son objet (et ne peut donc rendre compte
du dynamisme global et de l'inédit de la vie); son
approche du temps est spacialisée et quantitative
(il est donc incapable d'appréhender le principe
fondamental de durée propre à la vie, qui porte
en elle à la fois passé, présent et devenir).
Lintelli
gence raisonnante peut ainsi conduire à la fabrica
tion d'outils ou à l'élaboration de sciences phy
siques élaborées, mais ne prend en compte cette
notion de durée pure qui relève de l'expérience
intérieure.
Seule l'" intuition ••, concentration
et engagement de l'« âme toute entière>> , permet
d'accéder à cette compréhension du vivant, à sa
réalité profonde et à son dynamisme.
Cette philo
sophie spiritualiste a eu une grande influence sur
les penseurs et les écrivains jusqu'à la Seconde
Guerre mondiale.
La phénoménologie
Fonder la philosophie comme une «science
rigoureus e>>, tel est le but de l'Allemand Edmund
Husserl (1859-1938) qui élabore l'une des
recherches les plus ambitieuses et complexes du
xx• siècle : la phénoménologie.
Cette méthode
philosophique se propose de décrire les choses
en elles-mêmes, en dehors de toute construction
conceptuelle, afin de découvrir les structures
transcendantes de la conscience et l'essence des .....
Logicien,
philosophe
et mathématicien,
l'Anglais
Bertrand Russell
a joué un rôle
prépondérant dans
l'étude du langage
et la philosophie
analytique.
Ses travaux ont porté
sur la logique,
la linguistique,
la psychologie
et la physique.
Il est également
connu pour
ses prises de position
antireligieuses, politiques, sociales
et éthiques, qui ont
parfois fait scandale.
L'ensemble de son
œuvre a influencé
le philosophe anglais
d'origine autrichienne
Ludwig Wittgenstein.
choses.
C'est là non seulement une nouvelle
conception du rapport sujet-objet (l'objet n'est
plus constitué par la conscience du sujet comme
chez Kant) mais une entreprise qui se veut « radi
cale », repensant les fondements mêmes de la
philosophie et du savoir en général dans leur pré
tention à l'univ ersalité.
Dans ses Recherches logiques (1901), Husserl
rompt d'abord avec le psychologisme dominant
qui consiste à fonder la logique sur la psycho
logie.
Il développe ensuite son approche dans
Idées directrices pour une phénoménolo gie et une
philosophie phénoménolo gique pures (1913).
Le
but est pour lui de revenir « des discours ou opi
nions aux choses mêmes •• et pour cela de décri
re -.et non d'expliquer -les actes de pensée par
lesquels nous atteignons les objets logiques (la
conscience que j'ai du monde) afin d'arriver à
la chose même, aux significations ou essences
pures.
La phénoménologie husserlienne se
fonde sur le concept d'« intentionnalité •• : les
phénomènes psychiques, à la différence des
phénomènes physiques, ont la propriété spéci
fique de toujours se tourner vers quelque chose :
«Toute conscience est conscience de quelque
chose •• comme le répétera Sartre.
Développant
son analyse sur la corrélation du sujet et de l'objet
dans les actes de conscience, Husserl s'inscrit
dans la tradition de la philosophie transcendenta
le de Descartes qu'il radicalise (Méditations carté-·
siennes, 1929; Lo gique formelle et logique transcen
dentale, 1929).
L'intersubjectivité étant le fonde
ment même de l'objectivité du monde, l'analyse
de Husserl s'élargira jusqu'au concept général du
«monde de la vie •• qu'il développe dans La crise
Jean-Paul Sartre, en compagnie de ..,._.
Simone de Beauvoir.
Philosophe marqué
par la phénoménologie et par ses maÎtres
allemands Husserl et Heidegger, il est également
l'auteur d'une œuvre romanesque et théâtrale.
des
sciences européennes et la phénoménolo gie
transcen dentale (1936).
Edmund Husserl s'y
interroge sur le désarroi moderne de ce qu'il
appelle l'« humanité européenne ».
Les philosophies de l'existence
L'influence de la phénoménologie est considé
rable entre les deux guerres puis au lendemain de
la Seconde Guerre mondiale.
De nombreux
élèves et disciples de Husserl reprennent et élar
gissent son œuvre en Allemagne : Max Scheler
(1874-1928), Eugen Fink (1905-1975), mais sur
tout Martin Heidegger (1889--1976), collaborateur
de Husserl à l'université de Fribourg et son suc
cesseur à la chaire de philosophie.
Dans Être et
Temps (1927), Heidegger s'attache cependant
moins à la problématique husserlienne du sujet et
de l'objet, et à la relation contradictoire entre la
conscience et le monde, qu'à la question fonda
mentale de l'être qui restera le thème central de
son œuvre.
Ce problème de l'être, que seul l'hom
me est capable de poser, nécessite tout d'abord
une phénoménologie de l'existence humaine.
Confrontant l'existence humaine aux expériences
métaphysiques fondamentales que celle-ci impo
se (l'angoisse, l'ennui, le souci), il fait apparaître
que ces sentiments sont les révélateurs mêmes de
l'existence de l'homme dans le monde : l'existen
ce de l'homme est définie non pas à partir de la
conscience et de ses actes mais à partir de son
"être-au-monde», l'« être-là » (Dasein), sorte de
présence active de l'homme dans le monde.
Tout
l'effort philosophique de Heidegger consiste à
retrouver le sens de cet « être-là » par une critique
(une « déconstruction ») de la métaphysique tra
ditionnelle.
Si la compromission de Heidegger avec les nazis
(il s'inscrit au parti en 1933 et ne semble pas avoir
regretté cette décision) lui valut de nombreuses
critiques, son œuvre apparaît comme l'une des
plus importantes du xx• siècle : elle renouvelle
les postulats ontologiques fondamentaux de la
pensée occidentale et remet en question la tradi
tion métaphysique dans sa totalité (le problème
pour Heidegger n'estplus de constituer une nou-.
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