La peinture d'Arshile Gorky

La vie de Gorky a si implacablement évolué vers le drame, elle est marquée par tant d'événements tragiques qu'un effort de réajustement est nécessaire pour parvenir à apprécier à leur juste valeur la rigueur innée de ce peintre et le caractère discipliné de son art. Né dans cette région de l'Arménie qui fait partie du territoire turc, Gorky émigre aux États-Unis à l'âge de quinze ans. Il commence à faire méthodiquement son apprentissage artistique à Boston dès le début des années 1920. En 1925, Gorky s'installe à New York. Durant les années qui suivent, le jeune paysan arménien, au passé nourri de poésie, de mythologie et de folklore vit dans le dénuement, cherchant péniblement à s'adapter à son nouveau milieu de citadins aux naissantes aspirations culturelles. Gorky parvient enfin au cours des années 30 à s'intégrer au groupe encore très restreint des artistes new-yorkais d'avant-garde et à acquérir une notoriété d'ailleurs assez relative dans les galeries et les musées, ainsi qu'auprès des critiques et des mécènes. L'art de Gorky connaît une évolution lente et difficile. Doué d'un talent poétique inné instinctivement porté vers la recherche d'équivalences plastiques, l'artiste s'astreint à une discipline sévère qui consiste à imiter consciencieusement les grands maîtres modernes et à s'interdire toute expression originale, toute manifestation de sa propre personnalité. Dans les années 40-60 Gorky commence à devenir un des grands noms de la peinture américaine. Mais alors même qu'il obtient cette consécration et que le succès vient enfin couronner ses efforts surviennent le drame, la destruction de son oeuvre et de sa vie. En 1946, vingt-sept environ de ses toiles sont ravagées lors d'un incendie. Gorky n'a pas le temps de se remettre de ce coup du sort que, atteint du cancer, il doit subir une grave intervention chirurgicale. Des dissensions conjugales de plus en plus profondes ébranlent, puis détruisent son foyer ; et un accident d'auto qui brise ses vertèbres cervicales et paralyse son bras droit vient mettre un comble à ses souffrances. Il se suicide en juillet 1948.