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La passion rend-elle aveugle ?

Publié le 27/02/2004

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C'est seulement une moralité inerte, voire trop souvent hypocrite, qui se déchaîne contre la forme de la passion comme telle. [...] La question de savoir qu'elles sont les inclinations bonnes, rationnelles, et quelle est leur subordination, se transforme en l'exposé des rapports que produit l'esprit en se développant lui-même comme esprit objectif. Développement où le contenu de l'ipso-détermination [Cette expression spécifie que l'esprit se réalise et se détermine lui-même selon des lois rationnelles] perd sa contingence ou son arbitraire. Le traité des tendances, des inclinations et des passions selon leur véritable teneur est donc essentiellement la doctrine des devoirs dans l'ordre du droit, de la morale et des bonnes moeurs. « HEGEL.     Hegel met ici en évidence la contradiction apparemment inhérente aux passions : elles semblent à la fois provenir de l'individu lui-même qui vise ses intérêts particuliers, et obéir à un ordre rationnel et général, extérieur à l'individu et même contraire à ses intérêts. Un tel paradoxe soulève la question de la liberté ou de la détermination de nos comportements. Ce problème, ici posé, est également examiné sous l'angle du sens de l'Histoire.    Auparavant, Hegel écarte toute approche purement moralisante des passions (en termes de bien ou de mal), mais en dégage la fonction éminemment positive.
Passive et subie, la passion nous aveugle au plus haut point. Elle fait taire en nous la voix de la raison. La passion a pour résultats la colère, la violence et la haine; elle est source d'errements et d'aveuglements. TOUTEFOIS, la passion est la racine même de la vie. Etre sage et raisonnable ne permet que de survivre, pas de vivre. L'homme passionné est l'acteur de sa vie. Il impose au monde la marque de sa personnalité.

« KANT , « Anthropologie du point de vue pragmatique ». Kant distingue la « passion » du « penchant », de l' « instinct », de la « tendance » et de l' « émotion ».

Il la définit donc comme une tendance exclusive, réfléchie, et dotée d'une certaine permanence. Ce dernier attribut le conduit à la comparer à une maladie incurable de l'âme.

Mais il rétablit toutefois le lien qui l'unit à la raison :la passion est « toujours associée à la raison ». La spécificité de l'analyse kantienne tient à cette formule originale et assez ambiguë de cohabitation entre passion et raison : lapassion est alliée à la raison, puisqu'elle n'est nullement impulsive comme l'émotion ; mais en même temps elle est hostile à sonactivité, puisqu'elle aveugle la raison par des désirs contraires à la loi morale.

Ainsi passion et raison sont associées, mais c'est laraison qui à le dernier mot : elle est en mesure de limiter les effets de la passion, et d'imposer au sujet l'obéissance au devoirrationnel. Tel est le dernier paradoxe de la passion : maladie incurable, mais dont les effets peuvent toutefois être réduits par le vouloirautonome de la raison. La passion est liée à l'illusion 1.

La passionNous pouvons, afin de déterminer la nature de la passion, prendre pour point de départ la définition qu'en donne Descartes àl'article 27 des Passions de l'âme : elles consistent en « des perceptions, ou des sentiments, ou des émotions de l'âme, qu'onrapporte particulièrement à elle, et qui sont causées, entretenues et fortifiées par quelque mouvement des esprits ».

Descartesexplique cette définition dans les articles qui suivent : la passion est une perception parce qu'elle est subie, passive ; un sentimentparce qu'elle se manifeste à l'occasion d'objets extérieurs donnés par les sens, et enfin une émotion « parce que, de toutes lespensées que [l'âme] peut avoir, il n'y en a point d'autres qui l'agitent et l'ébranlent si fort que font ces passions ».

Par ailleurs, lapassion est rapportée à l'âme pour qu'elle soit distinguée des sensations extérieures à nous (sons et couleurs) ainsi que dessentiments rapportés à notre corps (faim et douleur), et les « esprits » qui l'animent sont l'appellation cartésienne de ce que l'onnomme aujourd'hui influx nerveux : en d'autres termes, les passions ont toujours de quelque façon à voir avec la dispositioncorporelle, c'est en tant que nous avons un corps que nous sommes sujets aux passions. 2.

Le passionné et l'objet de sa passionDescartes, dans la définition qu'il donne de la passion, met en lumière le lien de l'homme passionné avec l'objet de sa passion, quecelle-ci soit amour, désir, haine, joie, orgueil ou espérance.

Dans toutes ces passions, je suis frappé par un objet des sens que jereçois passivement : je ne suis pas maître de l'objet de mon amour, de mon désir, de ma haine, etc.

À cela s'ajoute que cet objetsuscite ma passion par l'entremise de mes sens et, par là, de mon corps : il n'est pas l'objet d'une connaissance intellectuelle, pure,mais me parvient par la médiation de mes nerfs, de mon cerveau, éventuellement de la disposition de mes organes ; il m'estprésenté par eux, c'est-à-dire du point de vue de mon corps ; l'objet de la passion est obscurci par cette médiation corporelle.

Enfin,l'objet de ma passion m'émeut, me met en mouvement, m'ébranle : je suis porté à fuir ce que je crains, à chercher à réaliser ceque me propose mon ambition, etc.

; je ne suis pas indifférent dans ma passion, celle-ci au contraire accapare mon esprit, surtout sielle est violente. 3.

L'illusion accompagne la passionAussi une illusion peut-elle ordinairement accompagner ma passion : je suis soumis à l'objet de ma passion sans que je prennel'initiative de cette soumission ; l'objet qui s'impose à moi peut être illusoire, ma passion demeure.

Les sens qui me présententl'objet que je désire ou que je crains peuvent, par habitude, m'offrir cet objet sous un jour fallacieux : je puis être conduitinconsciemment à attribuer de la valeur à ce qui n'en a pas.

Descartes raconte en ce sens, dans une lettre à Chanut du 6 juin 1647,une expérience personnelle ayant une signification plus générale : dans son enfance, il avait aimé une fille qui louchait, et, plustard, les gens qui présentaient le même défaut de vision l'attiraient.

L'association du strabisme au sentiment de l'amour produisaitun effet, du simple fait de l'habitude acquise par ses sens.

Ce n'est que lorsque Descartes s'en rendit compte qu'il put se défaire decette attirance : un amour d'enfance avait produit l'illusion qu'un défaut physique devait être compté au nombre des qualitésaimables, cette illusion fondée sur une passion créait à son tour de nouvelles passions.

Et tout cela vaut bien plus encore pour lespassions qui accaparent l'âme à leur unique profit : nous sommes alors pour ainsi dire hors de nous, nous perdons la maîtrise denous-mêmes et n'agissons plus qu'en vue d'une unique passion qui nous occupe entièrement, qui nous envahit totalement. Passion et dynamismeSi je n'éprouve plus de passion, je n'ai plus de désir et je suis voué à l'inaction.

La passion du supporter est ce qui traduit sonenthousiasme et sa ferveur dans les actes; son attachement pour son équipe est encore du domaine de la raison; lorsqu'il veut lemanifester, l'exprimer, il fait preuve de passion.

C'est exactement ce que dit Hume lorsqu'il affirme que «la raison est et ne peutêtre que l'esclave des passions».

Pour gagner une partie d'échecs, pour gagner les faveurs de la femme que j'aime, il me faut unprincipe d'action qui me pousse à gagner, à aimer, à conquérir.

Si, dans la passion subie, les mots sont passifs, ils deviennent actifslorsque la passion est désir et énergie, lorsqu'elle devient une force vive de nos comportements.

Rejeter nos passions, essayer deles étouffer, les attaquer «à la racine, c'est attaquer la vie à sa racine», ainsi parlait Nietzsche.. »

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