La passion fait-elle toujours obstacle à la connaissance de soi ?
Publié le 17/01/2022
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Enfin, si la philosophie, selon Platon, commence par l'aveu de l'ignorance, son but est de faire cesser celle-ci. Son but est la connaissance. Aristote insiste sur ce point essentiel, sur l'image que la science et la philosophie se font d'elles-mêmes : « Il est évident qu'ils poursuivaient la science pour savoir, et non en vue de quelque autre utilité. « Les philosophes recherchent le savoir pour le savoir et non pour une quelconque utilité pratique immédiate. Cela ne veut en aucun cas dire que la philosophie n'a aucun intérêt. Mais d'abord, qu'elle n'a pas pour but de satisfaire un besoin, qu'il soit vital ou de confort. C'est la preuve que donne Aristote : « Presque tous les arts qui regardent les besoins et ceux qui s'appliquent au bien-être, étaient connus déjà quand on commença à chercher les explications de ce genre. « C'est quand les problèmes urgents de la vie sont résolus, que l'on se lance dans les sciences ou la recherche. La philosophie n'est donc pas une discipline asservie, liée aux nécessités vitales ou à la recherche d'un confort matériel. Elle est une activité libre, qu'on exerce pour son propre plaisir, pour son intérêt intrinsèque.
- Pour démarrer.
La question posée est la suivante : l'inclination dominante conduisant à une rupture de l'équilibre psychologique (ex. : l'amour passion ; l'ambition passion, etc..) représente-t-elle toujours un poison nous empêchant de former des idées claires et justes de notre personnalité et de notre subjectivité ? Le problème est de savoir si la connaissance de soi suppose objectivité, neutralité, juste mesure de l'âme.
- Conseils pratiques.
Appuyez-vous ici sur la grande analyse classique de la passion, du stoïcisme à Spinoza et Kant. Utilisez vos connaissances et tentez d'élaborer une stratégie personnelle de dissertation, qui dépasse, peut-être, la tradition philosophique classique. La passion n'est pas toujours poison, mais aussi saisie de notre essence (cf. le Romantisme, etc.).
«
pour cela que les amours des autres nous sont généralement incompréhensibles.
L'objet de la passionapparaît le plus souvent dérisoire pour celui qui en juge de l'extérieur, objectivement.
C'est le passionné quil'enrichit de tout ce qu'il projette sur lui.
On a dit que l'amour était comme les auberges espagnoles.
Dépouillerles êtres de tout ce que nos passions leur prêtent, c'est les réduire à eux-mêmes, cad souvent à peu dechose.
Le héros de Proust note avec lucidité qu' « Albertine n'était, comme une pierre autour de laquelle il a neigé, que le centre générateur d'une immense construction qui passait par le plan de mon cœur. » Proust a montré en des analyses admirables, que l'objet d'une passion était son prétexte plutôt que sa source.
Ce sontles femmes à peine connues et restées mystérieuses qui suscitent les passions les plus intenses, précisémentparce que rien ne fait alors obstacle au processus de cristallisation Tout ce qui est susceptible d'accroître lemystère de l'objet aimé (par exemple lorsque celui-ci se dérobe à notre approche) intensifie la passion,précisément parque le phénomène de la cristallisation, de la projection psychologique est favorisé parl'éloignement, l'évanescence de l'être aimé.
La passion mobilise à son profit tout le dynamisme psychologique.
On a souvent décrit les effets trèsremarquable de la passion sur le jugement.
Proust écrit par exemple : « C'est le propre de l'amour de nous rendre à la fois plus défiants et plus crédules, de nous faire soupçonner plus vite que nous n'aurions fait uneautre celle que nous aimons et d'ajouter foi plus aisément à ses dénégations. » Le passionné ne raisonne pas du tout comme l'homme équilibré, il raisonne à la fois beaucoup plus, mais à faux.
Le jaloux par exemple passeson temps à épier des signes.
Il retient tout ce qui peut justifier sa jalousie, le grossit et néglige tout le reste.Sur de faibles indices, il construit des raisonnements qui ont une structure très rigoureuse, mais dont la baseest très fragile.
C'est ce que les psychologues nomment « la logique des passions ».
Le trait le plus remarquable est que le raisonnement passionnel demeure imperméable aux réfutations d'autrui ; s'il estimpossible de réfuter les constructions du passionné, c'est parce que ses conclusions, au lieu de découler duraisonnement qui les précède, sont, en réalité, posées d'abord.
L'échafaudage du raisonnement n'est construitqu'après coup, pour justifier la passion.
Ainsi Othello est jaloux de Desdémone dès l'origine, pour des mobiles très profonds et en partie inconscients.
Othello qui, comme dit André Maurois , « a souffert à Venise, malgré sa gloire militaire, des préjugés raciaux », se dit au fond qu'il ne mérite pas Desdémone , qu'il n'est pas digne d'elle Ce complexe d'infériorité le trouve prêt à accueillir sans critique les plus frêles indices et les argumentstendant à prouver l'infidélité de Desdémone .
Car la conclusion a été posée d'abord, de façon profonde et inconsciente.
La passion s'empare de l'intelligence, de l'imagination.
Elle nous attache à des objets souvent médiocresqu'elle recouvre de prestiges illusoires.
Par là, elle semble nous déposséder de notre self-control, nousentraîner à des actes dont nous ne cessons réellement d'être maîtres.
Aussi, nous paraît-il nécessaire deconserver dans l'acception moderne psychologique du terme passion cette signification de passivité qui, dansla tradition philosophique, d' Aristote à Descartes (reprise de nos jours par Alquié ), inspire l'opposition de la passion et de l'action.
Le passionné ne se définit-il pas lui-même comme un possédé, comme la victime d'une force fatale qui s'est emparée de lui ?
Celui qui subit la passion « ne peut croire qu'elle vient de lui et la considère comme une force étrangère, installée en lui, violentant ses instincts, déroutant sa raison.
Cette force toute-puissante et fatale lui inspireune sorte d'horreur sacrée ; il l'appelle divine : toute passion est regardée comme une emprise de la divinitésur l'homme, l'avarice comme l'amour (c'est Vénus tout entière à sa proie attachée), quoiqu'il la trouve en soi,l'homme la juge étrangère à soi, transcendante. » ( Dugas , «Les passions »).
L'autojustification n'est pas connaissance de soiLe passionné cherche par tous les moyens à convaincre les autres que ses choix sont les bons.
L'avaren'admet pas qu'on puisse dire de lui qu'il est avare.
Le passionné, bien souvent, fait preuve de rationalisation.Il ne veut pas reconnaître ses erreurs, la réalité des faits, ni les raisons inconscientes qui le poussent à agircomme il le fait.
Aveuglé, il l'est aussi par rapport à lui-même.
La connaissance de soi suppose l'objectivitéLa passion est un élan impétueux qui soumet la raison à ses décrets.
Or, se connaître soi-même nécessite unméticuleux travail d'introspection.
Ce travail, pour être fécond, implique que l'on s'observe soi-même avec lamême rigueur que celle du scientifique qui observe les phénomènes.
Or, la passion est aussi peu rigoureusequ'elle est impérieuse.
[II faut être infiniment passionné par la vie pour avoir la volonté et la force de se connaître soi-même et, par là même, de pouvoir mieux comprendre autrui.
La passion est l'aiguillon de la connaissance.]
Les êtres sans passion se méconnaissent.
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