La passion est-elle refus du temps ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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Au niveau individuel et subjectif, le temps se définit comme la durée vécue par la conscience.Pour Bergson, ce temps de la conscience est le seul temps réel.
L'image linéaire du temps est une représentationinadéquate car elle trahit la réalité du temps en le présentant sous .une forme spatiale.
Le temps réel est celui quevit la conscience non pas sur le mode de l'extensif, mais sur celui de l'intensif.
.
La passion ne serait-elle pas alorscette grandeur intensive constitutive du temps réel ? Le temps de l'individu serait .
construit par ses passions.
AinsiSocrate affirme l'insignifiance du temps, si celui-ci n'est plus le temps de sa passion pour la raison.
Il préfère mourirplutôt que de continuer à vivre sans philosopher, parce que seule sa passion pour la philosophie lui permet de seréaliser et de donner un sens à sa vie.La passion fait donc la réalité du temps humain.
Sans passion, le temps ne serait pour l'homme que ce milieu indéfiniet étendu d'un point à un autre (naissance et mort) entre lesquels l'existence se déroulerait dans une successionirréversible.
La passion fait du temps une durée intensive, une évolution créatrice au cours de laquelle l'homme seréalise.D'un point de vue collectif, le temps, c'est aussi l'histoire d'un peuple.
Comme le dit Hegel, « rien de grand ne s'estaccompli dans le monde sans passion » (La Raison dans l'histoire).
La passion, ainsi réhabilitée, est édifiante etcréatrice du devenir historique.
Par exemple, Napoléon, en cherchant à satisfaire sa passion de l'ambition, réalise dumême coup quelque chose de bien plus grand, qui dépasse sa seule satisfaction personnelle : il fait advenir une idéede la raison, l'idée d'un État de droit, un État dans lequel tous les hommes sont égaux en droit.
Ce sont les passionsqui permettent de réaliser les idées de la raison.
Ainsi, la passion des révolutionnaires français a permis de fairetriompher peu à peu les idées de la raison : Liberté, égalité, fraternité.
Lorsque nous considérons ce spectacle des passions et les conséquences deleur déchaînement, lorsque nous voyons la déraison s'associer non seulementaux passions, mais aussi et surtout aux bonnes intentions et aux finslégitimes, lorsque l'histoire nous met devant les yeux le mal, l'iniquité, la ruinedes empires les plus florissants qu'ait produits le génie humain, lorsque nousentendons avec pitié les lamentations sans nom des individus, nous nepouvons qu'être remplis de tristesse à la pensée de la caducité en général.
Etétant donné que ces ruines ne sont pas seulement l'oeuvre de la nature, maisencore de la volonté humaine, le spectacle de l'histoire risque à la fin deprovoquer une affliction morale et une révolte de l'esprit du bien, si tant estqu'un tel esprit existe en nous.
On peut transformer ce bilan en un tableaudes plus terrifiants, sans aucune exagération oratoire, rien qu'en relatantavec exactitude les malheurs infligés à la vertu, l'innocence, aux peuples etaux Etats et à leurs plus beaux échantillons.
On en arrive à une douleurprofonde, inconsolable que rien ne saurait apaiser.
Pour la rendre supportableou pour nous arracher à son emprise, nous nous disons: Il en a été ainsi;c'est le destin; on n'y peut rien changer; et fuyant la tristesse de cettedouloureuse réflexion, nous nous retirons dans nos affaires, nos buts et nosintérêts présents, bref, dans l'égoïsme qui, sur la rive tranquille, jouit ensûreté du spectacle lointain de la masse confuse des ruines.
» HEGEL
« Les inclinations et les passions ont pour contenu les mêmes déterminations que les sentiments pratiques et, d'un côté, elles ont également pour base la nature rationnelle de l'esprit, mais, d'unautre côté, en tant qu'elles relèvent de la volonté encore subjective, singulière, elles sont affectées de contingenceet il apparaît que, en tant qu'elles sont particulières, elles se comportent, par rapport à l'individu comme entre elles,de façon extérieure et, par conséquent, selon une nécessité non-libre.La passion contient dans sa détermination d'être limitée à une particularité de la détermination-volitive, particularitédans laquelle se noie l'entière subjectivité de l'individu, quelle que puisse être d'ailleurs la teneur de la déterminationqu'on vient d'évoquer.
Mais, en raison de ce caractère formel, la passion n'est ni bonne ni méchante ; cette formeexprime simplement le fait qu'un sujet a situé tout l'intérêt vivant de son esprit, de son talent, de son caractère, desa jouissance, dans un certain contenu.
Rien de grand ne s'est accompli sans passion ni ne peut s'accomplir sanselle.
C'est seulement une moralité inerte, voire trop souvent hypocrite, qui se déchaîne contre la forme de la passioncomme telle.[...] La question de savoir qu'elles sont les inclinations bonnes, rationnelles, et quelle est leur subordination, setransforme en l'exposé des rapports que produit l'esprit en se développant lui-même comme esprit objectif.Développement où le contenu de l'ipso-détermination [Cette expression spécifie que l'esprit se réalise et sedétermine lui-même selon des lois rationnelles] perd sa contingence ou son arbitraire.
Le traité des tendances, desinclinations et des passions selon leur véritable teneur est donc essentiellement la doctrine des devoirs dans l'ordredu droit, de la morale et des bonnes moeurs.
» HEGEL.
Hegel met ici en évidence la contradiction apparemment inhérente aux passions : elles semblent à la fois provenir del'individu lui-même qui vise ses intérêts particuliers, et obéir à un ordre rationnel et général, extérieur à l'individu etmême contraire à ses intérêts.
Un tel paradoxe soulève la question de la liberté ou de la détermination de noscomportements.
Ce problème, ici posé, est également examiné sous l'angle du sens de l'Histoire.Auparavant, Hegel écarte toute approche purement moralisante des passions (en termes de bien ou de mal), maisen dégage la fonction éminemment positive.
Il reprend à cet effet la formule d'Helvétius : « Rien de grand...
».Indépendamment de toute considération éthique, l'auteur établit la nécessité des passions en tant que moteur de.
»
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