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LA PASSION ÉLOIGNE-T-ELLE DE LA RÉALITÉ ?

Publié le 13/03/2004

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Sans la confiance, en effet déraisonnable pour tout esprit calme, qu'il se fait pour trouver une nouvelle version du monde. Et que pourrait découvrir un savant s'il n'était pas animé par une authentique passion de la découverte qui lui permet de supporter les impasses temporaires et les échecs, la lenteur de sa démarche, les objections de ses collègues, etc. On peut remarquer que cette autre figure du passionné (artiste, chercheur, «génie ») s'affirme après le romantisme, après que Fichte a défini l'amour, mais semble-t-il, toute passion, comme « désir de quelque chose d'inconnu». On admet alors que la passion n'éloigne dans un premier temps du quotidien et de ses contraintes que pour mieux ensuite le retrouver, en le complétant ou le magnifiant du même mouvement. On s'habitue dès lors à répéter après Hegel que «rien de grand ne s'est fait sans passion », en simplifiant volontiers sa pensée. Pour Hegel en effet, la passion est le nécessaire ressort subjectif - apparemment égoïste - qui entraîne l'homme à accomplir sans le savoir les buts de l'Esprit du Monde. Ce dernier étant pure Raison, il est clair que sa froideur ou sécheresse ne pourrait entraîner l'humain vers des réalisations remarquables. Aussi la passion en devient-elle l'agent involontaire, animant les hommes pour qu'ils agissent de manière excessive : subjectivement satisfaits (puisqu'ils comblent par exemple leur goût de la conquête ou leur désir de gloire), ils font avancer l'histoire dans le sens final de la Rationalité. La passion n'est ainsi dans l'homme que l'écho d'une « ruse de la Raison ». Et comme cette dernière se réalise progressivement, il devient difficile d'affirmer encore que la passion éloigne du réel : elle participe au contraire à ses transformations.

« comme le disait Descartes, dans l'utilisation de ce dynamisme passionnel aveugle qui est tantôt inefficace,tantôt utilisé, selon le sentiment au service duquel il est et selon qu'il exclut ou intègre le discernement desvaleurs. Sans doute ignore-t-elle la temporalité telle qu'elle nous est ordinairement imposée, mais elle est aussi esquissed'une autre existence ou d'un futur possible.

Si la pensée d'un Nietzsche, par-delà sa dénonciation du nihilismeambiant, accède à sa dimension prophétique par l'annonce du surhomme, n'est-ce pas parce que Nietzsche est«passionné» plus qu'aucun autre par la vie et que la modernité telle qu'elle se présente à lui est décevante? Qu'est-ce que le Surhomme ? Le Surhomme est une forme d'humanité supérieure qui laisse parler en luila totalité des instincts, et précisément ceux-là mêmes que la Culturechristianisée a étouffés parce qu'ils étaient des formes de la volonté depuissance, « ce qu'il y a de pire » en l'homme : égoïsme, instinct dedomination, sexualité.

Mais il convient ici de souligner un pointimportant.

L'homme est de toute façon un être de culture.

Il n'est doncen aucun cas possible de retourner au moment où les Barbares étaientencore indemnes des effets de la volonté de puissance de leursesclaves, moment fondateur de la culture.

Les instincts doivent êtrelibérés pour être spiritualisés : « L'homme supérieur serait celui qui auraitla plus grande multiplicité d'instincts, aussi intenses qu'on peut lestolérer.

En effet, où la plante humaine se montre vigoureuse, on trouveles instincts puissamment en lutte les uns contre les autres...

maisdominés.

» Ce surhomme parvient à la connaissance véridique del'humanité, qui est la connaissance « tragique » qui a été décriteprécédemment.

Il se réalise dans les seules issues que Nietzsche aréservées : celle de l'art, qui est une fiction connue comme telle, oucelle de la connaissance intellectuelle.

Il réalise ainsi le sens del'humanité même, car il est celui qui adhère à la doctrine de l'ÉternelRetour et qui donc est le sommet de la volonté de puissance. La passion, parce qu'elle est exaltation, détruit la grisaille.

Sans doute choisit-elle un but au-delà du réeldonné, mais ce faisant, elle nous fait l'offrande d'un réel transfiguré, à la lumière duquel c'est la réalité mêmequi change d'aspect.. »

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